(The DC Archives) Hasayasu Satô bande (ses muscles)


muscle

Et c’est reparti pour un nouveau pinku d’Hisayasu Satô. Je ne vous dis pas de quoi il va être question, ce serait pas drôle. Et vous savez quoi ? Après ça il y aura encore un vieil article à réuploader sur l’oeuvre de ce grand malade. Cool hein ? En ce moment, Bulles de Japon c’est un peu ça :


hisayasu sato pour les nuls

Ce qui n’amuse guère Ai  la charmante responsable de la section cinéma érotique de bdJ. La gosse a beau en avoir vu d’autres, voir son bosse utiliser la salle de projection en slip rouge et le pot de margarine à portée de main (vous allez comprendre pourquoi) n’est pas sans l’inquiéter ! Courage Ai chan ! Encore un article de ce type et l’ignoble Satô connaîtra une longue période d’absence sur ce site.

(article publié sur Drink Cold le 4 octobre 2010)

Allez les enfants, virez les tables, rassemblez les chaises au milieu de la buvette, ce soir c’est le 4ème opus de la dernière séance Japanisthanaise. La VHS est prête, j’ai choisi pour vous un bon vieux pinku de derrière les fagots.

OOUUUAAIIIS !!!!!!


Allons, du calme. Il s’agit de Muscle (1989), pinku à tendance homosexuelle et sadique. Plutôt original, non ?


Muscle poster

WTF ?!

 

Allons allons, comment ça « WTF » ? Je sais bien que nous sommes sur un site où la testostérone et les bijins à gros seins sont came courante mais quoi ! la clientèle de DC est aussi connue pour son ouverture d’esprit et sa grande capacité à encaisser des découvertes, quand bien même ces découvertes concerneraient des pratiques à l’opposé des siennes. Et puis, quand je vous aurai dit que le réalisateur n’est autre qu’Hisayasu Sato :

satoGrrrr!


Le plus déviant des FOUR DEVILS, l’homme pour qui à chaque film doit correspondre une perversion gratinée, vous comprendrez pourquoi j’évoque ce film.

christine-boutin

« Perversion gratinée » pour parler de l’homosexualité masculine est une expression highly approved par Christine Boutin.


Présenté comme cela, c’est tout de suite un peu salaud pour nos amis gays, mais le fait est que l’on peut d’emblée se poser, en guise de préliminaires, cette simple question :

Quelle image ce film donne-t-il des gays ?

Au pays du yaoi, quel sort allait réserver Hisayasu Satô à cette thématique ?Allait-on plutôt avoir du pur style gay-fake-mais-rigolo façon Hard Gay ?

hard gay

Okaay Olrik mange mes sushis FOOOO !

Ce serait certes sympa mais assimiler Satô à un Gérard Oury du pinku est tout de même un peu faire fausse route.

Autre possibilité, une représentation sucrée, très propre sur elle, à la Brokeback Mountain :

brokeback_mountain

Merde, je me suis encore trompé d’affiche ! Bon, je pense que vous ne m’en voudrez pas, hein ?

Mais là aussi, ça paraît hasardeux tant le cinéma de Satô semble totalement imperméable à toute idée de romantisme.

Du crapoteux alors, comme les gays dans les films de Gaspar Noé, ou dans ce film de 1980 avec Al Pacino,  Cruising, film de Friedkin (l’Exorciste, French Connection…) dans lequel notre Al joue un flic devant s’infiltrer dans les milieux gays de la fin des 70’s afin de mettre le grapin sur un tueur d’homos. Sorte de Serpico plus trash et dans lequel Pacino n’hésite pas à faire un numéro de danse assez poilant, un peu comme si Travolta avait bu trois litres de café bien tassé avant de se rendre au 2001 Odyssey. On en redemande Al !

al_pacino

Bon, ça va, inutile de me rappeler ce mauvais souvenir.

À sa sortie, le film avait énervé pas mal de gays, ces derniers estimant que Friedkin les représentait un peu trop comme des dégénérés assoiffés de sexe. Impression malsaine que je trouve pour ma part confirmée par le malaise du personnage de Pacino, d’abord un peu pâlot à cause de ce qu’il voit (bonjour les scènes poisseuses de fist fucking), puis peu à peu troublé par son glissement vers l’homosexualité. Sur ce point, il n’y aurait évidemment rien à redire, le problème c’est que cette transformation s’accompagne d’une suggestion, que Pacino pourrait être le serial killer recherché. Sympa les pulsions.

