Chouette initiative des éditions Mangetsu que de proposer une édition du célébrissime Chibi Maruko chan. Célibrissime du moins au Japon car en France, seuls ceux qui s’intéressent aux mangas au-delà d’une certaine époque et qui ont eu l’occasion de zapper sur Fuji TV connaissent la petite Momoko Sakura, aller ego de la mangaka, et son inénarrable famille. Créé en 1983, le manga est un peu dans le sillage de Sazae-san ou de Mes Voisins les Yamada, ces séries atemporelles qui résistent à toutes les modes, qui sont toujours capables de parler aux nouvelles générations japonaises, et même de franchir les frontières pour amuser n’importe quel lecteur dans le monde.
Car de quoi nous parle Chibi Maruko chan ? Du quotidien d’une gamine de neuf ans qui est le réceptacle des souvenirs d’enfance de la mangaka. On y parle abondamment de sa vie comme écolière, mais aussi de ses relations avec les membres de sa famille ou des garnements de son quartier. Rien que de très banal donc, mais ce qui rend ce manga immédiatement attachant, c’est le ton adopté, plus précisément la superposition de deux tons. Celui de Maruko d’abord, gamine espiègle qui fait tout pour ne pas en foutre une rame, plus intéressée à l’idée de s’acheter un max de bonbecs. On est face à une de ces gamines qui, de Zazie à Claudine, sont immédiatement attachantes. Mais là où le manga devient vraiment réjouissant et personnel, c’est par l’usage abondant que fait Sakura des récitatifs. Car attention, pour le coup rien à voir avec les strips de Mes Voisins les Yamada qui se lisent en deux secondes. Le dessin a beau être rudimentaire (mais complètement efficient), les histoires, la composition des planches et les innombrables commentaires de Maruko devenue la mangaka Momoko Sakura demandent un peu de temps. Dialogues dans les bulles, récitatifs, commentaires ajoutés à l’arrache, notes de bas de page (de l’auteure mais aussi du traducteur – dont le travail est excellent), ça n’arrête pas !
Deux exemples. Momoko Sakura aime tellement causer qu’elle prend parfois la plume pour y aller de « petites anecdotes ».
Et on en redemande bien sûr tant on s’amuse de la drôlerie des situations qui ont un parfum de déjà vécu, et que l’on prend plaisir à être plongé dans la vie de quartier de petites villes japonaises (épisode bien fendard d’une fête de Noël organisée par les habitants du quartier pour « faire plaisir » aux gamin en leur offrant… un spectacle miteux retraçant la naissance de Jésus !). Plaisir aussi de retrouve des références à un quotidien lié à la nourriture (cf. la planche évoquant comment bien doser le Calpis dans une gourde), à des gadgets promotionnels (la WTF « boule à tête d’œuf »), à des émissions TV (l’inoxydable Kouhaku uta Gassen) et mille et un autre détails qui laisse augurer, tout le long des dix-neuf tomes de la collection, d’une savoureuse plongée dans les 80’s japonaises.
Un chapitre amusant, celui faisant la typologie des différents types d’instituteurs.
À noter que Mangestu va aussi bientôt publier Crayon Shin-chan (autrefois paru chez Casterman). Un bel effort pour proposer de (re)découvrir des personnages emblématiques, même si, pour ma part, Chibi Maruko-chan me semble bien plus riche que le manga de Yoshito Usui. Mais maintenant, la grande question reste : à quand une édition (même une anthologie, je suis preneur) de Kochikame ? En voilà un autre manga iconique et permettant une plongée surrannée dans la culture japonaise ! Même une modeste anthologie, je serais preneur. Allez Mangetsu,un effort, quoi !