Ken Takakura et la succube

Dans un petit village côtier, Shuji (Ken Takakura) mène une vie paisible parmi la petite communauté de marins pêcheurs. Il est marié, a deux enfants, travaille bien, est respecté, Surtout, personne ne connaît son tumultueux passé de yakuza. Un jour, une jeune femme, Hanako, débarque avec son enfant pour reprendre le petit bar abandonné par la précédente propriétaire. Comme la nouvelle patronne est sympa, jeune et jolie, les hommes s’y précipitent pour de bonnes beuveries après les journées de travail. Mais tout s’aggrave quand le yakuza amant de la patronne, Yajima (Takeshi Kitano), arrive pour organiser des parties de mah-jong. Son but : renflouer ses poches en les incitant à rester tard dans la nuit dans le bar mais aussi en leur vendant de la drogue…

Yasha
(夜叉)
Yasuo Furuhata – 1985

Film sympathique des années 80, qui intervient dans la carrière de Takakura deux ans après Antarctica. L’un des principaux attraits de ce titre vient de la confrontation entre deux monstres. D’un côté, j’ai nommé Beat Takeshi dans le rôle de Yajima, un yakuza grossier, violent et impulsif comme Kitano aura l’habitude d’en jouer par la suite. De l’autre, Ken Takakura, LE Ken Takakura, le « Clint Eastwood japonais » (toujours trouvé naze ce surnom) habitué aux rôles de yakuzas taciturnes mais dotés d’un sens de l’honneur en béton armé. La confrontation vaut son pesant de sardines fraîches, mais l’intérêt principal est encore ailleurs. Car entreprendre de visionner Yasha uniquement dans cette optique reviendrait à être déçu. Yajima est en effet rapidement maté par Yasha (le surnom yakusa de Shinji) et même s’il revient plus tard dans le film, on ne peut plus vraiment parler de confrontation.

Un dur crédible, même avec sur le crâne une casquette ridicule.

En fait, le plaisir vient avant tout d’un rythme lancinant, alternant moments de quiétude et d’inquiétude, le tout porté par une belle photographie de Daisaku Kimura, qui travaillera d’ailleurs plus tard pour un autre film enneigé dans lequel apparaît Takakura : Poppoya. A la chaleur du sourire d’Ayumi Ishida (madame Blue Light Yokoyama, qui joue dans le film d’épouse de Shinji), ainsi qu’à celle du bar Hotaru répondent la froideur d’un rude climat hivernal et le mugissement des vagues qui s’agitent, faisant écho à ce qui se passe à l’intérieur de Yasha. Bref c’est un endroit à la fois tumultueux et paisible, parfait écho de ce qui peut se passer dans le cœur de Yasha, partagé entre l’envie de poursuivre une vie tranquille, et celle de succomber à la beauté de Hanako, courant le risque, en se frottant à Yajima, de voir resurgir son ancien passé de mafieux.

Shinji, son épouse et Hanako.

On l’aura deviné, on n’est pas face à un film de Fukasaku. Si l’on met de côté une des dernières scènes et surtout celle où l’on voit un Kitano sous héroïne courir dans le village un couteau de boucher à la main, le rythme est calme, uniquement inscrit dans les mouvements quasi imperceptibles qui se lisent dans le jeu granitique de Takakura. Ça pourra laisser de marbre. Pour ceux qui apprécient son austérité, ce sera le charme principal.

Allez, celui de Hiromi Iwaski dans le rôle de la mama san fatale compte un peu aussi.

Une petite réserve toutefois : le lien qui se créé entre Shuji et Haruko m’a paru un peu paresseux dans le sens où j’ai eu du mal à comprendre l’attachement subi tde Shuji pour elle. Certes, un flash-back nous fait comprendre (ou essaye de nous faire comprendre) qu’un parallèle se fait avec l’image d’une sœur cadette disparue à cause de la drogue. Il y a aussi le gigantesque tatouage que Shinji possède sur son dos, tatouage montrant une femme démon, « Yasha », sorte de succube auquel est explicitement comparée Haruko dans une des dernières scènes. Reste que, si l’actrice Harumi Iwasaki est joliment filmée, il lui manque un certain magnétisme pour rendre pleinement convaincant l’intérêt subit de Shinji pour elle, surtout quand il a à ses côtés la beauté rayonnante d’Ayumi Ishida du haut de ses 38 ans. Impression mitigée donc mais après, allez donc comprendre ce qui se passe dans larcasse impassible de ce diable de Takakura !

7/10

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