La Voiture de l’Ombre (Yoshitaro Numura – 1970)

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Hamajima est un salary man sans histoire… hélas pour lui. Marié en effet depuis 10 ans à une femme qui n’a plus grand-chose en commun avec lui, il passe son temps entre son travail et un foyer où la communication avec une épouse semble devenue impossible. Tout change lorsqu’il tombe sur Yasuko, une femme originaire de la même ville que lui. Ils sympathisent et, se revoyant quelques journées après, vont un peu plus loin qu’un simple échange d’amabilités. La femme l’invite chez elle et assez rapidement Hamajima va être amené à gérer un adultère qui métamorphose sa vie tant Yasuko et son jeune fils, Ken, représentent un idéal de vie familiale. Malheureusement un malaise ne tarde pas à s’installer. Ken semble en effet parfois un peu revêche et certains de ses gestes semblent signifier aux yeux d’Hamajima une menace très claire à son égard…

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影の車 (Kage no Kuruma)

Pourquoi donc ai-je délaissé depuis tant d’années Nomura ? Après la Langue Tordue j’enchaîne avec la Voiture de l’ombre et c’est de nouveau une jolie claque dans les gencives. Du coup, je me dis que la galaxie Nomura, avec ses 90 films, doit receler d’un nombre non négligeable de perles à (re)découvrir. Pour l’instant pas de déception en tout cas, chaque film s’est avéré fructueux bien que l’on retrouve çà et là les mêmes motifs liés à la famille, à la figure paternelle, aux enfants ainsi qu’une sorte de poison qui gangrène insidieusement les rapports entre adultes et enfants. La Langue Tordue constituait un peu une exception puisque ce poison émanait d’un élément extérieur, en l’occurrence une maladie (le tétanos). Mais que ce soit dans le Vase de sable, le Démon et cette Voiture de l’Ombre,  on sent que quelque chose coince chez l’un des protagonistes et qu’un geste ou une révélation vont bouleverser leur sort.

Ici, le malaise est partagé entre Hamajima et Ken. Le jeune garçon, plutôt déluré pour son âge, manie avec dextérité des outils que n’importe quel parent serait inquiet de voir dans les mains de son enfant.

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Couteau de boucher par exemple (mais pas seulement)

Cela inquiète Hamajima (et un peu le spectateur) qui se demande s’il n’y a pas chez le garçonnet une sorte de colère rentrée devant cet homme qui débarque dans son univers et qui fait la cour à sa mère. Après, l’agacement que pourrait ressentir ce garçon orphelin de son père peut paraître aussi normal. Quand on le voit jeter des cailloux sur la caisse d’Hamajima alors que ce dernier est parti folâtré dans la forêt avec maman, on comprend et on s’en amuse presque. De même lorsque Hamajima tombe sur ceci :

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L’interprétant comme un geste de menace à son égard, il comprend par la suite sa bévue puisque Ken s’apprête juste à fixer à une branche une balançoire.

Alors, paranoïaque le Hamajima ? C’est possible mais on reste tout de même sur nos gardes concernant Ken. Et puis, en y réfléchissant, on se demande aussi si cette paranoïa, qu’elle soit justifiée ou pas, ne cache pas non plus quelque chose. On retrouve ici le goût du flashback poétisé qui culminera avec la magistrale séquence finale du Vase de Sable (à voir absolument). Il se fera par petites touches, à coups de séquences utilisant des effets de film négatif et de filtrage de couleurs (les plans de paysages rappellent ceux des Îles Hébrides à la fin de 2001 l’Odyssée de l’espace).

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Dès lors, malgré les longueurs des scènes dans lesquelles on voit Hamajima goûter des scènes idylliques avec sa petite famille, le récit alterne avec des moments plus grinçants et le spectateur a tôt fait d’être intrigué par cette intrigue qui cache quelque chose, coincé qu’il est entre des images idylliques du bonheur et les visions angoissées qu’Hamajima dans des rêves agités :

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Qu’est-ce qui coince chez lui ? et qu’est-ce qui, peut-être, coince chez l’enfant ? Une nouvelle fois, Nomura apportera une réponse en donnant une vision saisissante de l’enfant, type de personnage qui, chez ce réalisateur, est l’ être cristallisant les angoisses des adultes.

7/10

+

– Go Kato impeccable

– flash-backs placés et dosés adroitement, juste ce qu’il faut pour continuer d’intriguer le spectateur.

– Le personnage de l’enfant, à la fois adorable et inquiétant.

– Lumineuse beauté de Shima Iwashita. Qu’Hamajima délaisse son épouse est du coup parfaitement crédible. Elle est LA femme.

 – Pas grand chose. Les scènes de bonheur d’Hamajima dans sa nouvelle petite famille prennent peut-être un peu trop de place mais cela reste cohérent par rapport à l’intrigue.

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2 Commentaires

  1. C’est vraiment dommage que Nomura ne soit pas plus reconnu (et ses films accessibles).
    Si tu n’as pas vu Goben no Tsubaki (~Le Camélia à Cinq Pétales), n’hésite pas.

    • Je l’ai en magasin mais je me le garde pour bientôt. Pour l’instant je tape surtout du côté des films se passant à l’époque contemporaine, les films à costumes viendront après. 😉

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