Une journaliste, Reiko Asakawa, enquête sur ce qui semble n’être a priori qu’une légende urbaine : l’existence d’une cassette vidéo qui, dès lors que l’on regarde son contenu, fait mourir son spectateur une semaine plus tard d’une crise cardiaque, avec sur le visage tous les indices d’une indicible terreur. Son enquête lui fait suivre la piste d’une bande de quatre jeunes qui lors d’une escapade durant un week-end aurait visionné la cassette qui aurait donc causé leur mort sept jours après. Alors qu’elle se trouve dans le chalet qu’ils ont occupé, elle tombe sur la fameuse VHS…
Dix-huit ans, déjà, presque vingt ans que le film emblématique du renouveau de la J-horror est sorti sur nos écrans. A l’époque, le voir avait été tout de même quelque chose. Si on commençait à être habitué de voir des films de Kitano ou d’autres auteurs tels que Aoyama ou Kawase, il était plus rare de tomber sur des films fantastiques japonais. C’est alors que déboule sur nos écrans ce Ring. Rien que ce mot déjà interpellait. Quoi Ring ? de boxe ? un anneau ? Mais où qu’il est l’anneau sur l’affiche ? Car sur l’affiche, point d’anneau mais juste un visage terrifié et déformé, avec il est vrai une multitudes de cercles superposés. En y scrutant les noms présents, on distingue ce parfait inconnu, Hideo Nakata mais aussi celui-ci : Kenji Kawai, à l’époque le compositeur bien connu de la B.O. de Ghost in the Shell. De quoi tout de même donner sa chance à ce film.
La suite, on la connait. Plein de spectateurs la lui ont donnée, sa chance. Le bouche à oreille a tellement bien fonctionné que Ring se taille une jolie carrière internationale et défonce tout au box-office japonais (1 milliard de recettes, record pour un film d’horreur). Surtout, il se taille le luxe d’avoir un personnage iconique de la pop culture en la personne de Sadako, le fantôme du film à l’apparence d’une jeune fille maigre et aux longs cheveux lui cachant le visage. On ne comptera plus désormais les clins d’œil dans les mangas, les dramas ou les films à ce personnage que Nakata réutilisera d’ailleurs dans une suite bien moins intéressante, Ring 2.
Aujourd’hui, qu’en est-il ? Ring vaut-il la revoyure ? Et vaut-il simplement d’être vu pour celui qui serait passé à côté ? L’ayant vu tout de même un petit paquet de fois, notamment lorsqu’il est ressorti chez nous en DVD, je dois dire que l’effet s’est un peu éventé. Je préfère les approche d’un Kyoshi Kurosawa concernant les films de fantômes, ou encore l’atmosphère fantastique et malsaine d’un Audition, sorti une année après Ring. Mais il reste un film très efficace et original dans son désir de créer du fantastique à travers des objets matériels comme une pauvre VHS mais aussi des photos argentiques. Les effets sont parfois appuyés, Nakata usant facilement du jumpscare comme lors de ces moments où l’on découvre des visages de victimes déformés par la terreur. Ces découvertes s’accompagnent alors d’effets sonores concoctés par Kenji Kawai particulièrement efficaces, marquants, et il est difficile de ne pas poursuivre le visionnage sans être hanté par ces visages. On se pose fatalement la question : qu’ont-ils vu ? question suscitant à la fois une intense curiosité et une crainte délicieuse d’assister soi-même à la cause de leur effroi.
