Retraite forcée (et excessive)

La Ballade de Narayama (Narayama bushikô)
Keisuke Kinoshita – 1958

Orin, 69 ans, vit avec son fils dans un village au cœur des montagnes. Tout va bien pour elle, la vieillarde est en bonne santé, a encore toute ses dents (trente-trois exactement) mais une tradition veut qu’à 70 ans, homme ou femme, on soit abandonné au sommet d’une montagne…

« Dieu ! Quel beau film ! » s’est exclamé Truffaut à propos de cette première version de La Ballade de Narayama. En effet, magnifié par son Grandscope en fujicolor, le film flatte la rétine. Entièrement filmé en studio, le film emprunte au kabuki par ses décors, sa lumière, et des récitatifs chantés accompagnés de shamisen (si vous êtes réfractaire à l’instrument, prenez garde ! il est quasi omniprésent). Pour le spectateur étranger, ce sera, selon les goûts, aride, déconcertant ou d’un exotisme hypnotique. Dans tous les cas, on ne peut nier au film une incroyable splendeur où l’aspect artificiel des décors, associé à des expérimentations chromatiques et à une réelle mise en scène (ceux qui pensent que le concept du « théâtre filmé » est nécessairement péjoratif en seront pour leurs frais), donne une belle tonalité onirique.
On se retrouve ainsi devant un film qui, quoiqu’étant une adaptation d’un roman, va davantage tenir de la pièce du théâtre et du conte traditionnel. On se trouve devant une forme quintessencié d’un Japon mythique, avec cette histoire d’ubasute, cette pratique légendaire consistant à abandonner un vieillard à un âge où il n’est plus utile à la communauté. Si l’on ne lance pas dans le visionnage avec bille en tête l’espérance d’avoir une approche réaliste, alors on a de fortes chances d’être séduit par l’histoire, ne serait-ce que pour la performance de la grande Kinuyo Tanaka dont la rumeur disait à l’époque qu’elle était allée jusqu’à se faire enlever des dents pour la terrible scène où l’aïeule se casse les dents de devant pour ne plus passer pour une vieille gloutonne égoïste « aux dents du Diable ».
Une expérience colorée et unique donc, qui appelle le visionnage de la version d’Imamura, que Kinoshita par ailleurs méprisait, la trouvant « pornographique ».

7,5/10

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