Village of Doom (Noboru Tanaka – 1983)

village of doomTsugio Inumaru, jeune homme bien sous tous rapports, lettré, intelligent, gentil, vivant encore chez sa mémé bref, un gars bien, est malgré tout cela un peu énervé car un souci de santé ne lui permet pas d’exaucer son plus cher désir : s’enrôler pour aller casser du soldat américain. Heureusement, il a toujours la possibilité d’aller se consoler entre les jambes de certaines villageoises qui en pincent pour lui, alors que leurs maris sont en train de suer sang et eau sur le front. Mais tout bascule lorsqu’il apprend que sa maladie est la tuberculose. Tout à coup ostracisé, il médite sa vengeance…

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丑三つの村 (Ushimitsu no Mura aka Village of Doom)

Wow ! C’est ce que je me suis dit à la fin du film tant j’avais l’impression de m’être maté un petite perle de cette première moitié des 80’s. Et pourtant, en sachant que l’homme derrière la caméra n’était autre que Noboru Tanaka, il y avait de quoi se méfier. Attention ! J’aime Tanaka mais voilà, filer un projet de film sérieux à un maître du roman porno, il y a le risque que tout soit prétexte à montrer de la gueuse dénudée et avec quelque chose entre les jambes toutes les cinq minutes. Bon, on va pas vous mentir, et l’affiche ci-dessus est là pour le montrer clairement, dans ce petit village, il fait parfois chaud…

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Très chaud même, ventilons-nous un peu.

C’est que, pour reprendre l’expression de Shari Eubank dans Supervixens, ces jeunes hommes grands et maigres, ils sont tout en queue. Et de fait, Tsugio semble le confirmer…

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Skinny boy en action.

… offrant aux regards du spectateur un accès aux coulisses du village où nombre de villageoises semblent avoir le feu au derrière et apprécier les qualités de Tsugio.

Mais voilà, la température baisse subitement à la moitié du film lorsque l’on apprend que Tsugio a choppé la tuberculose. Les kimonos, autrefois complaisamment entrouverts, se referment subitement et Tsugio n’a plus qu’à ronger son frein. Ironie de l’histoire, il y a bien une jeune fille qui semble vraiment l’aimer (et ce sentiment semble partagé) :

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Yasuyo Akagi, jouée par la divine Misako Tanaka, qui fera un geste totalement WTF dans sa salle de bain pour lui montrer son amour.

… mais comment consommer cet amour sachant que ce serait courir le risque de lui refiler son mal ? C’est toute la douloureuse question.

Bref ça va mal pour Tsugio et le jeune homme ne tarde pas à tombé dans une spirale schizophrénique. On songe ici à un Travis Binckle (Taxi Driver) et son don du bricolage pour être efficace lorsqu’il s’agira de faire le coup de poing. Tsugio n’oubliera aucun détail pour aller causer du mal à son prochain lorsque la nuit sera venue :

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Go-go- gadgeto-lampes !

On songe aussi à David Summer, le personage de Dustin Hoffman dans Straw Dogs, devant utiliser froidement toutes les ressources de son intelligence pour contrer les violents cul-terreux locaux. Cette intelligence, cette froideur et cette implacabilité (on ne cesse de présenter Tsugio comme un petit génie des études –mais difficile de savoir ce qu’il en est vraiment), on les sentira lorsqu’il se tiendra devant une carte de village avec indiqués dessus les noms de ses proies ou lorsqu’il commencera à faire le détail de ses armes.

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À ce moment du film, on se dit que ça va mal se finir, cette histoire.

Enfin on pense à tous ces personnes de jeunes sans histoires en apparence mais qui un beau jour vont nous faire une Colombine. Ici impossible de ne pas évoque le Panic in High School (1976) de Sogo Ishii dans lequel un lycéen nous pète un câble (et même plusieurs à la réflexion) et commet un massacre dans son établissement. Sans doute n’est-il pas illogique de voir ce type de film (appartenant à ce que l’on pourrait appeler le « film de massacre », dernier en date : Lessons of the Devil de Takashi Miike), surtout à une époque de boom économique. Les gens sont heureux, l’argent dégueule de partout, tout va splendidement bien.