Cruising Costume

Pour les fans de Pacino, il existe d’ailleurs une belle panoplie que l’on peut se procurer à la Redoute. N’oubliez pas que Noël approche !

En est-il de même avec Satô ? C’est assez difficile à jauger. En fait, les gays Sato’s style, c’est comme ça :

Muscle 1


Là, un petit arrêt sur image explicatif s’impose. Le gars allongé s’apprête à filer à son amant un méchant coup de katana tandis que le dit amant fait ce qu’il a à faire (et il le fait fort bien) tout en tartinant de margarine le corps de l’autre… au couteau à beurre. Moi, devant tout ça je dis : « incroyable mais… VRAI ! »

FRANCE-MEDIA-TV-MARTIN

Hisayasu Satô… au grand théâtre de la buvette… sous vos applaudissements !

Bon, je reconnais que présenté comme cela, on se dit que l’on se trouve face à une image peu reluisante des amours gay. Reste que – vous commencez à me connaître – j’ai choisi la scène la plus gratinée du film, scène qui n’est d’ailleurs qu’un rêve fantasmatique du personnage principal. Le reste est nettement moins barré, voire parfois un tantinet fleur bleue :

Muscle 2

Telle cette scène où nos deux aminches nous font une petite valse en amoureux. Vous remarquerez au passage qu’ils boivent frais. Un bon point pour eux.

On a au bout du compte bien affaire à une histoire d’amour entre deux hommes, dans laquelle le sexe est une étape et non un but. C’est une histoire qui peut passer si l’on prend ce film tel quel, indépendamment des autres films de Satô. Parce que dans ce cas, je trouve qu’il y a tout de même un léger malaise. N’oubliez pas que l’on a affaire à Hisayasu « 30 millions d’amis » Satô, l’homme qui barbote dans une image de l’humanité truffée de perversions en tous genres. On peut certes se dire que de toute façon, puisque tout le monde – homo comme hétéro – en prend pour son grade, puisque l’on a affaire à une humanité malade, ce n’est pas la peine de s’offusquer d’un tel film. Mais justement : comme il s’agit d’un réalisateur dont la marque de fabrique est la recherche de déviances « « croustillantes » » (avec une bonne louche de guillemets), on peut se demander si l’homosexualité n’en est pas une à ses yeux. Le choix de cette thématique me semble finalement assez suspect. Après, ce film a été présenté au festival du film gay et lesbien de Berlin en 1993 et il semblerait que Satô n’ait pas été pendu par les couilles par une horde de gays ulcérés. Mais, encore une fois, le film a été présenté sans aucune perspective par rapport au reste de la filmographie de Satô… Bon, passons.

Passons et évoquons le deuxième thème du film : la relation sado-masochiste. Et je m’aperçois ici que je ne vous ai toujours pas balancé le synopsis. N’hésitez pas à m’interrompre hein ! moi, une fois que je suis parti, c’est un peu Pierre Bellemare vous présentant son baril de pinku, ça divague, ça élucubre, et ça a du mal à s’arrêter.

pierre-bellemare

Image sans réelle utilité. C’est juste pour détendre un peu l’atmosphère.

Le film raconte la relation entre Kitami, un danseur faisant du culturisme butoh expérimental :

Muscle 3

Sur Arte à 4 heures du matin, ça peut être assez tripant.

Et Ryuzaki, un photographe œuvrant dans une revue de bodybuilding (sobrement intitulée « Muscle ») :

Muscle 4

C’est bon ça Coco!

Déjà, dès le début on sent que l’on part sur des bases saines pour que ça parte en vrille. La relation est d’abord sereine, mais elle ne tarde pas à dégénérer, Kitami montrant des tendances sadiques et Ryuzaki semblant apparemment prêt à les recevoir volontiers.

Muscle 5

T’as vu comme j’ai l’air sadique là ?

Début on ne peut plus simple : un vicieux sadique et un vicieux masochiste. Et pour ceux qui prendraient le train en marche, qui arriveraient en retard à la projection, Satô a bien fait les choses : reprenant le code de couleurs des sabres laser dans Star Wars, il différencie les deux personnages grâce à la couleur de leur slip. En quelque sorte une manière moderne de revisiter les procédés de la scène d’exposition.

Muscle 6

Le côté obscur est en rouge tandis que la force (un peu déviante, la force) est en bleu.

Arrive LE geste : notre jedi SM lâche un beau jour les soupapes. C’est ce truc remarqué par Deleuze, cette capacité chez les masochistes à se transformer à la fin du processus en sadiques. Seulement voilà, la transformation ne se fait pas en finesse puisque Ryuzaki, en saisissant non pas un sabre laser mais un katana, coupe le bras de son amant !


