Kabukicho Love Hotel (Ryuichi Hiroki – 2014)

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Short Cuts dans un love hotel de kabukicho. Toru fait croire à sa petite amie qu’il travaille à la réception d’un prestigieux hotel à Shinjuku. En réalité il tient un love hotel miteux de Kabukicho. De son côté, la petite amie en question (Saya) ne fait pas mieux : musicienne, elle doit voir un producteur intéressé par ses talents mais se garde bien de révéler à Toru qu’elle va sûrement passer à la casserole pour conclure le contrat. Evidemment, Toru tombera inopinément sur elle à son hôtel durant cette nuit de merde qui l’attend. Nuit de merde car il découvrira aussi par la même occasion que la jeune fille en train de tourner un film porno dans une de ses chambres n’est autre que sa propre sœur. A côté de ses déboires, on suivra ceux de sa femme de chambre qui cache chez elle son vieil amoureux pour le protéger d’ennuis judiciaires, ceux d’un maquereau en passe de faire d’une jeune paumée sa nouvelle employée mais qui s’aperçoit qu’il est en train d’en tomber amoureux, ceux d’une femme détective se dévergondant avec un collègue policier, enfin ceux d’une prostituée coréenne décidée à retourner au pays après cette ultime nuit de taf…

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Sayonara Kabukicho (aka Kabukicho Love Hotel)

Cristallisation de ce quartier des plaisirs qu’est Kabukicho, le love hotel de Toru symbolise le néant des vies des personnages au moment où commence le film. En cela on retrouve le même procédé que celui mis en place dans the Egoists, où l’on voyait au début les deux personnages englués dans leur petite vie dans ce même type de quartier (l’une strip-teaseuse, l’autre petite frappe) et n’aspirant qu’à une seule chose : fuir l’endroit.

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Des coulisses forcément moins glamours.

Tous les personnages de Kabukicho Love Hotel aspirent à mettre les adjas pour repartir à zéro. Le titre original est d’ailleurs sans équivoque : Sayonara Kabukicho. Après l’échec de son désire de travailler dans un hotel prestigieux, et la déception de voir que sa copine veut bien ouvrir les jambes du moment que ça lui permet de réussir,  retourner à sa province natale lui paraît la meilleure solution. Pour Saya, la case love hotel de Kabukicho est le point de départ obligé pour une nouvelle vie qui ne peut qu’être meilleure (du moins elle le croit).

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Ici choix de casting bankable pour Hiroki puisque Saya est jouée par Atsuko Maeda, ex AKB48. Pour plein d’otaks, la question a dû être : est-que Acchan va être montrée  à poil et en train de faire (horreur!) des trucs dégoûtants dans un love hotel ? La morale est sauve, le seul truc qu’elle glissera dans sa bouche est cette brosse à dents. Oui, on est loin de la prestation d’Ann Suzuki dans The Egoists.

Pour la femme de chambre, plus que quelques heures à nettoyer des draps tachés de foutre avant qu’il y ait prescription concernant l’affaire qui touche son compagnon (joué par Yutaka « kodoku no gurume » Matsushige). Après, à eux la liberté et la nouvelle vie loin de ce bordel. Quant à la jolie prostituée coréenne, dégoûtée d’elle-même du fait qu’elle cache son métier à son petit-ami (un expatrié coréen qui de son côté lui cache soigneusement qu’il fait le gigolo avec une riche japonaise), retourner au pays est le meilleur moyen de tout oublier, sa trahison, son métier et ce pays où il n’est pas rare de voir dans les rues des manif’ anti-coréens.

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Les gros cons sont à droite.

On le voit, le film est bien différent des habituels films d’Hiroki dans lesquels le spectateur suivait la trajectoire d’un seul couple. Ici, ça foisonne, ça se croise, ça s’entrecroise et rend finalement cette plongée de 24 heures dans un love hotel assez stimulante pour l’attention et les rétines.

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Et quand je dis « stimulante pour les rétines », je ne pense pas forcément à Aoba Kawai en train d’astiquer avec son corps les parois de sa cabine de douche.

Car si les résumés des quatre intrigues peuvent donner l’impression d’assister à un film sombre, hâtons-nous de préciser que c’est loin d’être le cas. Voir le pauvre Toru tomber coup sur coup sur sa sœur en mode actrice porno et sur sa copine accompagnée d’un producteur est drôle.

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« Grand frère, il fait que je te dises quelque chose… le film que je m’apprête à tourner ici va constituer le 47ème bukkake de ma filmo »

On est dans une esthétique de théâtre de boulevard qui n’en fait pas non plus des tonnes mais qui, en jouant sur une certaine énormité des hasards, rend singulier et finalement lumineux ce film au sein d’une filmo qui nous avait habitués à côtoyer des êtres torturés et dont les fins laissaient au spectateur un arrière-goût doux-amer. Après, ce n’est pas non plus la gaudriole. Les yeux rougissent, les voix déraillent, on est chez Hiroki quoi ! Mais dans les capacités des acteurs à susciter la pitié comme le  sourire, à se mettre minable puis à révéler des beautés intérieurs, on a parfois l’impression de se retrouver, toutes proportions gardées, face à un Magnolia japonais. Mention spéciale pour Shota Sometani qui, après ses rôles de débiles profonds chez Sion Sono nous montre quel excellent acteur il peut être…

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« Ouf ! Fini les rôles où je dois courir comme un taré pour cacher des érections ! »

… mais aussi pour l’actrice coréenne Lee Eun-Wo qui, après des rôles pas très intéressants nous montre un talent certain et qui, croyez-moi, n’a rien à voir avec le magnétisme de ses tétons.

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Ah ! le bon goût d’Hiroki en matière d’actrices !

Bref, moins dépressif et plus lumineux, Sayonara Kabukicho nous propose une sympathique virée nocturne parmi les néons de Shinjuku, la déco feutrée ou kitsch des chambres de love hotels, les sentiments compliqués d’êtres parfaitement incarnés à l’écran et éminement sympathiques.

8/10

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