Libido in pluvia

A Snake of June (Rokugatsu no hebi)
Shinya Tsukamoto – 2003

 

Rinko est une femme délaissée par son mari. Un jour, elle reçoit des photos d’elle en train de se masturber. L’expéditeur la menace de tout révéler à son mari si elle ne se plie pas à ses désirs…

 

Problématique du corps selon Tsukamoto, acte III.

Après le corps qui, noyé dans un monde déshumanisé où règne la technologie, fusionne avec la machine (Tetsuo), le corps servant d’exutoire à une vie dénuée de sens (Tokyo Fist), voici le corps aux prises avec ses désirs ou plutôt, incapable de les assouvir. Et c’est bien tout le problème tant Rinko et son mari Shigehiko sont engoncés dans un quotidien lisse, aseptisé et sans émotion. Pourtant, la saison des pluies se prêterait à des parties de jambes en l’air. Tandis que le ciel déverse sa pluie, les épidermes semblent constamment humides, comme attendant qu’une autre humidité se déverse à un autre endroit de leur anatomie. Le problème est que cette dernière est à l’image de se siphon de salle de bain sur lequel s’acharne Shigehiko lors d’une scène : leur tuyauterie est totalement bouchée.

Aussi bien le stalker (joué par Tsukamoto lui-même) apparaît-il moins comme un persécuteur qu’un bienfaiteur. Rinko peut bien protester ou l’agonir d’insultes, au bout du compte les épreuves qu’il lui impose (comme par exemple aller s’acheter un godemichet etl’utiliser dans des toilettes publiques) lui permettent de lui déboucher sa tuyauterie et d’exister pleinement (et dans l’univers urbain à la Tsukamoto, c’est une chose qui est loin d’être aisée). Dans Tokyo Fist le personnage principal faisait le choix de la boxe, dans A Snake of June (allusion bien sûr au stalker, serpent du début de la saison des pluies qui montre le fruit défendu) va faire celui d’une sexualité et d’une sexualisation assumées. D’abord toute sage, Rinko, portée par l’élégante plastique d’Asuka Kurosawa, va peu à peu succomber à l’ivresse de se montrer, de chercher les regards… et de se masturber au milieu de cette ville étouffante et sous cette pluie licencieuse. Cela donnera le morceau de bravoure du film, étonnante scène qui à elle seule permet à A Snake of June de rejoindre le tout meilleurs pinku.

 

 

Rinko et Shigehiko finiront par s’accoupler. Manipulé lui aussi par le stalker, le mari fera la découverte du sexe, comprendra enfin combien il s’agit d’un besoin vital. N’empêche, le spectateur, déjà étonné de voir que cette trogne de bouffi dégarni soit le visage du chanceux qui a pu mettre la bague au doigt d’une bijin comme Rinko, n’en revient certes pas de voir le même bouffi forniquer comme un enragé avec Madame qui est parfaitement aux anges. Tsukamoto semble ici sous-entendre que tant que le sexe est là, tout va, nul besoin d’amour. Il prendra le parfait contre-pied de cette assertion dans son film suivant, Vital, plus morbide et en même temps, paradoxalement, plus lumineux.

7/10

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