Tora san 22
C’est dur d’être un homme : Elle court, elle court la rumeur (男はつらいよ 噂の寅次郎)
Yoji Yamada – 1978
Après plus de vingt épisodes visionnés, je m’aperçois que l’élément du cahier des charges qui parvient le moins à se renouveler concerne le générique. S’il est toujours agréable d’entendre la voix de Kiyoshi Atsumi chantonner l’hymne de la saga afin de mettre le spectateur dans de bonnes dispositions, voir Torajirô se promener le long de l’Edogawa et provoquer invariablement une maladresse qui va dégénérer, ça fait longtemps que ça ne me décroche plus le moindre souvenir.
C’est de nouveau le cas ici, mais je le signale juste histoire de trouver un défaut à cet épisode qui m’a bien plus séduit que le précédent. En fait, on peut dire qu’il s’agit d’un épisode complet, très intéressant à suivre. Comme d’habitude, le film est scindé en deux parties, la deuxième étant consacrée à l’arrivée de la madone. Il s’agira ici de Sanae Arakawa, jouée par Reiko Ôhara. La pureté de son physique alliée à la douceur de sa voix en font un personnage immédiatement sympathique et attachant. A cela s’ajoute qu’à travers elle, Yamada exploite une thématique pas encore utilisée (du moins il me semble) dans sa saga, à savoir celle du divorce. Comme le titre évoque les potins, cette thématique est souvent évoquée lors de dialogues, dialogues où le poulpe fait comme à son habitude preuve de balourdise, mais une balourdise qui en dit long sur le poids et la difficulté à gérer cette épreuve pour les femmes au sein de la société japonaise.
À côté de Reiko Ôhara, immense plaisir que de retrouver Takashi Shimura dans le rôle du père de Hiroshi, le professeur Suwa. Ici, le choix de l’automne pour accompagner l’histoire est pertinent. Le vieux professeur a déjà un bon pied dans l’hiver de sa vie, à l’image finalement de son acteur qui n’a plus que quelques années à vivre. Dans cette saga s’étalant sur presque trente ans (mettons à part le dernier opus), les personnages sont à la moitié de leur voyage. Ils vieillissent tout en étant entourés d’une jeunesse qui, elle, a tout à construire dans sa vie. Ainsi l’exubérante jeune femme que rencontre Tora au début du film et qui, comme Sanae Arakawa, doit gérer une séparation, mais sans doute pour mieux construire une autre relation. Au milieu de cette jeunesse, des personnages comme le professeur Suwa, ou même l’oncle et la tante de Tora, ont un autre rapport au temps, à l’existence… et bientôt, ce sera à Tora de se fixer dans cette forme de sagesse. Comme toujours dans cette saga quand il accompagne un personnage avec plus d’expérience, les scènes où il côtoie le professeur sont très réussies… et préparent habilement le contraste comique du retour de Tora avec les siens, surtout quand le poulpe décide de s’imposer dans cet épisode comme le parfait modèle bouffon d’anti-sagesse.
8/10