M/OTHER (Nobuhiro Suwa – 1999)

 

Aki est une jeune femme à la vie a priori réussie. Elle a un travail qui lui convient et sa relation avec Tetsuro, patron de plusieurs restaurants et homme récemment divorcé, semble fonctionner.

Tetsuro, homme d’affaires qui semble ne pas savoir quoi faire de ses restaurants

Elle profite ainsi de la belle maison de son ami et leurs emplois du temps qui ne coïncident pas toujours lui laisse finalement un espace de liberté.

Petite discussion matinale avant d’aller au boulot : vive la déconne !

Mais tout change avec l’arrivée de Shun, le jeune garçon de Tetsuro, qui vient de subir un accident de voiture avec sa mère. Pendant que cette dernière termine son séjour à l’hôpital, Tetsuro n’ a d’autre choix que de prendre son fils avec lui pour un mois, quitte à bouleverser le train-train de sa vie professionnelle et relationnelle.

Dès cet instant, le spectateur assiste à un équilibre mis en péril. D’abord interloquée devant le fait que son ami ait amené Shun sans lui demander son avis, Aki va peu à peu essayer de nouer une relation avec le jeune garçon et se projeter sur son avenir.

1ère apparition de Shun : des restes de gribouillages sur une porte. L’existence de Shun est alors le cadet des soucis d’Aki.

Plus tard : confidences amicales entre la « M/OTHER » et Shun.

D’où cet étrange titre : M/OTHER : Aki va être à la fois une sorte de mère de substitution tout en étant une « autre ». Cet entre-deux va s’avérer délicat à négocier. D’un côté Aki se trouve face à la tentation de la maternité et montreplutôt d’assez bonnes dispositions dans ce domaine. Mais de l’autre, il y a comme une réticence à se livrer totalement pour un enfant qui n’est pas le sien. Et lorsqu’en plus s’accompagne d’une accaparation de son temps au détriment de sa vie professionnel, cela débouche sur une crise de larmes. Et l’on peut alors se demander si cet « OTHER » ne serait pas cet autre choix que les jeunes femmes japonaises sont de plus en plus disposées à suivre : celle d’un célibat heureux, fait d’une vie professionnelle choisie et épanouissante, de relations à court terme et de loisirs.

At work

Reste que les loisirs d’Aki ne sautent pas vraiment aux yeux. Lorsqu’elle va prendre un verre dans un bar, elle est toute seule.

Le keitai, toujours là dans les moments de solitude

Elle a bien une amie mais celle-ci lui montre une image d’épouse et de mère modèle dont elle ne sait pas si elle est séduisante ou repoussante.

Figure imposée de la vie de mère :le goûter d’anniversaire

Durant 2H20 donc, on assiste à la quête d’une jeune femme qui se cherche, qui va tenter de s’accorder à la fois au sein de cette famille à trois mais aussi au plus profond d’elle-même. En évoquant cette notion d’ « accordement », il ne faut pasque je passe à côté de ces notes de cordes qui ponctuent le film, notes d’abord particulièrement stridentes, désagréables, mais qui au fur et à mesure, dans devenir pour autant harmonieuses, semblent tant bien que mal avoir trouvé un équilibre. Après une magistrale scène de ménage (il faut ici souligner le fait que le film fonctionne dans une large mesure avec des plans séquences, plans dans lesquels les deux acteurs principaux, Tomokazu Miura et Makiko Watanabe, sont souvent époustouflants), Aki est mise au pied du mur.

À un moment, on croit qu’elle va opter pour une vie libérée de toute contrainte.Mais à travers un plan où on la voit, simple coquille vide, étendue au sol d’un  appartement vide lui aussi, dépouillé de tout exemple de consommation (chose étonnante pour une Japonaise, croyez-en ma vieille expérience), le spectateur comprend que cela ne va pas durer.

Bon, qu’est-ce que je fais maintenant ?

De fait, le plan final nous la montre dans le luxueux salon de la maison de Tetsuro. La crise a apparemment servi à l’aider dans son choix. Elle a choisi : une vie assistée, rempli de beaux objets, vie qu’elle peut contempler affalée dans un fauteuil. Assurément une fin grinçante… comme le soulignent les cordes, revenant à la charge une ultime fois, mais cette fois-ci plus désaccordés que jamais. La recherche d’équilibre semble à la fin passer le témoin à un autre thème, l’apparence du bonheur.

Bon, qu’est-ce que je fais maintenant ?

M/OTHER déplaira assurément à tous les réfractaires aux films asiatiques lents et aux plans séquences qui apporte une information toutes les dix minutes. Mais ceux qui aiment se plonger dans un quotidien japonais à la fois malade et contemplatif, dites-vous bien que c’est du tout bon !

Film dispo en DVD chez Arte Video.

 

 

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