La position dès lors devient un peu inconfortable. Non que Ring soit une sorte de train fantôme émotionnel. Mais c’est un film qui, avec la mise en scène relativement sage de Nakata et surtout l’ambiance sonore bruitiste, avec des sonorités métalliques désagréables, de Kenji Kawai, place le spectateur dans une ambiance de malaise qui lui fait suivre avec beaucoup d’intérêt la progression de la journaliste dans son enquête, avec, au bout d’une demi-heure, ce passage :
On ne va pas trop déflorer l’instant avec une flopée de gif animés. Il s’agit du contenu de la fameuse contenu de la VHS. Contenu expérimental et très court puisqu’elle ne dure que trente secondes à peine. Mais à la fin de ces secondes, on est un peu comme Reiko :
Scotché, fasciné et un brin effrayé, on se demande « mais qu’est-ce que je viens de regarder là ? ». Un peu plus loin dans le film, on aura droit à un flashback retraçant brièvement une partie de l’enfance de Sadako et là aussi, les images bruitées dans un noir et blanc très contrasté ne seront pas susciter le malaise. Comme empoisonné lui aussi par les images, le spectateur est alors mûr pour suivre Maki jusqu’au bout de sa quête pour se délivrer de sa malédiction avec, au bout de la piste, la fameuse scène qui contribuera à faire entrer Sadako dans le panthéon des méchants maléfiques, aux côtés de Freddy Krueger ou de Jason. Pas mal pour un jeune réalisateur qui entamait alors sa troisième année de carrière.
La suite pour Nakata on la connait. Un autre excellent film fantastique (Dark Water) suivi de films plus ou moins mainstream oscillant entre le mauvais et le correct, comme ce fut le cas récemment avec son honorable participation au projet Roman Porno Reboot (son dernier film, Stolen Identity , semble être en revanche raté). De quoi regretter l’époque où Nakata se contentait d’un budget limité mais de quoi donner aussi envie d’explorer les réalisations pré-Ring, notamment ce Joyu-rei, réalisé deux ans plus tôt.
Ring a marqué le cinéma de genre de son empreinte. Ceux qui ont vu le film en restent marqués et n’ont pas toujours osé le revoir.
Le film a connu un tel succès qu’Hollywood n’a pas voulu rater le filon, avec un remake et ses suites. Je me rappelle des discussions à l’époque : « Excellent, j’ai vu The Ring !! » « Ouais, t’as vu qu’une copie, parce que t’as pas vu le vrai Ring !!! Là, tu vas flipper !! »
Mémorable ce Ring nippon (le seul, le vrai) !!
J’avais tellement aimé Dark Water, que j’avais vu avant (même si j’avais peut-être vu Audition déjà, sais plus trop, et quelques K.Kurosawa), que cette vision de Ring m’avais un peu donné l’impression d’une première version, encore un peu brouillonne, où Nakata testait ses idées de terreur. Le scénar m’avait semblé bien loin d’être aussi bon que le fabuleux conte urbain-qui-fuit-du-plafond de Dark Water. Aussi, je n’en ai plus vraiment de souvenir, ni même l’envie de l’y replonger. Faut dire aussi que je HAIT les jump-scare, qui sont vraiment le truc le plus con du monde pour faire peur, ce qui fait que je déteste les films d’horreur qui jouent la dessus, où le côté dégueulasse, encore pire d’ailleurs, deux méthodes très très basses finalement. Alors que faire flipper en jouant sur la suggestion, voilà le grand art, d’où ma préférence pour les gros malaises de K.Kurosawa (je parle même pas de certains Polanski ou de Lynch, évidemment, ou bien en remontant plus loin de Tourneur). C’est dingue cependant comment la figure de Sadako est devenue un meme culturel. Cette figure du fantôme sous forme de jeune fille aux cheveux long était-il déjà présent dans la culture japonaise sous une forme proche, où c’est une invention totale de Nakata (auquel cas, il devrait demander des droits d’auteur).
Je crois que j’ai vu un seul film de Nakata ensuite, un truc filmé en Angleterre il me semble, avec une histoire de cyber-harcèlement. C’était un peu cheapos dans mon souvenir, mais regardable.
(pas de fonction edit, donc bonjour les coquilles/fautes)
Comme j’ai vu Ring en premier, j’ai moins ressenti ce côté bouillon que tu évoques. mais à la revoyure, oui, Ring apparaît moins réussi que Dark Water ou les films de KK. Je me souviens d’ailleurs d’une interview de Nakata dans laquelle il montre un gros respect pour son aîné.