Muscle 7

Quel con !

S’ensuivent une année en prison et, à sa sortie, une obsession : retrouver Kitami. Il fera d’autres rencontres un peu spéciales, notamment celle d’un couple qui essaiera de l’initier à leurs petits jeux SM, mais rien n’y fera : la seule chose importante à ses yeux, c’est de retrouver la partie manquante à cet objet conservé précieusement :

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Voyons, où le mettre dans le salon ?

Au-delà des scènes de sexe (assez peu nombreuses) au réalisme radicalement opposé à l’esthétisme des maîtres du roman porno, vous comprendrez aisément que Muscle raconte finalement une histoire d’amour hors norme. Ce ne sera évidemment pas du goût de tout le monde, mais on ne peut nier à Satô une imagination et une réalisation coup de poing bien à lui. Ainsi ce plan étonnant où l’on voit une main entrer dans le cadre pour saisir doucement le bocal. Le temps d’un instant, Satô nous fait hésiter sur la nature de cette main et sur la réalité de la scène. On se demande si Ryuzaki n’est pas ici en train de fantasmer le retour de l’autre main de son amant.

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Cependant, on pourrait reprocher à Satô de manquer de clarté dans la manipulation qu’il fait des différentes déviances sexuelles. Par exemple, la principale obsession de Ryuzaki s’accompagne d’une autre, voir coûte que coûte ce film :

Salo 120 Days of Sodom

Salo ou les 120 Journées de Sodome, de Pasolini

Bon, c’est sympa d’évoquer Pasolini, ça donne une touche « arty » au film et ça peut faire son petit effet sur les Bouvard et Pécuchet.  Mais j’avoue pour ma part qu’il m’en faut un peu plus pour m’impressionner. Salo et les 120 journées de Sodome… et alors ? Qu’est-ce qu’on en fait de cette référence ? C’est à nous de nous démerder, c’est ça Hisayasu ? Je veux bien mais quel est le rapport entre le sadisme de Sade et le sadisme d’une relation sado-masochiste ? C’est l’éternelle confusion, l’éternelle tambouille qui mélange approximativement sadisme, masochisme et sado-masochisme. Cette tambouille clichée à souhait qui fait dire à un des personnages du film : « Tu es plutôt S ou plutôt M ? ». Pitié!

Remarquez, cette hitsoire d’obsession pour Salo donne lieu à une scène assez marrante. Ayant enfin son Graal, une VHS du film,  Ryuzaki rencontre un gay pour lui poser des questions sur Kitami.

Muscle 10

Rien qu’à son apparence, on sent l’indic foireux.

Mais le biker homo, d’humeur farceuse, lui vole sa K7 et ne trouve rien de mieux à faire que de la balancer brutalement sur un mur !

Muscle 11

Pasolini c’est de la merde ! C’est Kubrick le meilleur ! Voilà ce que j’en fais de ta K7!

La sanction ne tarde pas à tomber :  Ryuzaki le tabasse et le laisse pour mort. Et ouais, on ne déconne pas avec les maîtres du cinéma, il est des choses qui ne se font pas. Je dois dire que c’est bien le seul moment du film ou je me suis pleinement identifié avec le personnage principal.

Au delà de cette scène  assez inattendue, l’utilisation d’une obsession pour un film reste cohérente par rapport au fait que les personnages de Satô, quels que soient les films où ils apparaissent, ont une voire des obsessions. Obsession d’un film, obsession d’un amour perdu, Ryuzaki n’est au fond qu’une coquille vide prête à tout pour retrouver son bonheur du début du film :

Muscle 12

Il retrouvera Kitami à la fin. Mais pour ce qui est du bonheur, cela devra passer par un geste que je préfère vous laisser découvrir vous-mêmes. Comme pour Horse and Woman and Dog, Satô termine son film de façon inattendue, brutale et troublante. Et si tout n’est pas réussi, si l’on frôle parfois le ridicule avec ce salmigondis de perversions, Il y a dans ce Muscle, quelles qu’aient pu être les motivations de Satô, une approche de l’homosexualité masculine profondément originale par sa capacité à mélanger fantasme et réalité, crudité épaisse et raffinement.

Comme un article de Drink Cold finalement.

muscle-commentaires1

https://www.youtube.com/watch?v=G2Lbi6Xdwl4

muscle-commentaires2

https://www.youtube.com/watch?v=sgLjyceDiLM

muscle-commentaires3

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