Ce magazine porno, c’est de la dynamite

Dynamite Graffiti
(素敵なダイナマイトスキャンダル)
Masanori Tominaga – 2018

Si vous avez vu et apprécié sur Netflix le récent Naked Director et que vous avez hâte d’être déjà à la saison 2 annoncée pour 2020, peut-être aurez-vous intérêt à vous plonger dans ce Dynamite Graffiti à peu près sur la même thématique, à savoir la difficulté de diffuser de belles images érotiques/pornographiques, cette fois-ci durant les années 70 jusqu’au début des 80’s.

Comme pour Naked Director, le personnage principal trouve son modèle dans une personne bien réelle, Akira Suei, graphiste autodidacte qui a d’abord gagné sa vie en concevant des pancartes publicitaires pour des cabarets à Tokyo, avant de fonder différents magazine jusqu’au fameux Shashin Jidai, magazine culte ayant publié une pléthore de travaux d’Araki et de Daido Moriyama ainsi que des articles sur la culture underground de l’époque. A son acmé, le mag tirait à 350000 exemplaires, mais c’était sans compter sur la surveillance de la censure de la police qui ne voyait pas d’un bon œil toutes ces photos lubriques et ces articles truffé de termes malpolis tels que « moule », « dard », ou « millefeuille ».

Excellent Yutaka Matsushige jouant un des flics chargés d’éplucher ces torrides publications. Le mec est intransigeant, mais intérieurement, ça chauffe sévère comme en témoigne la buée sur les lunettes.

Le magazine a été subitement interdit en 1988 et Suei est connu depuis une carrière moins glorieuse, avec la direction d’un magazine consacré aux pachinkos (forcément moins sexy), la pratique du saxophone mais aussi – et surtout – l’écriture de quelques essais, notamment autobiographiques – le film prend sa source d’ailleurs de l’un d’eux.

Bref, vous l’aurez compris, un tel pedigree a de quoi éveiller l’attention, surtout si je vous dis que parmi le cast féminin se trouve la douce Atsuko Meada :

Ici en train de rendre heureux un éléphant (sic).

Las ! Les scènes dans lesquelles elles apparaît avec une tignasse so 80’s et d’énormes lunettes ont un bien faible potentiel érotique. Mais ce n’est pas grave, sans être non plus du même niveau qu’un pinku eiga concernant le nombre de scènes salées, le film sait en dispenser habilement quelques unes pour rendre efficace cette plongée dans le monde erotico-underground du Tokyo de l’époque.

Fabrication d’une grosse bite décorative pour un bar à hôtesses, happening arty dans la rue puis repos du guerrier dans un établissement avec des serveuses manustupratrices, ainsi va la vie de Suei.

 

C’est d’ailleurs là que Tominaga s’en sort le mieux, ce qui nous ferait regretter qu’il n’ait pas davantage exploité cette veine tout le long des 2H18. Le coup du scotch utilisée par les employées de Suei (vous verrez ce qu’elles en font) pour émoustiller des puceaux au téléphone est assez drôle, tout comme les quelques séances photos avec Araki. On a aussi droit à quelques montages avec des photos de planches contact et des extraits de Shashin jidai et d’autres mags, ou encore à des scènes de rencontre avec d’autres artistes de cul, comme cet homme spécialisé dans la fabrication de poupées grandeur nature et ultra réalistes.

 

Araki en pleine action. y’a pas, photographe est un bien beau métier.

L’effervescence créatrice de l’époque est donc assez bien rendue. Moins convaincante en revanche est la restitution de la personnalité de Suei. On ne reprochera rien à Tasuku Emoto qui est plutôt bon dans le rôle. C’est juste que l’évolution du personnage dans sa vie privée, de la disparition tragique de sa mère alors qu’il était enfant (elle s’est suicidé en… sa faisant sauter à la dynamite !) à sa relation avec sa femme (jouée par Maeda), est un peu brumeuse, pas toujours très intéressante. La deuxième scène où il se rend à l’atelier du fabricant de poupées érotiques en est un bon exemple. Quand il tient dans ces bras un nouveau modèle pas encore assemblé (il lui manque la tête) et qu’il suit éberlué les consignes du fabricant pour voir les nouveautés qu’il a imaginées (en gros, un moelleux mammaire plus vrai que nature et une restitution parfaite au niveau du toucher du trou d’amour avec dispositif envoyant du fluide en prime), on sent vaguement qu’il y a quelque chose d’intéressant dans cette scène. D’un côté Thanatos avec ce corps démembré rappelant sa mère, de l’autre Eros, mélange omniprésent dans la vie de Sui (qui ne cherche d’ailleurs nullement à cacher ce qui est arrivé à sa mère) qui explique pourquoi la tentation du cul s’est chez lui toujours accompagné d’une sorte de retrait, de maladresse vis-à-vis des femmes.

Mais cette révélation arrive un peu tardivement. Avant, il a fallu suivre des scènes conjugales avec le personnage de Maeda pas forcément intéressantes (tout comme celles avec le personnage de Fueko). Suei ne communicant peu sur ce qui le travaille (et étant sans doute incapable de le comprendre lui-même), c’est au spectateur de faire le boulot mais comme lesdites scènes encore une fois ne sont pas d’un grand intérêt, on peut passer à côté, attendant sagement les passages se consacrant au métier de Suei.

Dynamite Graffiti apparaît donc comme une demi-réussite. Mais encore une fois, pour qui aurait apprécié The Naked Director, c’est un moyen de prolonger le voyage en se plongeant cette fois-ci quelques années avant le boom des vidéos pornographiques. Et puis bon, rien que pour voir une incarnation d’Araki en plein taf, ça peut valoir le détour.

6,5/10

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