Takehiko Inoue in your face !

The First Slam Dunk

(Takehiko Inoue – 2022)

Electron libre du manga depuis les années 80 (il est l’un des rares mangakas à posséder les droits de ses créations), en proie encore il y a peu à une crise existentielle à cause de son deuxième manga phare après Slam Dunk, Vagabond, Takehiko Inoue semble être définitivement sorti d’une impasse liée à l’exigence et à la noirceur de ce dernier manga, et ce, de nouveau grâce au basket, le sport d’une vie en ce qui le concerne puisqu’il l’a abondamment pratiqué et que ce sport lui a donné richesse et célébrité, lui permettant surtout de travailler tout en s’éclatant et non pas en ayant l’impression d’effectuer un pesant pensum imposé par un directeur de publication et un insupportable sondage de lecteurs.

Il y a d’abord eu un retour à Real, son autre manga sur le basket (précisément le handi-basket) mais surtout à son magnum opus, à Slam Dunk, avec une première expérience en tant que réalisateur d’animation avec ce The First Slam Dunk restituant l’ultime match entre Shohoku et Sannoh, LA pièce manquante dans tout ce que que la série TV, les OAV et les autres films d’animation avaient déjà adapté.

The beasts are here !

Et Inoue semble-t-il s’être autant éclaté en réalisant le film qu’en dessinant des chapitres du manga au temps des riches heures du Jump ? En tout cas, après avoir bien jubilé au visionnage d’épiques scènes de match, je veux bien l’imaginer.

Car qu’on se le dise, si après Slam Dunk il y a eu Kuroko no basket, autre shonen (réussi) dédié au basket et paru dans les années 2000 et 2010, Slam Dunk reste Slam Dunk, c’est-à-dire le manga le plus abouti sur le basket (à moins que Real…). Pas de coups spéciaux comme dans Kuroko, juste une maestria technique réaliste qui transpire la parfaite connaissance de ce sport. Le film ne perd pas de temps : passé le (magnifique) générique, les joueurs se réunissent pour l’entre-deux au milieu du terrain, et le match commence, livrant les premiers marquages, les premiers mouvements, les premières feintes et franchement, c’est magnifique. Mélangeant la 3DCG et la 2D, le film excelle à retranscrire le mouvement, le dynamisme des actions sans que la technique choisie heurte la rétine (on est loin, très loin des balbutiements animés de Buzzer Beater, anime adapté du troisième manga – original mais bien moins important que les eux autres – d’Inoue). Au contraire, c’est du pur bonheur et on en vient presque à s’agacer quand le rythme du match est interrompu par un des nombreux flashbacks du film.

Car c’est la forme choisie par Inoue. Comme se contenter d’adapter exclusivement le dernier match eût pu peut-être devenir indigeste à la longue (et surtout diminuer significativement la longueur du film), Inoue a choisi d’injecter des analepeses sur des épisodes déjà connus (ainsi la période où Mitsui était un sérieux fous-la-merde)… et inconnus. C’est la petite surprise du chef avec un nombre de minutes considérables (à la louche je dirais une bonne demi-heure) sur le passé de Ryota. N’en dévoilons pas trop, disons juste qu’il y est question d’un trauma survenu peu avant l’adolescence et que l’idée de « faire du basket » est dans son cas une sorte de bouée existentielle (ce qui n’est pas sans créer une passerelle avec Inoue lui-même).

J’ai parfois été un peu agacé de voir le rythme trépidant du match contre Sannoh être interrompu par un énième flashback. Mais après, encore une fois, il faut bien comprendre que c’est un choix intelligent, permettant de revenir avec plaisir au match et surtout de donner une épaisseur et une profondeur appréciables, permettant au manga originel de quitter son costume de shonen pour se vêtir d’une parure plus seinen (c’est aussi qu’entretemps, Real est passé par là). Et puis, pour le spectateur qui ne connaîtrait rien au phénomène Slam Dunk, c’est peut-être l’assurance de se dire : « Bordel ! Mais c’est quoi ce manga ? C’est génial en fait, il faut que je le lise ! »

Ici, je reconnais : moi qui n’ai pas lu le manga (mais qui s’est enquillé l’intégralité de la série TV ainsi que les autres films), je suis allé inspecter la bibliothèque de mon fils cadet afin de lui chourer les premiers tomes histoire de sentir de nouveau la sueur des vestiaires et laisser l’imagination entendre le bruit si appréciable (j’ai eu autrefois traîné mes baskets sur le terrain lors de sept années en club) du rebond du ballon sur le parquet.

J’ignore de quoi l’avenir d’Inoue sera fait mais franchement, après son passage à vide lié à Vagabond, voilà de quoi être pleinement rassuré. Et, alors qu’Otomo annonce un improbable retour au manga (on reste méfiant après le pétard mouillé de son annonce d’Akira en série TV) et que Toriyama vient de disparaître, rappelant combien la deuxième partie de sa carrière a quelque peu été phagocytée par le monstre massmedia boursouflé qu’était devenu Dragon Ball Z, ça fait plaisir de voir un des héros de l’âge d’or du Shonen Jump revenir en force et montrer de manière éclatante qu’il n’est pas mort, loins s’en faut.

8,5/10

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