Déménagement (Ohikkoshi)
Shinji Sômai – 1993
Présenté à Cannes en 1993 dans la catégorie « Un Certain regard », Déménagement avait peut-être pâti de la présence, dans la même catégorie, de Kitano avec son Sonatine. Assez injustement en fait, car présenté de nouveau il y a deux ans lors de la Mostra de Venise, dans ses plus beaux atours d’une restauration 4K (qui lui valut d’ailleurs prix de la meilleure restauration), Déménagement en impose.
Est-ce le film définitif sur le thème du divorce ? Il est en tout cas difficile de ne pas le citer tant, dans sa manière de restituer avec grâce et profondeur des liens familiaux perturbés, il se situe largement au même niveau qu’un Kore-eda. Avec notamment cette capacité à magnifier un personnage d’enfant. Ainsi Tomoko Tabata qui, dans le rôle de Renko, rejoint cette galerie d’enfants qui ont su imposer à l’écran une présence inoubliable. Il paraîtrait que lors du tournage, la gamine a été déboussolée par les directives de Somai qui lui demandait sans explications de refaire vingt fois une scène. Franchement, à l’écran, on voit tout sauf une mauvaise actrice. Ou alors Somai, en bon génie du mal voulant imiter Kubrick avec Shelley Duvall ou Marisa Berenson, s’est volontairement montré abscons pour rendre plus fiévreux le jeu de Tabata.
Dans tous les cas l’apparence, le jeu et le son de la voix de l’actrice font merveille. Oh ! Je ne dirais pas qu’elle n’est pas parfois irritante, mais ce sentiment est totalement logique au regard de la situation et des affres que connaît la gamine. Tantôt apaisée, tantôt insolente ou violente, c’est un tourbillon d’émotions qui entraîne derrière lui celles des parents. Car c’est le point fort du film, qui ne se limite pas à l’enfant. Les parents sont aussi dans la tourmente, face à cette nouvelle page qu’ils doivent écrire. Dans certaines scènes, ils assurent complètement. Dans d’autres… aïe ! on sent le doute, la détresse (notamment dans une cruciale scène au milieu du film).
Après, la force du film est aussi de ne pas s’enfoncer dans un pathos larmoyant. Les personnages peuvent ruminer, mais il s’agit surtout d’avancer, de trouver la bonne manière de tourner la page. Cette voie sera trouvée lors de la dernière séquence, séquence magique se passant au lac Biwa où se tient un matsuri (le Sagicho Matsuri, mais possible que je me plante) faisant la part belle au feu, feu ici davantage purificateur que destructeur. Ce sera l’occasion de plonger aussi bien Renko que le spectateur dans un spectacle sensoriel à la fin duquel émergera une poignante vision fantasmatique qui permettra enfin aux personnages de trouver l’apaisement. Apaisement en italiques car, lors des scènes qui suivent et le générique de fin, on peut aussi se demander dans quelle mesure la joie et l’énergie retrouvées de Renko ne gardent pas en filigrane les cicatrices du trauma.
8/10