Shokei no shima (Punishment Island)
(Masahiro Shinoda – 1966)

Bien des années après y avoir vécu dans sa jeunesse, un homme (Saburo) revient à une île où se trouve une maison de correction. Son but : se venger d’un terrible garde béquillard qui y avait sévi et qui l’avait persécuté, alors qu’il était à cette époque un des pensionnaires du lieu.

Une chose est tout de suite frappante dans le visionnage de Shokei no shima : son grand dépouillement sonore. Pas besoin de musique pour dramatiser cette histoire de vengeance, seuls suffisent le grondement lugubre du vent et le grondement de la mer, bruits qui ont autrefois été les compagnons de Saburo et dont l’incessante manifestation fait écho à ce qui se trame à l’intérieur du personnage, à savoir un terrible besoin de se venger dont Shinoda nous livrera habilement les causes au fur et à mesure.

Sans doute y a-t-il des films plus terribles sur la vengeance, notamment concernant la fin. Mais des aussi beaux sur le plan formel, pas sûr qu’il y en ait pléthore. Et plus que de savoir si Saburo va pouvoir se venger et, si oui, de quelle manière, j’avoue avoir surtout goûté la lenteur du retour aux sources entrepris par Saburo (n’attendez cependant un film interminable, le film ne fait qu’une heure et demie), lenteur magnifiée par un Shinoda très inspiré sur le plan photographique. Les rétines s’imprègnent de magnifiques compositions et du non moins magnifique visage de Shima Iwashita (jouant le rôle de la fille du tortionnaire), tout en s’apercevant que cette beauté vu par Saburo agit comme le révélateur d’une laideur passée, Shinoda usant beaucoup de flashbacks insérés.

Un pèlerinage vénéneux qu’entreprend Saburo, c’est certain, mais, pour qui a lu Monte-Cristo, il n’y a pas non plus à en désespérer. Associée à la vengeance, l’île peut être vectrice d’une issue inattendue un peu moins amère que celle de Que la bête meure, de Chabrol (sorti trois ans plus tard), cet autre film de vengeance avec la mer et des falaises escarpées en toile de fond.

8/10