Le Labyrinthe des rêves (Yume no ginga)
Sogo Ishii – 200
Tomiko (Rena Komine), contrôleuse de billet dans une compagnie de bus, voit un jour arriver dans l’entreprise Niikata (Tadanobu Asano), beau jeune conducteur qui la choisit pour l’accompagner dans ses trajets. Problème : une rumeur se répand depuis quelque temps, rumeur selon laquelle un conducteur de bus tuerait en série ses équipières. Or, une amie de Tomiko a été la fiancée de Niikata et est morte dans des circonstances mystérieuses…
À vérifier, mais il probable que ce soit le seul film de Sogo Ishii qui ait bénéficié d’une diffusion en France. Je m’en souviens bien, c’était en 2000, et voir sur grand écran ce film à l’ambiance très particulière est un bon souvenir. Alors rien à voir avec les films d’Ishii tenant davantage de l’esthétique punk. En comparaison Le Labyrinthe des rêves est un film apaisé, mais en apparence seulement. Car ce qui se joue à l’intérieur de la jeune Tomiko est tumultueux. Méfiante, oui, elle l’est. Mais sous le charme de Niikata, elle l’est aussi, et il ne faudra pas longtemps au spectateur pour comprendre l’évidente symbolique de ce bus entrant dans des tunnels, alors qu’à l’intérieur tout le monde est en sueur.
Après, apposer l’étiquette de « thriller psychologique » serait excessif. Sans aller jusqu’à dire que l’on se moque de l’issue, il faut bien avouer que cette histoire n’est pas vraiment crédible – précisons aussi qu’elle est adaptée d’un roman de Kyûsaku Yumeno, l’auteur derrière un des romans les plus bizarres de la littérature japonaise, Dogra Magra (publié chez Picquier). Mais plus que de chercher à créer de la tension, Ishii va surtout distiller le venin onirique d’un mauvais rêve. Parfois il pleut…
parfois il fait un soleil écrasant…
parfois on est à l’intérieur d’un bâtiment devant un contre-jour…
à chaque fois on ressent le malaise d’une ambiance suscitée par une parfaite maîtrise des moyens techniques. Et du coup les incohérences de l’histoire, le jeu inexpressif d’Asano et de Rena Komine passent au second plan. Ce qui compte, c’est le style pour exprimer le désir amoureux (scène toute simple où, après avoir récupéré un mouchoir avec lequel Niikata a essuyé sa sueur, Tomiko le glisse contre son sein, sous son chemisier) ou une menace meurtrière (cf. la scène avec les verres possiblement empoisonnés). Largement suffisant pour être captivé aussi bien par le beau visage lunaire de Rena Komine et l’aura taiseuse d’Asano que par ce quotidien dans une bourgade banale de l’avant-guerre, à la fois déprimante et inquiétante, motifs qui ne sont d’ailleurs pas sans évoquer certaines histoires d’un Junji Ito (qui publiait déjà ses histoires à l’époque). Ishii les avait-il lues ? Allez savoir.
7,5/10