Hospitalité (歓待)
Koji Fukada (2010)
Mikio Kobayashi est un petit père tranquille : il gère une modeste imprimerie qui occupe le rez-de-chaussée de la maison familiale. Pas de quoi rouler en Cresta mais comme en plus il est marié à Natsuki, une bien aimable jeune personne, et que la cohabitation avec Seiko, sa soeur, se passe bien, il est vraiment heureux, satisfait de sa vie. Un jour, sa fille Eriko (qu’il a eue lors d’un premier mariage) s’aperçoit que le jolie oiseau qu’elle gardait dans sa cage s’est échappé. Elle et sa jeune belle-mère décide de vadrouiller dans le quartier pour placarder des flyers avec une photo du piaf et leurs coordonnées. Le message tombe sous les yeux d’un homme, Hanataro Kagawa, qui reconnaît l’adresse et le nom de celui qui y habite, Mikio n’étant autre que le fil d’un ami de son père. Il se présente, les deux hommes sympathisent et, comme Hanataro semble s’y connaître en imprimerie et que l’employé actuel de Mikio semble un peu malade, il est embauché… avant d’être autorisé à loger au premier étage.
Bonne surprise que ce Hospitalité, film de 2010 que l’on peut voir actuellement sur certains écrans en France. Inspiré d’Une Nuit à l’opéra des Marx Brothers, le film est une farce gentiment grinçante sur le rapport des Japonais à l’autre, comprenez autant le gaijin que le SDF. En apparence, le sourire des autochtone est là, accueillant, hospitalier, mais seulement si l’autre n’est que de passage. Que l’étranger prenne ses quartiers quelque part et rien ne va plus : les matrones du quartier vont créer moult pétitions et réunions pour le déraciner et faire en sorte qu’il s’implante dans des endroits où on ne risquera pas de le voir. Ainsi l’écran titre dans lequel on voit une cabane de fortune coincée entre un pont et deux fourrés :
L’originalité de Fukada est d’avoir su jouer en même temps sur une légère tension. On peut se sentir révolté par les gaupes qui pestent contre les étrangers, mais d’un autre côté, ce Hanataro Kagawa semble bien malin, bien fuyant, évoquant certains personnages dans ces films (Théorème, Visitor Q…) présentant un intrus s’immisçant dans une famille pour mieux la dynamiter de l’intérieur. L’impression devient plus nette lorsqu’il présente une jolie blonde d’origine bosniaque, Annabelle, comme étant sa femme. Dorénavant, elle logera sous le même toit et accompagnera de ses cris humides les nuits plus mornes entre Mikio et Natsuki, n’hésitant pas non plus à se montrer seins nus au balcon, chose peu envisageable au Japon :
D’ailleurs, on peut dire qu’il y a autant de monde au balcon que personne.
C’est que peu à peu, le mode de vie du couple Hanataro / Annabelle agit comme un révélateur de la tristesse du couple Mikio / Natsuki. Et il ne tient qu’à Mikio d’être contaminé par une sorte d’acception de l’autre qui fait fi de la retenue corsetté du Japonais de base et qu’incarne fort bien la sage Natsuki et qui ne s’aperçoit combien elle n’est après tout pas si différente du piaf dans sa cage. Avec Hanataro, la cage de la maison va être peu à peu envahie d’autres oiseaux issus de flux migratoires difficilement contrôlée par la police et la maison ne va pas tarder à devenir une gigantesque auberge de jeunesse.
« C’est pour bientôt », dit mystérieusement Hanataro à Annabelle, laissant supposer qu’un « grand remplacement » va se produire et que Mikio et sa petite famille vont bientôt être mis à la porte de leur propre maison. Sans révéler la fin, disons que le plan imaginé par le barbu est autre et que la film s’achèvera dans une folie douce empreinte de mélancolie, la japanese way of life n’étant pas sans apparaître comme un gigantesque encagement trop mesuré pour pleinement vivre.
https://www.youtube.com/watch?v=4UvhcbMKpB0
ce n’est pas mon Fukada préféré mais Hospitalité est plus que plaisant, drôle et comme tu l’as dit assez grinçant. Une bonne partie du final est franchement délirante, j’ai bien ri, jaune parfois…
L’influence Marx Brothers apparaît dans ce côté délirant plutôt sympathique.
Apparemment, l’actrice Bryerly Long, qui joue Annabelle, apparaît aussi dans un autre film de Fukada, Sayonara, que je n’ai toujours pas vu. J’essaierai de mettre la main dessus prochainement (le film, pas Bryerly).
Tu as vu « Au revoir l’été » ? Fumi Nikaidô dans un joli film rohmérien, je conseille (idéal en cette saison en plus).
Eh non ! Et pourtant je crois que ça fait des années que je le mets dans un coin de ma tête pour le voir. Mais je pense que l’été 2021 pour y remédier enfin sera le bon. J’aime Rohmer, j’aime Fukada, quant à Fumi chan… voilà quoi !
Ah d’ailleurs, en parlant de Fumi, l’adaptation de « Barbara » par Tezuka Jr sort en BR uk incessamment sous peu.
J’avais commencé à le voir, mais sans sous-titres (c’était un peu chaud). Du coup bonne nouvelle, je vais attendre un peu. Le premier quart d’heure vu m’a laissé une bonne impression.