I got les Bleus

Voilà, on y est. Séjour au Japon, neuvième édition. Suivant de quelques mois seulement la huitième, autant dire que le dépaysement est très relatif tant j’ai l’impression de n’avoir quitté le pays seulement hier. Mais enfin, c’est tout de même bien bon d’être ici, même si la chaleur a une curieuse manière de souhaiter la bienvenue. 30°C dès huit heures du mat’, autant dire que je ne tarde pas trop pour aller faire mon footing matinal. Lever à 6H30, je rencontre les premiers lézards à 7 et je rentre tout ruisselant à 7H30 pour souhaiter le bonjour à la ribambelle de gosses du quartier qui se rendent en groupe à l’école d’à côté.
L’après-midi, la sieste est de rigueur. Avec les enfants on monte dans la chambre à l’étage et on enclenche la clim’. Ils jouent avec leur Switch tandis que je sillonne Mandarake pour quelques achats à base de photobooks et d’art books. Et puis, après une demi-heure de ce régime, le corps se met à latter l’esprit. On résiste encore cinq minutes mais rien n’y fait : instinctivement, on sent une chaleur tellement épouvantable dehors que la mise en veille de l’organisme avant d’aller l’affronter se fait d’elle-même. Et à 15 heures, on est fin prêts pour aller faire une partie de plage d’une heure à « Sun Beach », la petite plage non loin du port de Miyazaki. Tout le monde y trouve son compte. Les enfants bien sûr, contents de barboter et de s’exciter dans une eau tiède qui ne risque pas de susciter une hydrocution, et moi aussi qui, sans être un inconditionnel de la plage, suis tout de même satisfait de rafraîchir et nettoyer l’épiderme qui a déjà eu le temps dans la journée d’accumuler de la sueur séchée, malgré la douche matinale post footing.
La soirée est plus gérable, entre le dîner, les boissons fraîches et la climatisation remise en marche, ça va, on survit.


Bref l’entrée en matière de ce neuvième séjour s’est bien passée. Il a fallu défriper le corps et l’esprit après un voyage un peu longuet (voyage en TGV + nuit à l’hôtel + voyage Roissy- Helsinki + 5 heures de transit à Helsinki + voyage Helsinki-Fukuoka + trois heures de transit à Fukuoka + voyage Fukuoka-Miyazaki) mais après deux journées, le rythme a été définitivement pris. De quoi être d’attaque pour suivre la finale dans la nuit de dimanche à lundi. C’est l’apanage de ces vacances d’été au Japon prises tous les deux ans. Cela coïncide avec les années pairs et c’est à chaque fois l’assurance de suivre une compétition sportive : Euro, Jeux Olympiques, cette fois-ci Coupe du monde. Il y a quatre ans j’avais été accueilli par l’horrible finale entre l’Argentine et l’Allemagne. Là, après avoir suivi le parcours de la France et de la Croatie, j’espérais bien ne pas regrette ma veillée footballistique. Et puis merde quoi ! A la clé un possible deuxième titre ! Il y eu donc une petite excitation tout le long de la journée, un climat d’attente certes amoindri du fait d’être enveloppé par les activités au Japon, mais attente gentiment fiévreuse tout de même.

Faire du shopping était un moyen de tromper l’ennui. Allez ! dans l’escarcelle cette belle écharpes Samurai Blue !

Avant de me poster devant le petit écran, j’allai au onsen du centre ville. Mal m’en a pris : on était dimanche la veille d’un jour férié, du coup on était un peu les uns sur les autres. Pire : le bassin à l’extérieur était recouvert de canards jaunes en plastique, sans doute en l’honneur des lardons qui ne manquaient pas d’accompagner le dimanche leur paternel. J’allai tout de même à l’habituel sauna, celui qui décalque la couenne et vous fait suer un litre d’eau toutes les deux minutes, puis m’imergeai juste après dans le bassin d’eau froide. J’y restai cinq minutes, le temps de créer une bienfaisante sensation puis sortis pour m’allonger sur un des transats. Difficile de faire autre chose, après le combo sauna/eau froide, la tête me tournait gentiment. Allongé, le décor tout autour valsait, il n’y avait qu’à fermer les yeux en attendant que ça se calme. En les rouvrant je contemplai le ciel de Miyazaki pollué par les lumières de la ville. Je distinguai malgré tout quelques étoiles. Ici Aldébaran de la constellation de la loutre. Là Seiya de la constellation du Pégase et Raoh du Krakken. Vision bienfaisante qui fit aussitôt glisser en moi quelques méditations poétiques du genre « Bordel ! On va l’avoir cette putain de deuxième étoile, pour sûr ! ».
Vers minuit moins le quart je revins à la base. Tout le monde dormait, j’allais vivre cette finale seul dans la petite pièce où belle-maman avant l’habitude de regarder ses dramas le soir :

Remarquez ici la présence d’un piano, vestige des débuts pianistiques de Madame Olrik quand elle pratiquait chez ses parents. En attendant son retour, c’est Olrik the 3rd (deuxième année de piano) qui l’utilise. Moi, je me promettait bien à la mi-temps de me jouer quelques Nocturnes de Chopin afin d’évacuer un éventuel stress.

Allez ! Écoeurez-moi ce Croate encore plus que pour cette pleureuse mauvaise perdante de 

Thibaut Courtois !

Mais en fait, le stress, il n’y en eut guère. Comme pour les précédents matchs depuis l’Argentine, ces Bleus-là semblaient dominer leur sujet d’une étrange manière. Pas flamboyants, mais pas inquiétants non plus. Limite rassurants même. Une sorte de monstre à sang froid certain de sa force. Il se faisait bien chiquer les mollets par le molosse en face de lui mais pas d’inquiétude, il n’aurait à un moment qu’à lever la patte le moment venu pour lui infliger une rouste. Ce qui arriva. Le coup de sifflet final donné, je regardai incrédule les remplaçants français envahir la pelouse alors que le commentateur japonais exultait. Intérieurement, j’étais content, mais tout se passait comme si une sorte de filtre s’immisçait entre ma joie et ce que je voyais. A deux heures et demie du matin, le quartier était aussi calme que dans une ville belge après le coup de sifflet final du match entre la France et la Belgique. Point de coups de klaxons, de voix éméchées en train de brailler ou de commentaires chauvins à la TV qui annonçaient une hystérie médiatique prévisible dans les prochains jours. Etonnant, déroutant, et en même temps, finalement, satisfaisant.
J’attendis jusqu’à la remise de la coupe, me demandant si Macron n’avait pas une trique réelle à faire ainsi son show devant les caméras du monde entier et à se faire tripoter pour un oui ou pour un non par la présidente croate. Avant que la pluie ne le mouille à l’extérieur, je gage que l’intérieur à un certain endroit était tout suintant. Bref la pluie et avec elle la coupe arrivèrent, et ce sans les commentaires des journalistes de TF1 et ça, c’était plaisant. Et ça allait l’être tout autant le lendemain. Les Bleus dans le car sur les Champs Elysées, les Bleus à l’Elysée, les Bleus dans leur petit village, le fierté de la tata d’un des Bleus, un Bleu va aux gogues, tout cela j’y échappai et c’était tant mieux. Le petit lien qui me rattachait encore à la France était achevé (je mets à part la présence de Madame Olrik là-bas, ma chère et tendre ne devant nous rejoindre qu’à partir du 25), il n’y avait plus qu’à se laisser bercer par le chant des grillons, le goût du shochu on the rocks et l’odeur du yakiniku quand la chaleur devient plus douce, sans avoir à l’esprit un certain ballon rond.

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