Leiji Matsumoto et Naoki Urasawa sur France Cul

Cela faisait longtemps que l’émission Mauvais Genres n’avait pas consacré un numéro aux mangas. Peut-être trop longtemps car l’émission de samedi dernier m’a paru finalement assez peu intéressante, bien moins en tout cas que d’autres consacrées à des thèmes et éclairées par Jean-Marie Bouissou. Après, comme on n’a pas non plus tous les jours l’occasion d’entendre le père d’Harlock (invité d’honneur à Angoulême cette année) et celui de Monster sur nos ondes, c’est toujours bon à prendre.

Reste que les interviews (on n’ose pas appeler cela des entretiens) sont bien courtes, trop courtes pour prétendre à donner une bonne idée des deux bonhommes et de leurs oeuvres. Et puis, il y a Urasawa. Systématiquement maintenant, on lui accole les adjectifs de « grand », « surdoué » ou même « mythique ». Une sorte de nouveau Tezuka dont il faudrait bien qu’on m’explique un jour ce qu’il a fait pour prétendre à cette comparaison dithyrambique  Je vous le dis tout de suite, ce n’est pas dans cette émission qu’on l’apprendra. Une fois n’est pas coutume, on y apprendra en revanche que le sieur est un guitareux qui aime de plus en plus à pousser la chansonnette. On est bien content de l’apprendre mais ce n’est pas ce qui m’aider à apprécier son oeuvre. Quant à l’évocation de T-Rex dans 20th Century Boys, ça me fait le même effet que ces romanciers japonais qui distillent dans leurs oeuvres des références américaines et européennes. Ça fait stylé, mais pour ce qui est de faire sens, c’est une autre histoire.

Ce qui m’énerve chez Urasawa, c’est qu’il a tout du mangaka installé qui maintenant va s’appliquer à utiliser ad nauseam les mêmes recettes qui ont fait ses succès (et le pire c’est que ça marche !). Ce qui rend la comparaison caduque avec Tezuka puisque chez ce dernier on avait au moins une grande variété dans la palette graphique, variété qui pouvait aller d’un certain réalisme à un trait naïf qui parfois fleurait bon le foutage de gueule. Et je ne parle pas des variétés de tons et des thèmes. On arguera puisque de toute façon il était le grand Tezuka, il pouvait se permettre des prises de risques avec des mangas bien hasardeux mais enfin, puisque Urazawa est, à ce qu’il paraît, « grand » et qu’il amassé une fortune considérable, on aimerait bien le voir ajouter plusieurs nouvelles cordes à son arc, si tant qu’il en soit capable. Mais je crains bien qu’il ne le soit pas et qu’il nous condamne la même soupe faussement originale.

Ça n’est pas du tout marqué par ce que peut avoir par moment de déplaisant et systématique et mécanique les codes graphiques du manga.

Dixit François Angelier dans l’émission. On va pas trop le chercher en lui demandant à quels « codes graphiques » il pense mais on va plutôt répondre en soulignant qu’en matière de traits « systématiques » et « mécaniques », Urasawa se pose là.  C’est bien dessiné, pour sûr ! mais sans surprise, sans le plaisir de constater une réelle évolution dans le style, une volonté d’essayer de faire quelque chose d’autre. Remarquez, c’est le cas de beaucoup de mangakas, mais ce qui me gêne chez Urasawa c’est que cela va de pair avec des ficelles narratives qui semblent elles aussi être les mêmes d’un manga à l’autre. Loin d’être le génie du neuvième art chanté aux quatre coins du monde, je vois plutôt en Urasawa un petit malin qui a habilement su jouer sur le tableau du Shonen et du manga destiné à un public plus adulte. On peut y voir des choses profondes dans son oeuvre, je n’y vois pour ma part que des choses qui ont l’apparence de la profondeur et qui peinent à mener à bon port une intrigue souvent passionnante au début, mais au fil des pages aussi navrante que le soufflé de Gaston.

Bon, il faut ici que j’avoue quelque chose : je pardonne difficilement à Urasawa de m’avoir fait raquer les 18 tomes de Monster pour une fin aussi merdique !

Parfait pour les jeunots ou les vieux novices qui veulent s’encanailler en lisant des mangas « originaux » et « intelligents » mais, pour ma part, je préfère encore lire un shonen comme One Piece. Systématique et mécanique comme une recette mille fois éprouvée mais j’y trouve parfois une fantaisie et un goût de l’aventure qui me renvoient délicieusement au temps de mes premières lectures. Ou comme Harlock tiens ! J’avais beau être plus Goldorak qu’Albator, j’ai toujours eu l’impression que Matsumoto, comme Go Nagai, faisait partie de ces auteurs hors normes qui ont su apporter une pierre bien massive à l’édifice du manga. Pour Urasawa, j’ai plutôt l’impression pour le moment d’une pierre en chocolat. Auteur à suivre quand même, qui sait ?

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3 Commentaires

  1. J’adore « Monster ». J’ai beaucoup aimé « Pluto ». Mais après cinq volumes de l’atroce « Billy Bat », je suis bien obligé de reconnaître que je suis d’accord : Urusawa est « installé » et se recycle inlassablement (les personnages ont tous la même tête d’un manga à un autre). Pire : il n’a plus les moyens de ses ambitions…

  2. Bon, tu me rassures, je commençais à me demander si j’étais pas le seul à avoir des réserves sur Urasawa. Partout ce n’est que courbettes et union sacrée devant un mec talentueux mais sûrement pas génial.
    Perso je l’ai découvert à l’époque où Monster sortait en France (mine de rien ça doit faire une petite dizaine d’années maintenant). J’avais adoré… jusqu’au 13ème tome environ où j’ai commencé à sentir le manga qui naviguait à vue et qui ne savait pas trop comment se terminer. Ça n’a pas raté.
    Et ta remarque sur les visages confirme mes réserves sur le graphisme : on dirait que le gus a un stock de visages et d’expressions qu’il va copier-coller d’un manga à l’autre. Je sais que c’est stupide de dire ça car on pourrait faire la même remarque à d’autres dessinateurs, mais je crois que c’est le seul qui me donne cette impression d’une manière aussi forte.

    Dans un autre style, I am a Hero, évoqué dans l’émission, est effectivement pas mal du tout.

  3. Je vais tenter le coup, parce que niveau manga je ne sais plus trop quoi tenter…

    Les rares que je lis encore ont une parution leeeeeeeeeeente (Gunnm et MPD Psycho).

    Et oui, effectivement Urusawa ne sait jamais conclure un manga de manière convenable. Les fins de 20th Century Boys et Monster sont de bons exemples…

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