(The DC Archive) Le professeur Harada et ses merveilleux fous volants (2ème partie)



Apprêtez-vous à entrer dans une nouvelle dimension qui ne se conçoit pas seulement en terme d’espace, mais où les portes entrebâillées du temps peuvent se refermer sur vous, à tout jamais. C’est une dimension faite non seulement de paysages et de sons, mais surtout d’esprits. Un voyage dans une contrée où les frontières sont notre imagination. Un voyage au bout des ténèbres où il n’y a qu’une destination :


(article paru sur Drink Cold le 6 avril 2010)

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Un ami me raconta un jour l’histoire des frères Harada.

Le soir même je commençai l’écriture de Pierre et Jean.

Guy de Maupassant

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CHAPITRE II

Des frères bioniques en route pour la légende

Résumé de l’épisode précédent : le professeur Harada, génial scientifique méconnu, a fait une incroyable découverte qui devrait bouleverser le monde du sport et, au train où vont les choses, sauver la planète. En effet, une observation sur des bâtonnets glacés ionisés lui a fait prendre conscience que pratiquer du saut à ski en tandem n’était  plus de la science fiction. Après avoir fait des expériences concluantes sur des gerbilles, le professeur aimerait bien effectuer des tests avec des humains. Malheureusement, personne ne se porte volontaire. C’est ici qu’interviennent ses deux fils : Akinori et Michinori. Ils ont eu un long entretien nocturne avec leur père et ont décidé de l’aider dans ses tests…

Les mâchoires serrées, les yeux embués par l’émotion, les frères Harada se dirigèrent vers leur mère, la serrèrent fortement contre leur mâle poitrine puis prononcèrent ces stupéfiantes paroles :

« Bon maman, on va au lycée, on va être en retard. T’as préparé notre bento ? »

Il faut dire qu’ils étaient restés huit heures non stop dans la chambre de leur père et que lorsqu’ils en étaient sortis, il était temps pour eux de filer au bahut. Pas moyen de sécher exceptionnellement : un contrôle de mathématiques les attendait, matière où, à l’image de leur père, ils excellaient.


Graines de génie


En effet, avant d’évoquer les qualités athlétiques de ces deux grands enfants, il faut ici insister sur leur goût prononcé pour les sciences. Il y a un peu en eux de l’Igor et du Grichka Bogdanov, le menton en moins, les muscles en plus. Comme leur papa, ils ont très tôt su mater les équations à 5, 10, 15 et quarante-douze inconnues. Inutiles de dire que cela n’allait pas sans donner des sueurs froides à leurs professeurs de mathématiques et de physique. L’un deux, monsieur Hiroki, tenta d’ailleurs de se suicider, se faire reprendre toutes les cinq minutes par les deux rejetons – qui pourtant n’y entendaient pas malice – lui étant devenu insupportable. Un seul professeur sut s’en accommoder : il s’agit d’une femme, Mlle Suzuki. Chose amusante : il s’agit en fait de la fille de l’institutrice qui avait eu dans sa classe le père Harada. Comment a-t-elle su dompter la fougue intellectuelle de ces deux enfants terribles ? Mystère.

AKINORI (pointant le tableau du doigt) – M’dame, vous vous êtes trompée, il fallait écrire…

Mlle SUZUKI (agacée) – Attends Akinori, j’ai fait tomber mon livre. Je le ramasse, han ! Tu disais mon lapin ?

AKINORI (embarrassé et rougissant) – Non, rien.

Mlle SUZUKI (à part) – Moi, les petits cuistres à la science infuse, je les calme tout de suite.

Autre point commun avec leur père : ils n’étaient pas très appréciés par les garçons de leurs classes. Seulement, voilà : si les deux fistons avaient  récupéré génétiquement les qualités intellectuelles du père, les qualités physiques furent surtout le fruit de leur maman, Seiko Hashimoto, médaillée de bronze en patinage de vitesse lors de J.O. de Sapporo (1972). Ce n’est plus Bienvenue à Gattaca mais Bienvenue chez les Harada ! En tout cas, nos deux gaillards n’hésitaient pas à faire le coup de poing quand on les chauffait un peu trop. Et puis, plutôt jolis garçons, ils n’étaient pas loin d’avoir leur fan club auprès des donzelles qui se pâmaient dès que l’un d’eux ouvrait la bouche pour humilier leur professeur. Dans ces conditions, s’en prendre physiquement aux Harada brothers était le meilleur moyen de se rendre impopulaire auprès des sailor fuku les plus bandatoires de la classe.

∫ Q.I. de 203 + √1m92 + ∂ 81 kgs + ∆5 petites amies annuelles + quéquette en érection de 28 cm = les frères Harada

(inscription trouvée dans les toilettes pour garçons du lycée  Kawabata d’Asahikawa)

Mais revenons à l’épique décision prise par les frangins. Être costauds était une chose. Avoir les capacités physiques requises pour entreprendre de vrais tests de ski jumping pair en était une autre. Aux yeux d’Harada, il était évident qu’il fallait  passer par un entraînement spécial draconien. Quand vous étiez petit, l’entraînement bourrin de Stallone dans Rocky vous faisait ressentir un délicieux frisson de plaisir et d’admiration ? Oubliez tout cela. Pour un peu, je renoncerais presque à vous raconter. C’est raconter l’irracontable.  À côté, la tirade de Théramène narrant dans Phèdre la mort d’Hippolyte, c’est du gâteau. Heureusement ici qu’il y a des photos pour me prêter main forte :

Ça commence tous les matins à six heures, avec un footing de 5 kilomètres sur la plage, et ce en dansant la kalinka.

