Après les larves du précédent article, il faut relever le niveau. Amie lectrice, tu n’as pas été convaincue par la perspective de partager ta couche parfumée avec un salaryman ivre mort et ne sentant pas très bon ? Je puis comprendre cela. Et pour réparer ta déception, voici ce que je t’offre aujourd’hui :
Un catcheur hawaïen originaire du Japon : Harold Sakata !
Déjà je vois que tu commences à faire la moue mais patience, et écoute : ce rude gaillard n’est pas n’importe quel athlète. Sache d’abord qu’il a brillamment décroché la médaille d’argent en haltérophilie aux J.O. de Londres en 1948 :
Ecce homo
Belle prestance n’est-il pas ? Non ? Son petit paquet finement dessiné par son short te laisse froide ? Bon, je reviens alors à ses performances en catch, discipline qu’il pratiqua après ses exploits haltérophiliques et dans laquelle il gagna une certaine réputation pour avoir notamment inventé la redoutable technique dite des « pinces du crabe constipé » :
Humpf !
Et le tout avec classe bien sûr, la fine moustache et l’air stoïque donnant l’impression que le rude athlète détruit les rotules de son adversaire tout en réfléchissant à la subtilité d’un passage d’Albertine Disparue. Se faisant appeler Tosh Togo, il forma même une équipe de double avec un autre catcheur asiatique, Great Togo. Le nom de la team ?
The Togo Brothers !
Malgré tout, je sens que tu restes sur la défensive. Tu te dis qu’un homme capable de maîtriser la technique sus-citée doit pratiquer au pageot un kama-sutra aussi déviant que douloureux. Une fois encore, je peux comprendre MAIS, car oui, il y a un mais, et pas des moindres, du genre à te faire entraver pourquoi le gars Sakata a emballé de la loute, et du genre à avoir une carrosserie aussi classieuse qu’une Aston Martin :
Et oui ! Là les connaisseurs l’auront reconnu. Ce costaud hawaïen, ce catcheur haltérophile, ce moustachu aux épaules de déménageur n’est autre qu’Oddjob, le terrible homme de main de Goldfinger, le méchant du troisième James Bond, période Connery :
Pour le plaisir.
Dans le film, Oddjob est coréen, et j’ai longtemps cru que l’acteur devant l’être aussi. Mais le truc du chapeau aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Ça sentait trop le manga pour kids, ce mec devait forcément avoir un gène en provenance du pays du natto. Pensez ! un type qui utilise son chapeau melon pour décapiter des statues !
Des hommes de mains couillus, il y en a beaucoup dans la franchise. Mais Oddjob est à mes yeux sans égal. D’abord parce qu’il a la chance d’apparaître durant l’ère Connery, la meilleure. Ceux qui prétendent le contraire et qui ont la pédanterie de citer Lazenby (ricanements), Moore (pouffements), Dalton (Rires) ou Brosnan (francs éclats de rires), ne sont que des ânes, des cuistres et des pisse-froid (on attendra la fin de la période Craig pour se prononcer définitivement).
Ze ultimate classe.
Connery est le meilleur James Bond (ne serait-ce parce qu’il est le seul à avoir cristallisé une image du personnage dans l’imaginaire collectif) et les films dans lesquels il apparaît (jusqu’à On ne vit que deux fois du moins, les Diamants sont éternels étant assez mauvais) offrent le meilleur cocktail action/humour/sensualité. Bonne époque pour Sakata donc, et surtout bon film puisque Goldfinger est souvent cité comme étant le meilleur de la période Connery et peut-être aussi le meilleur de tout la saga. Ce que je crois. Vu alors que j’étais un gamin, le film est toujours apparu dans mon esprit comme une réussite totale (qui a largement supporté les multiples revisionnages). Séquence d’ouverture, générique, méchant, james bond girls, voiture, gadgets, humour et rythme, la mécanique instaurée par Saltzman/ Broccoli, avec Guy Hamilton aux manettes, est un idéal bondien, à la fois populaire et terriblement inventif.
Un homme de main coréen qui fait aussi votre caddie, ça vous pose un homme.
Et du coup, cet état de grâce rejailli forcément sur l’aura d’Oddjob. Voir sa massive silhouette au milieu d’un green de golf et au service du super méchant Auric Goldfinger a de quoi marquer l’imagination. Et la confrontation Bond/Oddjob au cœur de Fort Knox, avec un Bond assez apeuré devant gérer à la fois une bombe sur le point d’exploser et un Oddjob évoquant un Godzilla humain que rien n’arrête…
… pas même les lingots d’or balancés à bout portant.
A cet instant Oddjob a tellement la classe que c’est limite si on ne souhaite pas sa victoire. Mais voilà, on est dans un James Bond et l’homme de main se doit de connaître une mort atroce. Et là aussi, celle d’Oddjob est une réussite puisqu’elle est astucieusement le fait de son objet fétiche (le chapeau)…
Bond : « Je vais me faire du buta grillé ! attrape salopard ! »
… et qu’elle apparaît comme celle dont on se souvient presque instantanément.
Gloire soit donc rendue à Harold Sakata qui peut se vanter d’avoir dans ce film autant émerveillé mes pupilles d’enfants que les exploits de son adversaire. Et je suis sûr, chère lectrice, que je t’ai à présent convaincue d’aller conquérir le cœur de ce rugueux athlète. Malheureusement l’homme est mort en 1982. Plus d’Oddjob à te proposer mais je puis en change te suggérer de porter ton dévolu sur…
« les Trois Mousquetaires du Fighting Spirit ».
Je gage que ces sportifs -toujours bien vivants – sauront eux aussi te montrer comme Oddjob combien un catcheur peut receler de trésors cachés. On verra s’il me viendra le courage de m’y frotter pour un nouvel article sentant sous les aisselles tout à la gloire de ces courageux otokorashii…
Si cette chronique déplaisait à quelques filles, je suis convaincu qu’elle ravit monsieur Hakata!
« Si cette chronique déplaisait à quelques filles »
Pourquoi cela ? Je donne juste des pistes pour trouver l’homme idéal, on devrait me remercier en fait.
« je suis convaincu qu’elle ravit monsieur Hakata! »
Ouaip ! Il a maintenant son article gravé dans le marbre sur Bulles de Japon. Il peut maintenant pleinement profiter de son séjour au paradis en continuer à apprendre l’art du german suplex à Saint Pierre.