Adieu, oncle Morikawa !

Tora san 8
C’est dur d’être un homme : Une Vie simple (Otoko wa tsurai yo: Torajirō koiuta)
Yôji Yamada – 1971

Hiroshi apprend que sa mère est au plus mal. Il se rend aussitôt à Takahashi avec Sakura mais malheureusement, il arrive trop tard pour lui parler une dernière fois. Les funérailles sont un peu tendues entre lui, son père et ses frères, et ce en dépit de la présence bouffonne de Tora qui décide de rester un peu pour veiller sur le moral du père. Il fera bien de ne pas trop rester à Takahashi car, pendant ce temps, à Shimabata, s’est installée une madone propriétaire d’un petit café. Et attention, veuve, la propriétaire, ce qui laisse toutes ses chances à Tora…

Pour les spectateurs qui s’étonnaient de la longueur de la saga et qui pensaient qu’à un moment ou à un autre, l’intérêt allait faiblir, ce huitième opus fut une belle illustration de la vitalité d’un univers qui ne demandait au contraire qu’à se poursuivre sur de nombreuses années. Le précédent épisode avait récolté 250 millions de yens. Là, c’est carrément 400, de quoi donner envie d’enchaîner les épisodes au rythme de deux par an (un au début de l’été, l’autre pour les fêtes de fin d’année). Cette fréquence commencera dès le prochain opus.

Pourquoi ce net bond dans le nombre de spectateurs ? Difficile à dire. Fondamentalement, il n’y pas vraiment de différences qualitativement parlant avec les précédents films. Ce qui est nouveau, c’est cette durée qui avoisine les deux heures alors qu’auparavant on tournait autour d’une heure et demie. À partir de ce film, Tora-san sera une saga qui n’aura pas inscrit dans son cahier des charges une durée fixe. Les durées oscilleront entre une heure et demie et deux heures. Et dans ce dernier cas, on ne peut pas dire que la lassitude a le temps d’arriver. On se dit qu’on a droit à un rab’ de trente minutes de Tora-san et, si on est client du plat, on est forcément preneur. Peut-être que cette perspective a attiré davantage de spectateurs, je ne sais pas…

On a sinon le plaisir de retrouver Takashi Shimura dans le rôle du père de Hiroshi. Comme c’est un univers qui associe souvent les contraires, il y a un vrai plaisir à voir le duo constitué de l’imperturbable professeur à Tora l’histrion.

La scène d’ouverture est particulièrement réussie. Tora rencontre et sympathise avec une troupe de comédiens ambulants. J’ignore si par la suite la séquence du rêve inaugurale sera de rigueur, mais si c’est le cas, c’est un peu dommage car il est très agréable je trouve de voir Tora perdu dans un patelin, côtoyer non pas la misère, mais une vie modeste. Il est l’incarnation d’une certaine idée du peuple, avec ce que le terme peut supposer à la fois de simplicité et de noblesse, et il est toujours touchant de voir, quelles que soient les circonstances, il arrive à sympathiser avec n’importe qui, que ce soit un ancien professeur d’université, de modestes comédiens ou telle vieille paysanne qui accepte de le loger pour une nuit.

Quant à la madone, jouée par Junko Ikeuchi, elle est celle qui remplit le plus de conditions pour permettre à Torajirô d’enfin se marier. Sans dévoiler totalement la fin, ce sera bien sûr de nouveau un échec, mais pour une raison inattendue, dépendant avant tout de Torajirô.

Mais au-delà de ces qualités, ce qui à mes yeux rend le film particulier, c’est surtout que l’on assiste à la dernière apparition de Shin Morikawa dans le rôle de l’oncle Ryûzô, l’acteur décédant deux mois plus tard d’une mauvaise évolution de sa cirrhose du foie. La légende dit d’ailleurs que dans ces derniers instants, deux actrices lui avaient tenu compagnie en versant force larmes et en le suppliant de ne pas mourir. Parmi elles, Chieko Baisho. Peut-être juste une légende donc, mais comment ne pas être séduit par l’idée que la douce Sakura ait été éplorée devant le lit de mort de son cher oncle ?

J’ai en tout cas savouré chacune de ses scènes. Yamada a dit un jour que des trois acteurs qui avaient interprété l’oncle, Morikawa avait été celui qui avait le plus associé humour et interactions avec son diable de neveu. Juste sur un plan graphique, le contraste était très plaisant entre le visage carré de Tora et le visage tout rond de Ryûzo. Un visage de personnage de manga en fait, parfait pour incarner, par exemple, le père de Sazae san dans un drama de 1976, ou bien cet oncle attaché à son neveu mais qui se laisse facilement déborder par des accès de colère (il faut dire qu’avec Tora il y a de quoi).

Dans le prochain épisode, le rôle sera confié à Tatsuo Matsumura (qui avait déjà fait une apparition dans la saga). Vu l’excellence du casting de la série, je ne suis pas inquiet, je me dis que l’acteur se débrouillera un minimum. Mais quand même : le plaisir venant de retrouver toujours les mêmes personnages, les mêmes visages, de se sentir familier avec leurs caractères, leurs intonations de voix (on n’entendra plus jamais cette voix dire « Baka da ne… »), ça va faire bizarre de retourner dans la confiserie Kuruma sans retrouver certaines lunettes toutes rondes.

8/10

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