Puis han ! déblayage gratos de la voie publique pendant six heures, torse nu et muni d’un appareil (d’ailleurs conçu par Michinori) pour freiner leur liberté de mouvement, et donc accentuer les efforts à fournir. On sent les gars qui ont bien biché dans leur jeunesse les entraînement spéciaux de Son Goku dans Dragon Ball.

Re-han ! deux heures de musculation, toujours avec le même appareil à ressorts. Et comme si cela ne suffisait pas à cet enfer, le professeur, tel Mickey dans Rocky, n’hésitait pas à hurler sur sa progéniture, histoire de leur forger un mental en acier trempé :

Remuez-vous ou vous n’aurez pas de dessert ce soir ! Feignasses, va !


Et ce n’est pas fini ! Michinori inventa un autre appareil, électrique celui-ci. Placé contre l’abdomen, il envoie des décharges électriques à un rythme de 5 pulsations de 110 volts par seconde. Le but ? Apparemment, il permet de parachever efficacement tous le travail musculaire effectué dans la journée.

Claude François aurait dû s’entraîner ainsi.


Les deux dernières heures étaient en revanche un peu plus calmes :


Michinori avait l’habitude de conclure avec une séance de hula hoop tandis que son frère semblait  étrangement occupé à faire vibrer un arc à la verticale. Cet exercice était, selon l’intéressé, le plus capable de développer en même temps les muscles  deltoïde, brachial, pronateur, radio-brachial, triceps brachial, latissimus dorsi, acromion, scalène, omo-hyoïde et pectoraux. Mais d’aucuns vous diront que cela sentait en fait le bon foutage de gueule pour ne pas trop transpirer. Il convient ici de préciser une chose : Akinori a toujours été, tant physiquement qu’intellectuellement, un cran au-dessus de son frère. Or, Harada, en père aveugle dans son affection, a toujours nettement marqué sa préférence pour lui. Il lui passait tout, y compris ce type d’exercice sans intérêt. En comparaison, Michinori, c’est un peu James Dean dans À l’Est d’Eden, l’enfant ténébreux dont on a un peu honte.

 

Photo prise lors de son séjour à l’hôpital en 1997, après un mauvais mélange crack/saké/ganguro périmée.


Heureusement, cela n’a jamais perturbé les excellents rapports entre les jumeaux. Et il fallait bien cela pour réussir l’épreuve qui les attendait en cette journée du 14 février 1998, à 14H16.

Euh… finalement je ne le sens plus trop.

Michinori avouera avoir eu les jambes un peu tremblantes. Il faut dire que l’issue du test était simple : soit cela se passait bien, soit c’était la tétraplégie. Comble de malchance, un vent bien vicieux soufflait sur la piste d’Okurayama. Nos athlètes attendirent dix minutes. À 14H16, le vent s’arrêta.

Allez, à tout à l’heure dans l’au-delà !

Et… le miracle eut lieu !

Harada : Akinori, c’est merveilleux ! Tu as réussi ! Dans mes bras mon petit !

Michinori : Euh… et moi p’pa ?

Notre bon Harada suffoquait de joie. Fini, la réputation de bouffon que des collègues jaloux avaient réussi à lui coller à l’institut. Fini les surnoms tels que « crétinus alpinus », « Mashirito the third », « tête de Kong » (fine allusion à sa tentative d’approche avec une femelle gorille) ou encore « gerbille master ». Fini aussi les enfants du voisinage qui lui balançaient des cailloux en rigolant. Fini ? En fait non, car malgré cet incommensurable exploit, l’article que le Sapporo Nippou lui consacra le lendemain fut ridiculement insignifiant :

Les médias japonais dans toute leur splendeur.

Pire : le comité olympique, qui avait eu vent des tentatives d’Harada, exprima aussitîot son refus de considérer le ski jumping pair comme une discipline potentiellement olympique. Les défis scientifique et athlétique avaient été gagnés. Il restait maintenant à remporter le défi médiatique…

À suivre…

Et là, vous vous demandez peut-être : « ben, ils sont où les boulangers ? et l’Allemand pas finaud ? Et la chaudasse ? Et le catch ? On se fout de nous, remboursez ! le goudron et les plumes !».

Rassurez-vous, je ne vous ai pas menti, vous les aurez. Mais fidèle aux principes d’Emile de Girardin (ou de Shonen Jump),  j’ai décidé de rendre la narration aussi élastique que le soutien-gorge de Sakura Sena. Donc, patientez. Dans quelques jours, vous aurez droit à :

Les 8 chevaliers d’or du ski jumping pair contre le Comité Olympique

Sentez-vous brûler votre cosmos ?



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