Le Alain Gillot-Pétré de l’Apocalypse climatique

La famille Osugi est une famille intéressante. Tandis que le père croit qu’il est un extraterrestre venant de Mars, la mère pense qu’elle est une Jupitérienne tandis que leurs deux enfants, Kazuo et Akiko, sont persuadés qu’ils sont respectivement un Mercurien et une Vénusienne. On est cependant priés de ne pas rire car ces personnages gentiment tarés s’imaginent qu’ils ont une mission : sauver la Terre. Et en ce début de XXIème siècle il y a fort à faire, surtout d’un point de vue écologique. C’est ainsi que le père, Monsieur météo sur une chaîne, va user de son temps d’antenne pour faire prendre conscience aux spectateurs de la situation d’urgence liée au réchauffement climatique…

Avant de parler du film, hommage. Oui, hommage à cet homme dont le nom figure dans le titre de cet article :

Alain Gillot-Pétré, grâce te soit rendue pour la fantaisie avec laquelle tu présentais chacun de tes bulletins météo, coincé entre la playmate du vendredi soir chez Collaro et le journal de Mourousi (lui aussi, un grand parmi les grands !). Je tenais à le dire. Maintenant venons-en au film du jour.

Utsukushii Hoshi
美しい星
Daihachi Yoshida – 2017

Très jolie comédie dramatique que ce Utsukushii Hoshi. On n’en attendait pas moins d’un film dans lequel joue Lily Franky, toujours très à l’aise pour associer une touche dramatique à un registre bouffon. Et cette capacité à associer les deux fait merveille dans ses courts instants de shows télévisuels durant lesquels il joue au sonneur d’alerte. Ce qui est frappant dans ces moments (et d’ailleurs cela vaut pour l’ensemble du film), c’est de voir combien ce genre de discours peut être pris pour un pensum tout déglingué émanant d’un emmerdeur forcément perçu comme un bouffon. J’ignore quelle perception ont les Japonais de la situation écologique dans laquelle se trouve le monde, mais il y a fort à parier qu’une certaine apathie inconsciente ou fataliste prédomine. Ainsi, quand la caméra nous montre l’intérieur d’un petit restaurant dans lequel on voit à travers un poste de TV Osugi faire son show, on voit combien les clients s’en foutent royalement. Et quand Osugi sort de son rôle de simple présentateur de la météo pour aller interpeller en direct une huile politique, le discours convenu que ce dernier lui rétorque montre assez bien combien les choses ont peu de chances d’évoluer.

Circonstance aggravante, il conclut chacun de ses discours par un geste mystérieux très « Hard Gay style ».

A tel point que finalement la seule chance de nous en sortir (et c’est ce qui est terrifiant), est de croire en cette appartenance des membres de la famille Osugi à un comité extra-terrestre du système solaire surveillant nos activités pour nous sauver. Autant dire que ce n’est pas gagné, même si le film joue habilement tout le long de sa durée pour essayer de nous faire douter : et si ce guignol de la météo était effectivement un martien ? Et si cette femme au foyer naïve (elle se fait escroquer en achetant des tonnes de bouteilles d’eau supposées écologiquement pures. Là aussi le discours se veut grinçant avec cette récupération de l’écologie dans un but mercantile) était vraiment jupitérienne ? L’autre cas intéressant est celui d’Akiko, tombée sous le charme d’un jeune musicien qui lui révèle sa nature de vénusienne et qui la fait tomber enceinte. La vraie nature de ce musicien sera révélée à la fin du film, mais la scène durant laquelle elle voit deux étranges points lumineux virevolter dans le ciel, même si elle peut avoir une explication rationnelle, laissera une trace dans l’esprit du spectateur qui jusqu’au bout attendra une résolution de type science-fiction.

Film ambigu, film à la fois léger et grinçant, A Beautiful Star rejoint des films comme Sayonara (de Koji Fukada) ou ceux de Kiyoshi Kurosawa (ses deux derniers mais pas seulement) dans lesquels la représentation du monde est pré-apocalyptique. Dans le cas du film de Yoshida (dont il va falloir que j’explore un peu plus la filmographie, cette première incursion m’ayant convaincu), cette représentation m’a fait penser à un moment à Koyaanisqatsi, de Godfrey Reggio. Alors qu’il s’enfuit de l’hôpital en compagnie de sa famille, Osugi regarde par le fenêtre de sa voiture l’animation colorée d’un Shinjuku tout à son activité consumériste insouciante, laissant tomber un « c’est magnifique après tout ». C’est cette association entre une situation terrifiante et une fascination pour une société extrême en tout qui a pu m’y faire penser. A Beautifu Star s’abstiendra cependant à la fin de fournir au spectateur un message appuyé pour la prise de conscience. Ce sera à lui de tirer son propre enseignement de tout ce qu’il a vu. Il pourra réfléchir par exemples aux discours alarmistes d’Osugi. Ou bien éteindre son téléviseur pour aller à Shinjuku s’offrir quelques plaisirs. Après tout, un film avec Lily Franky, ça ne peut pas être bien sérieux…

8/10

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