Tora-san 23
C’est dur d’être un homme : Tora-san ange gardien (男はつらいよ 翔んでる寅次郎)
Yoji Yamada – 1979
Déjà 23 opus, encore deux coups de rame pour arriver à la moitié de la saga qui, pour le moment, ne m’a pas procuré la moindre déception (que des épisodes aient pu paraître inférieurs à d’autres, oui, mais que j’aie pu avoir l’impression d’avoir perdu mon temps à la fin de leur visionnage, en aucune façon). Pourtant, le début pataud de cet épisode, avec la séquence du rêve inaugurale dans lequel on se retrouve cette fois-ci avec Tora en savant fou, m’est apparu besogneux et franchement pas très drôle. Mais comme pour chaque épisode il faut attendre la fin du générique pour que le film commence réellement, je n’ai pas tardé à comprendre qu’on se trouvait, one more time, devant un excellent cru.
L’intérêt vient ici de la madone et de la place qu’elle occupe dans la narration. Habituellement, il faut souvent attendre une bonne moitié avant que ne commence pour de bon l’histoire avec ce type de personnage. Là, elle arrive dès le premier tiers, avec une recontre à Hokkaido pour le moins inhabituelle. Pensez ! Tora la sauve rien moins que d’une tentative de viol ! Bon, on n’est pas non plus dans un film de Hasebe, donc ça va, Yamada a vite fait de transformer la tentative en pantalonnade (plus précisément en histoire de pantalon et de braguette récalcitrants) mais quand même, voir un gus se débraguetter dans une voiture avec une bijin à côté de lui, c’est une scène visuelle qui dénote dans la saga.
Mais le plus important vient de la personnalité de la madone. Riche fille à papa devant se marier dans un luxueux complexe avec un jeune homme qui semble sincèrement l’aimer, elle se met à paniquer et à laisser en plan tout le monde pour se réfugier chez la famille Kuruma. Evidemment, quand il la verra rappliquer, Tora se dira qu’il a peut-être une carte à jouer avec cette fille. Le spectateur n’y croira cependant pas trop (ou plutôt encore moins que d’habitude), puisque dans le même temps, le jeune homme qui devait se marier et qui a subi l’humiliation d’être abandonné, revient à la charge pour essayer de renouer avec sa belle.
Il ne fait aucun doute pour le spectateur qu’il y parviendra, ce qui atténuera la portée du traditionnel moment déceptif à la fin. Déçu, Tora le sera, mais cette fois-ci, il n’aura pas l’occasion de faire sa valise pour noyer son chagrin ailleurs puisqu’il a promis d’être le témoin des deux amoureux. Du coup, le film s’achèvera sur un mariage dans la pure lignée de celui entre Sakura et Hiroshi dans le premier opus, scène touchante, mémorable, et il n’en ira pas autrement avec celle-ci. C’est ce qui permet au film de se démarquer des autres. Si les éternelles recettes narratives sont agréables à retrouver, j’apprécie davantage quand Yamada ménage des surrises, surprises soutenues par un casting comme toujours irréprochable. Ici, le duo Kaori Momoi / Akira Fuse dans le rôle des jeunes mariés fait mouche, à tel point que Tora semble en comparaison apparaître dans un mode mineur. Enfin, à cela s’ajoute un discours touchant sur ce que constitue le bonheur pour une femme issue d’un milieu aisée et ne se reconnaissant pas dans une cérémonie de mariage angoissante pour elle car lui niant sa liberté. Le jeune homme ne sera d’ailleurs pas en reste, il quittera la voie tracé par son père pour aller se faire modeste employé dans un garage et vivre dans un taudis où il pourra déguster le soir de simples Cup Noodle (de mémoire, je crois qu’on voyait le poulpe en manger aussi dans un épisode).
Bref, vraiment un excellent épisode. Mais j’attends de pied ferme le prochain où doit apparaître un certain… Michael Jordan !
8/10