Drive (Sabu – 2002)

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Sabu… comme pour Kitano, c’est médusé que je me suis aperçu que pas un seul de ses films n’apparaissait sur ce site. Moins grave sans doute compte tenu de la plus grande importance internationale du père Kitano. Mais si l’on prend en compte le plaisir qu’a pu vous procurer la découverte d’un cinéaste à une époque où l’on avait la chance d’admirer dans les salles les œuvres d’un Kitano, d’un Kurosawa, d’un Ishii ou d’un Aoyama, tout cela laisse bien à désirer. Car alors que depuis j’ai vu des tombereaux de films japonais qui ne m’ont laissé aucun souvenirs, je m’aperçois que son Postman Blues a laissé une trace bien réelle, lui. Postman Blues et son personnage de facteur ancré dans un univers totalement ennuyeux, routinier, et qui va voir sa vie s’affoler, basculer dans une douce dinguerie à partir d’une improbable rencontre. Simple mais par les choix d’acteurs et le savoir faire narratif de Sabu, absolument irrésistible. Et il en va de même pour ce Drive réalisé 5 ans plus tard et aussi interprété par l’excellent Shinichi Tatsumi.

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 Ryuichi Sawaki est un salary man régulièrement ennuyé par de violentes migraines ayant pour origine une enfance malheureuse : ses deux parents se sont suicidés et il a dû vivre (et continue encore) chez une horrible tante qui voit en lui un psychopathe en puissance. Un jour, alors qu’il est dans sa voiture à attendre que le feu passe au vert, il aperçoit une jolie femme avec un parapluie rouge. Ils échangent un regard. Lui qui est habituellement maniaque pour ce qui concerne le respect du coude de la route, il en oublie justement la route et le feu qui passe au vert, perdant quelques secondes qui vont lui être fatales : trois hommes cagoulés s’engouffrent dans sa voiture et lui ordonnent de foncer. Il s’agit de trois malfaiteurs qui viennent de commettre un hold up…

On pourrait croire alors que le film va suivre une trajectoire ponctuée de scène de violence ou de courses-poursuites. Mais ce serait sans compter de l’esthétique de Sabu qui se moque bien de ce genre de choses (ou alors pour en faire quelque chose de plus surréaliste, comme dans Postman Blues) et qui préfère s’attarder sur ces personnages. Car, qu’il s’agisse du héros :

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Joué par Shinichi Tatsumi, toujours impeccable pour les rôles de petits employés sans histoires. Une gueule de robot impassible mais d’où jaillissent parfois des bribes de sentiments qui le rendent extrêmement touchant.

des trois malfaiteurs :

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Joués par Masanobu Andô, Ren Osugi et Susumu Terajima (les habitués de Kitano n’auront pas l’impression d’être en terrain inconnu). Trois malfaiteurs ou plutôt trois hommes dans la foule aussi paumés que notre salary man et qui n’ont rien trouvé de mieux que de braquer une banque pour sortir de l’impasse.

du quatrième larron qui les a trahi :

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C’est en effet lui qui a raflé le sac contenant les millions de yens et qui s’apprête à se barrer avec une casse garée sur un terrain vague. Malheureusement, le type fait alors tomber ses clés dans un trou. En y enfonçant le bras pour tenter de les récupérer, il s’apercevra alors qu’il est totalement coincé.

ou encore la jolie fille au parapluie :

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Mais ici n’en disons pas plus, qu’elle garde tout son mystère. Disons juste qu’il est toujours bien sympatoche de retrouver la petite mine mutine de Kô Shibasaki.

…  impossible de ne pas les aimer, ces personnages de ratés enfoncés dans leur quotidien et qui vont essayer, l’un après l’autre, de s’en extraire pour essayer de donner une nouvelle impulsion à leur existence.

Par son titre, Drive pourrait donc évoquer un film d’action, mais il n’en est rien. Ce serait plutôt un road movie, avec ses rencontres qui vont dévoiler et faire évoluer les différents protagonistes. Et là où le film est à mes yeux franchement réussi est dans l’incongruité de ces scènes dans lesquelles la réalité brute du quotidien le plus plat se heurte à la folie. Dès le début d’ailleurs, lorsque les malfaiteurs demandent au héros de foncer alors qu’ils ont affaire à un maniaque du code de la route réellement incapable de commettre la moindre infraction. Ou alors quand les quatre hommes se trouvent au restaurant et se voient alpagués par un complice qui menace de tout dévoiler à des flics se trouvant en face de l’établissement s’ils ne donnent pas une part (très) généreuse. Pour vous laisser la surprise de ce qu’il se passe, disons juste qu’un verre de vin rouge renversé par un migraineux peut être une arme redoutable :

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Mais le pompon sans doute au personnage de Susumu Terajima qui tombe sur des punks et va se retrouver embringué dans un concert :

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Durant cinq minutes il va hurler dans son micro, insulter la foule, traiter son jeune public de branleurs décadents, de honte incapable de se sortir les doigts… et être couverts d’applaudissements. Il sera le premier à quitter la fine équipe en décidant d’intégrer le groupe :

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Fuck yeah !

Et le film continuera ainsi, l’un après l’autre les malfrats se dévoileront, sauront se rendre touchants et trouveront une voie qui leur permettra d’assouvir une migraine pas médicale mais existentielle. A la fin il ne restera plus que notre salary man qui aura vécu le temps d’une journée une expérience aussi hallucinante que régénératrice. Au petit matin, alors qu’il se retrouvera possesseur du sac bourré de biftons, il ne lui restera plus qu’une chose à faire. Une action toute simple mais qui sera la bonne car à nouveau première étape d’un jeu de dominos qui lui sera sans doute bienfaisant. Chez Sabu, toujours difficile de départager entre le hasard et l’impact des actions personnelles. On est parfois en présence d’une main invisible et malicieuse, prenant un malin plaisir à jouer avec figurines humaines aussi mal foutues qu’attachantes. C’est finalement tout le cinéma de Sabu dont la filmo constitue finalement, à bien des égards, une alternative intéressante à celle de Kitano. Dans les deux cas les personnages sont des « malades » en quête de lumière. Seuls les moyens et le dénouement sont différents.

Article relativement court aujourd’hui car j’ai fort à faire. Je dois en effet sélectionner cette après-midi une bijin qui sera ma masseuse officielle. Amies lectrices, venez nombreuses, croyez bien que vos doigts de fées sauront trouver une juste rétribution :

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