Commence alors l’ascension. Enfin, disons plutôt que l’on se dirige vers le sentier où nous attend le premier obstacle : un péage !
Eh oui ! Comme on considère le Mont Fuji comme un trésor national et qu’il convient de le préserver, 1000 yens sont demandés au randonneur pour lui permettre d’y aller de sa petite ascension. Rien que de très normal, même si, en y réfléchissant, tout le système de bus permettant d’accéder à la cinquième station, les magasins, les restaurants ainsi que – je le verrai un peu plus tard – la présence de curieux chalets peuvent poser question sur la manière de préserver ledit trésor national. M’enfin, je m’acquittai bien volontiers de la somme, récupérant au passage ce petit objet :
Photo prise tranquillou au retour dans mes pénates. Eh oui, je spoile recta : je reviendrai bien vivant de l’aventure.
Aussitôt frappé sur son verso d’un coup de tampon commémoratif :
Dieux tout puissants ! Que cet anniversaire s’annonçait grandiose ! Un coup d’œil sur le flyer que l’employée me remit…
Ouais, Seiya qui franchit les douze sanctuaires pour faire sa fête au grand Pope, c’est à peu de chose près la même chose ! me dis-je en mettant le plan dans mon sac, alors que nous entamions les premières foulées pour nous mener à la sixième station. Comme vous pouvez le voir sur le flyer, tranquille, l’étape. Du moins en théorie : 100 mètres d’ascension étalés sur 2400 mètres, à priori pas de quoi ramper d’épuisement. Et pourtant, alors que l’on s’est vus dépasser par un groupe de jeunes Français véloces se disant qu’apparemment, grimper en haut du mont Fuji, ça allait être du nanan, nous n’avons pas vraiment cherché à faire l’étape au pas de course. D’abord parce que partant à 19h pour arriver vers 4 heures du matin afin de voir le lever de soleil, on avait bien le temps. Ensuite parce qu’il faisait bon et qu’il était jouissif d’apprécier l’instant et de contempler la vue :
D’ailleurs, Castor joufflu retrouva sa belle humeur, estimant au passage qu’il préférait bien plus grimper le mont Fuji que monter en haut de l’ennuyeux Tokyo Sky Tree (qu’il allait amèrement regretter ces paroles !). Faucon sérieux opinait à ces paroles tandis que moi, Aigle majestueux, je me disais qu’il y avait là une certaine beauté à humer cet air pur en communion avec ma progéniture. Qu’importe si nous arrivions en retard en haut du sommet, cette excursion avait déjà tout de la victoire.
N’empêche… cent mètres d’ascension, environ quatre kilomètres effectués à 2300 mètre d’altitude, ça faisait déjà un peu transpirer, même en y allant doucement. Fort opportunément, en prévision de cette ascension nous avions emprunté à mamie Olrik, avant de venir en France, ses cannes de marche, qu’elle n’utilisait pas, et que Castor joufflu transportait dans son sac, les laissant crânement dépasser par l’ouverture (très « matez bien le trekkeur aguerri ! »). Alors que la première fatigue arrivait, c’était le moment de les en sortir. D’abord une pour chacun de mes fils ; moi, même si plusieurs mois auparavant j’avais été opéré du ménisque droit, je n’en voyais guère l’utilité (et ouais, je suis comme ça, moi !). Finalement, quelques centaines de pas plus loin, voyant que les cannes étaient surtout pratiques si elle étaient utilisées par une seule personne, ce fut Olrik the 3rd qui les utilisa, se sentant subitement pousser des ailes alors qu’il commençait à fatiguer un peu. Autour de nous, que ce soient les randonneurs que nous dépassions ou ceux qui nous doublaient, tout le monde avait l’air serein. Mince ! me dis-je, faudrait pas non plus que ce soit une promenade de santé ! Je veux souffrir un peu, moi ! J’aurais dû choisir un trail plus ardu !
Cependant, nous arrivâmes à la sixième station. Un coup d’œil vers le haut et le reste qu’il nous fallait encore accomplir : marrant comme ça paraissait moins ardu vu de loin ! Pas d’inquiétude toutefois sur le visage des autres marcheurs. Bon, l’ascension qu’il fallait maintenant commencer pour de bon ne devait pas si être difficile à torcher…
De la sixième station à la septième, 310 mètres d’ascension à vaincre. Et plus rien à voir avec la précédente étape, ça devenait subitement plus sérieux, d’autant que l’obscurité connaissant à poindre, il convenait, pour bien faire attention où l’on mettait les pieds dans ce sentier devenu plus raide et composé de grosses pierres, de sortir les lampes torches. Un peu ridicules, les lampes-torches, achetées 4€ à Leclerc avant de partir, mais enfin, comme on dit, elles faisaient le job, même si un coup d’œil sur les trekkeurs japonais mieux équipés que nous me fit comprendre l’utilité qu’il y avait à avoir une lumière que l’on pouvait fixer au niveau du front de manière à garder les mains libres. Parce que bon, éclairer ses propres pas tout en veillant à le faire avec ceux de Castor Joufflu occupé à tenir ses cannes, ce n’était pas non plus ce qu’il y avait de plus simple. D’ailleurs, alors que je me faisais ces puissantes réflexions, arriva le premier incident : mon pied dérapa sur une grosse pierre, je perdis l’équilibre et me vautrai bien à plat sur d’autres, me ripant au passage mon précieux genou droit fraîchement déménisqué et le coude du même côté.
Fort heureusement, presque pas de témoins aux alentours. Les Japonais veulent préserver leur trésor national, moi, j’ai surtout à cœur de préserver la dignité du lieu ainsi que la mienne, en évitant de fournir gratis une scène de comique burlesque à la Buster Keaton. Tout au plus un Japonais qui me doubla sans un mot, sans doute pris de pitié devant ce gaijin qui entreprenait l’ascension vêtu d’un simple short. Et de fait, mon genou non protégé arbora une bonne grosse éraflure un rien sanglante. Décidément, allais-je vraiment morfler comme Seiya durant l’arc des sanctuaires ? Je m’en relevai pas moins vaillamment, serrant les dents, le poing, les miches bref, tout, et m’empressai de revenir au niveau d’Olrik the 3rd qui n’avait rien vu.
Un mot ici sur notre apparence vestimentaire et sur celles des trekkeurs alentours. M’étant enquis quelques jours auparavant de la température qu’il ferait au sommet du mont Fuji au moment où nous y serions (environ dix degrés), je m’étais dit qu’un simple short ferait l’affaire. Du moins pour moi et Olrik jr. Olrik the 3rd avait mis un jean dans sa valise, il pourrait, lui, venir vêtu de son pantalon pour en couvrir ses frêles gambettes. Pour les chaussures, j’avais fait l’effort d’investir dans des pompes de marche pour éviter l’ascension en simples baskets. Après, bon, je me suis pas non plus ruiné dans l’achat : des chaussures premier prix chez Intersport, ça ferait bien l’affaire. Enfin, pour le haut, t-shirt et sweat-shirt, avec même la possibilité pour le plus frileux d’en enfiler un deuxième. Le luxe, quoi !
Du coup, je me dis que j’avais fait un minium correctement les choses. Un minimum, oui. J’allais cependant m’apercevoir que ce minimum allait être comme l’un de mes vêtements, c’est-à-dire un peu short (dans les situations compliquées, il convient toujours de calembouriser, ça allège l’esprit).
À suivre…