L’art suggestif du coupage d’ongles

Après le Roman Porno Reboot de 2016 entrepris par la Nikkatsu, avec cinq films réalisés pour rendre hommage au genre (film tous critiqués ici), une nouvelle vaguelette avait eu lieu en 2022, avec cette fois-ci juste trois films. N’écoutant que mon courage, j’ai décidé de m’y atteler pour vous en faire un retour avec le premier du lot :

When the rain falls

Yuri no Amaoto (Shusuke Kaneko – 2022)

 

Hazuki est une employée dans une société d’édition. Elle a une petite manie ô combien symbolique : elle se coupe les ongles à chaque fois qu’il pleut, manie qui lui fait se souvenir d’une relation homosexuelle qu’elle a eue quand elle était lycéenne. Pour l’heure, elle est amoureuse de Shiori, une élégante supérieure mal mariée avec le directeur de l’entreprise qui lui, la trompe sans vergogne avec une autre employée, Hana. Un soir, Hazuki entreprend de draguer Shiori. Bingo ! Après une nuit au love hotel, c’est le début d’une idylle qui va compliquer le quadrilatère rose amoureux…

Quand j’ai écrit « n’écoutant que mon courage », la formule n’a rien d’ironique, pour le cas où vous imagineriez que je me serais rué sur la pellicule la bave aux lèvres et la braguette fumante. Les roman porno ne sont décidément plus ce qu’ils étaient. S’ils sont effectivement proche de la formule « tournage commando en quelques jours + durée limitée + scène de sexe toutes les dix minutes », ils mettent l’accent dans l’ensemble sur la subjectivité féminine au détriment d’une misogynie toute en raideurs. En soi, je n’ai rien contre, mais il faut se dire que l’on peut parfois se retrouver face à une esthétique érotico-chicos un peu ennuyeuse. C’est le cas ici, avec une histoire et une ambiance qui pourront faire penser d’abord à un drama sentimental, avec un tissu narratif fait d’ambition professionnelle, de mauvais esprit, de jalousie, d’adultère et enfin de tricherie pour parvenir à ses fins. C’est réaliste, très sérieux, très éloigné du chef-d’œuvre (à mon sens) de Shusuke Kaneko, Jeu de famille (1983), satire sociale particulièrement réussie sur une famille japonaise. Après, pourquoi pas ? Mais il manque sans doute à Kaneko un talent particulier pour rendre intéressant cet esprit de sérieux.

Ici, les acteurs ne sont pas en cause. Globalement, le cast est bon, en particulier celui pour le duo Hazuki-Shiori, interprété par Kazumi et Kazuha Komiya qui savent donner corps, si j’ose dire, à la relation lesbienne. De même, Tomu Miyazaki, dans le rôle du porc de service, parvient à nuancer son personnage. Rien que cela fait que le film se situe une coudée au-dessus des standards des films érotiques japonais actuels. Mais précisons : juste au-dessus. Car puisque l’on parle de films érotiques, il faut bien dire ici que l’ingrédient de base est assez pauvre, la faute à un manque cruel d’inspiration de Kaneko qui trouve utile de couvrir chacune des scènes lesbiennes d’un coulis de musique sirupeuse qui en deviendrait presque comique. Après, y a pas à dire : les actrices sont bien belles, à croquer dans les scène saphiques, mais que cela reste gentillet et ennuyeux ! Et pour le coup, on en arrive presque à voir arriver avec soulagement les scènes dans lesquelles l’horrible Sawada débarque pour satisfaire sa libido poisseuse de mâle dégénéré. Ce qui est un comble car Kaneko a fait partie de l’aventure Roman Porno dans ses riches heures, en tant que réalisateur assistant (Le Scandal final : Madame l’aime bien dure (1983), La Coupe rose : aime-moi dur, aime-moi profondément (1983)) que réalisateur, avec notamment la fameuse parodie érotique d’ Ace wo nerae (que j’ai moi-même détourné ici), en 1984. Mais de l’eau a passé sous les ponts depuis, l’auteur s’est assagi et, surtout, a commis de fort vilains films (notamment les Death Note live). Bref, on est loin de Call Boy (2019) de Daisuke Miura qui, en termes de vapeur érotique, avait mis le curseur assez haut (moi, en tout cas, j’avais fini la séance avec un bon 39,4°C).

Rien de déshonorant donc dans ce When the rain falls, mais rien non plus de trépidant. J’attends mieux à ma prochaine cible : Hand, de Daigo Matsui.

5/10

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