Oui, mais c’est justement parce que tout va bien que ça peut aller bien mal chez ceux qui s’isolent et couvent quelque chose. Tsugio, malgré ses airs d’étudiant modèle, c’est le mec qui a de la virilité à revendre. Fasciné lors de la scène inaugurale par le départ pour le front d’un villageois qui va forcément revenir auréolé d’un statut de héros, il se voit donc  rejeté par l’armée.

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Le mec qui arrive et celui qui échoue.

Tournant alors sa virilité en direction des femmes, il est donc rejeté à cause de sa maladie : ça couve, la pression monte. Et ce n’est pas fini : il y a son ami Tetsuo  qui lui emprunte continuellement du fric pour aller se payer des putes (il peut, lui !) et lorsqu’il assistera à un crime causé par une milice formé par les hommes du village, il les accusera d’abord auprès de la police mais finira par s’écraser piteusement lorsque ceux-ci le foudroieront du regard en présence du policier, avant de tourner en dérision ce jeune godelureau qui invente des histoires pour se montrer intéressant.

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BWAHAHAHA ! LA TEHON !

La scène suivante sera cruelle : on verra Tsugio dans les bras de sa mémé en train de lui récurer le cérumen des oreilles.

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Matez-moi le warrior !

Désir d’être un adulte guerrier, de l’autre régression infantile, l’opposition apparaît d’ailleurs aussi à travers le motif du lait, avec une petite chèvre ainsi qu’une…

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petite bijin (indécrottable Noboru Tanaka) !

Il faut ici souligner le choix judicieux de Tanaka concernant son acteur principal. Masato Furuoya et son grand corps tuberculeux font merveille. Il s’en dégage à la fois une impression de force et de fragilité. Et pris symboliquement, cette silhouette longiline et raide n’est pas sans avoir des allures de braquemar ou de fusil ambulants.

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Silhouette en tout cas comme un peu perdue au milieu des paysages vallonnés du film.

Bref la virilité enfin, la violence va jaillir et cela ne va pas être beau à voir. La catharsis radicale et définitive va bientôt avoir lieu. Il commence par acheter un fusil, puis deux, puis un fusil à pompe, pas de doute ça va chier pour les hommes qui se sont moqués de lui et les femmes qui ont bassement arrêté de tortiller du cul pour lui.

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Allez, limitons-nous à un seul screenshot pour cette scène. Je vous dis juste ceci : attendez-vous à être médusé devant votre TV.

Comme toujours on peut trouver ce genre de scène aussi longue que puérile (j’avoue avoir eu ce genre de sentiment devant Lessons of the Devil), reste que dans ce contexte militaro-historique, avec tous ces drapeaux du soleil levant et ces banzaï ! patriotiques, elle fait sens pour témoigner d’une schizophrénie guerrière.

Et franchement, rien que pour la pléthore de bijins (encore une fois, Misato Tanaka, miaou !) et la performance de Masato Furuoya (qui connaîtra d’ailleurs, hélas ! le même sort que son personnage), le visionnage de ce qui m’a l’air d’un film relativement méconnu vaut le détour.

7/10

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2 Commentaires

  1. Je garde de bons souvenirs de ce film, son traitement, l’histoire de ce gus qui se rêve en héros de la nation avant de déchanté. Il m’avait mis une p’tite claque, notamment le pétage de plomb à la fin. Bonne pioche.

    (Décidément, ’83 au Japon…)

  2. (Décidément, ’83 au Japon…)
    En fait c’est notre petite discussion sur l’année 83 qui m’a amené à découvrir cette perle (que je ne connaissais pas, je l’avoue en toute humilité).

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