Dead Run (Sabu – 2005)

Shuji vit dans une petite ville atypique dans laquelle les habitants distinguent deux zones : le « shore » et le « offshore », nom donné à une zone autrefois recouverte d’eau puis devenue habitable mais dont on suppose qu’elle est habitée par des personnes moins argentées que celles habitant sur le « shore ». Ces derniers en tout cas ont tendance à les regarder de haut. En ce qui le concerne, Shuji vit une adolescence sans histoire sur le « shore », jusqu’au jour où son frère aîné supposé modèle est découvert en train de jouer au pyromane sur le offshore…

疾走 (Shisso, mot que l’on peut traduire par « sprint »)

Film incontestablement de Sabu mais film déroutant. Film de Sabu parce que ses personnages, comme tant d’autres de ses films, ont la bougeotte. Shuji et son alter ego féminin, la revêche Eri, ont pour passion la course à pieds. Les scènes où on les voit courir sont innombrables, la course étant un moyen de s’extraire à la fois de leur passé (cela concerne surtout la jeune fille) et de leur situation présente : Shuji, à cause de son frangin pyromane, va connaître les joies de l’ijime mais aussi celles de la famille en décomposition. Fuyant ses responsabilités vis-à-vis des actions incendiaires de son fils, le père quittera en loucedé la maison et la mère, désemparée envers les dettes à régler, ne fera pas mieux. Le vie sera donc bien rude pour Shuji qui, en attendant lui aussi de s’extraire de cette petite ville imbécile, trouve cet expédient du footing qui lui permet d’oublier son sort.

Footing matinal dans ce no man’s land qu’est le « offshore ».

Le footing trouve d’ailleurs son origine dans la scène inaugurale qui renvoie à un moment de son enfance. Alors qu’il vadrouillait seul en vélo sur le offshore, il est un jour tombé sur un couple assez peu glamour : une hôtesse et une petite frappe de yakuza connue sous le surnom de Demonken :

Ô joie ! il est interprété par Susumu Terajima.

Alors que la chaîne de son vélo a déraillé, le malfrat lui propose de mettre son vélo à l’arrière de sa camionnette et de le ramener à la ville. La course n’a rien d’une promenade : fonçant à tombeau ouvert sur la petite route tout en caressant l’entrecuisse de sa compagne, il fait subir à Shuji une course effroyable qui pourtant, loin de terroriser le gamin, fonctionne comme un élément révélateur lui montrant que l’on peut vivre différemment dans cette morne ville et l’existence insipide qu’elle propose.

Il n’en ira pas différemment des années plus tard avec ce goût de la course à pieds mais aussi avec la fréquentation d’un autre homme, un prêtre catholique (le père Miyahara) ayant un petit lieu de culte sur le offshore. Il apparaît qu’il doit frayer avec un passé sulfureux lié à un frère criminel. Aussitôt la propre situation de Shuji et son frère pyromane se superpose à celle de ce personnage qui va devenir pour Shuji une aide précieuse afin d’essayer de s’en sortir.

Eri, Shuji et Miyahara.

Comme toujours sans trop en révéler, disons juste que la course de Shuji lui permettra de s’extraire de sa ville. Elle se poursuivra à Osaka puis à Tokyo. A chaque fois la ville sera plus grande mais sera-ce suffisant pour s’extraire de son passé ? C’est que Shuji apparaît comme un être maudit mrqué par le sort (puis par le crime) et le duo qu’il forme avec Eri (qu’il retrouve à Tokyo, la jeune fille ayant dû déménager) finit par avoir des allures de Sonia/Raskolnikov. On se dit alors que Shuji va bien finir par connaître son châtiment. Après, ce dernier sera-t-il rédhibitoire ou laissera-t-il une ouverture vers un avenir meilleur, à vous de le découvrir.

On l’aura compris à la lecture de ces lignes, on ne rigole pas beaucoup dans Dead Run. Si je n’ai pas encore vu toute le filmo de Sabu, je dois dire que ce film est pour l’instant le plus dépourvu d’humour (avec tout de même Miss Zombie) que j’aie pu voir. Si humour il y a, c’est un humour bien amer, à l’image du rire sardonique du frère de Shuji, personnage vide prompt à faire ses choux gras du malheur d’autrui.

Autre exception avec cette scène incongrue qui rappelle le type d’humour que Sabu peut utiliser. Alors qu’il quitte en douce un luxueux hôtel d’Osaka, un yakuza le repère et le suit, se rapproche et, alors que l’on croit qu’il va lui mettre le grappin dessus, fait au cameraman le geste d’arrêter de filmer !

Accompagné de la belle musique mélancolqiue du groupe S.E.N.S.E. et doté d’une image à la colorimétrie très terne, le film propose un road movie à la fois triste et plein de bruit et de fureur. A l’image du offshore plat et insipide, le mal être est généralisé et il va falloir toutes les ressources des personnages pour en dégager une frêle lumière. Pas le film de Sabu le plus engageant, mais une entrée possible pour le spectateur désireux de découvrir sa filmographie.

A noter enfin dans le film la présence de Ren Osugi, disparu cette semaine à l’âge de 66 ans.

7/10

Lien pour marque-pages : Permaliens.

Un Commentaire

  1. Ah ben mince alors, cet article l’apprend le décès de Ren Osugi. Horibe… 🙁

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.