Tora san 4
C’est dur d’être un homme : Le Millionnaire (Shin otoko wa tsurai yo)
Shunichi Kobayashi
Tora vient de gagner un million de yens aux courses. Le voilà devenu nouveau riche… du moins juste le temps du premier quart d’heure du film puisqu’il se fait voler son argent par le patron d’une agence de voyages (il comptait offrir un séjour à Hawaï à son oncle et sa tante)…
Deuxième et dernier Tora-san qui n’est pas réalisé par Yamada lui-même. Après la relative déception du troisième opus, j’ai lancé la pelloche de ce film un peu à contrecœur, craignant le pire. À tort car franchement, il est très réussi.
Dès la première scène, j’ai senti que l’affaire était bien partie. Pourtant, comme pour le troisième film, on n’a pas droit là non plus à une plongée dans un rêve que fait Tora. On rencontre ce dernier perdu dans une petite auberge, attendant de prendre un car. La scène est réussie, amusante, tout comme le flashback sur les champs de courses raconté par Monsieur Poulpe. Entendre au bout de dix minutes un savoureux « Abayo, Tako ! » m’a mis de bonne humeur pour jusqu’à la fin de l’histoire.
Par la suite, on revient à Shibamata, et on n’en sort plus. Et c’est là qu’on voit qu’un film de Tora-san, c’est un peu comme un album de Gaston. Dans les deux cas, on est un peu face à des héros sans emploi, rêveur et gaffeur. On a un plaisir à les retrouver, mais compte tout autant la galerie de personnages qui gravitent autour d’eux. Et là, on est servi. Dans le film précédent, j’avais regretté par exemple de ne quasiment pas voir le personnage du prêtre joué par Ryû Chishu. C’est réparé, on a droit à de belles apparitions. De même Sakura bien sûr, mais aussi Noboru et d’autres personnages appartenant à la rue où se trouve la boutique Kuruma, personnages donnant une vivifiante couleur populaire à l’ensemble.
Mention spéciale à l’oncle et à la tante, très présents et souvent franchement drôles, en particulier l’oncle qui permet à Shin Morikawa de donner sa meilleure prestation depuis le début de la saga.
Cerise sur le gâteau, la madone (jouée par Komaki Kurihara) est là aussi un cran nettement au-dessus par rapport à la précédente :
La môme est maîtresse d’école dans le quartier et, forcément, Tarojirô se sent des envies de redevenir un élève studieux (enfin, surtout reluqueur du frais minois de sa sensei bien-aimée). Mais pas non plus totalement béat tout le long du film, le Torajirô, on retrouve un aspect (un peu mis en sourdine dans le troisième film) de sa personnalité, à savoir le Tora teigneux comme une gale (pas mal de mandales distribuées, notamment sur le crâne du Poulpe).
Bref, vraiment un chouette opus qui tend à prouver que, finalement, un film de Tora-san réussi, c’est avant tout un bon scénario et de bons acteurs, les metteurs en scène pouvant être interchangeables. Alors pourquoi Yamada a-t-il eu des réserves en voyant les épisodes trois et quatre ? À un premier niveau, il y aurait peut-être eu une basse envie intéressée, celle de cumuler les casquettes de scénariste et de metteur en scène. Mais on peut se demander aussi si, tout simplement, il n’y aurait pas eu le désir du créateur de ne pas céder son jouet à quelqu’un d’autre, de le garder pour lui afin de ressentir le plaisir de maîtriser totalement un univers en se confrontant aux images toutes de chair de ses personnages. Dans tous les cas, il sera plaisant de voir le film suivant pour tenter de déceler de petites différences ou un petit gain en qualité, en plaisir. Mais, après un 4ème opus vraiment réussi, ce sera aussi chaud que d’attendre de M. Poulpe une réplique ne portant pas sur les nerfs de Torajirô.
7,5/10