Dangan Runner (Sabu – 1996)

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Rien ne va plus pour Yasuda ! Viré de son travail et humilié par sa petite amie qui le trompe ouvertement, il décide de suivre la recommandation de cette dernière et d’agir comme un homme, un vrai. Aussi sa décision est prise : il va braquer une banque. Tout est prêt : le flingue, le timing, tout devrait bien se passer. Sauf que l’on est chez Sabu et dès ce premier film on observe chez le réalisateur ce goût pour le grain de sable qui va faire basculer la vie d’un personnage.
Dans Drive c’était une jeune femme avec un parapluie rouge, dans Dangan Runner, c’est juste le constat d’un oubli : Yasuda a en effet oublié le masque hygiénique pour couvrir son visage. Qu’à cela ne tienne, il y a juste à côté un convini. Il y rentre prend un masque mais, comme un malheur n’arrive jamais seul, s’aperçoit qu’il n’a pas d’argent. Il décide donc de le chourrer mais est évidemment pris en flag’ par le vendeur, Aizawa, chanteur de rock lui aussi mal barré dans la vie puisqu’il est cocaïnomane et l’on sent sa petite-amie sur le point de le laisser tomber. Yasuda brandit maladroitement son flingue et touche le gars au bras qui, fou de rage, décide de poursuivre Yasuda dans la rue muni du flingue qu’il a laissé tomber. Quelques minutes plus tard, le duo percute plusieurs passants parmi lesquels cet homme : Dangan Runner 3

Takeda, un yakuza qui s’occupe entre autre de récolter l’argent de la drogue dans le quartier. La charge qu’il vient de subir lui rappelle un souvenir récent et désagréable : il a été incapable de stopper l’attaque d’un truand sur son boss. Tétanisé, il n’a pu qu’esquiver et voir l’homme partir dans la nuit une fois son méfait commis. Décidant de ne pas se conduire en lâche deux fois de suite, il sort alors un couteau pour faire la peau d’Aizawa. Commence alors une hallucinante course-poursuite dans la ville à côté de laquelle le duel Zatopek/Mimoune fait figure de course en sac.

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Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? C’est la question qu’a dû se poser Sabu avec ce petit film fauché qui a tout de l’exercice de style intelligent. Dans les vingt première minutes Sabu met au parfum le spectateur sur ce que sont les trois personnages. Puis, une fois que les conditions sont réunies pour rendre crédible la course-poursuite (du moins son point de départ), on lâche les chevaux et on accompagne les trois personnages dans leur marathon que va durer jusque tard dans la nuit. Et bien malin celui qui en prédira l’issue. Car pendant ce temps des yakuzas (celui du même clan de Takeda) partent en guerre pour laver l’affront de l’assassinat de leur chef et des flics partent sur le terrain pour empêcher toute effusion de sang. On se doute évidemment que leur trajectoire croisera à un moment ou à un autre (vraisemblablement à la fin) celle de nos trois enragés. Mais en attendant le spectateur suivra une course dont il apparaît assez vite qu’elle a moins pour but de s’entretuer que de se questionner, de s’affranchir de sa vie de merde. Les corps vont peu à peu se fatiguer, l’esprit aussi. Ainsi cette scène où ils croisent la route d’une charmante femme en train de ramasser un mouchoir :

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Au moment de la croiser, ils ne peuvent s’empêcher de jeter les yeux chacun sur une partie de son anatomie :

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… et aussitôt de se mettre à fantasmer sur la manière de prendre du bon temps avec elle :

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Visions aussi drôles que pathétiques, qui les détournent de leur rage pour se tourner vers le fiasco de leur propre vie privée (Takeda avoue d’ailleurs à son aniki qu’il n’a jamais fait l’amour). Et plus tard, alors qu’ils auront couru toute la journée et que l’absurdité du but premier de leur course leur apparaîtra, ils feront ensemble quelque chose qui montrera que leur course n’a pas été totalement vaine. Il en ira de même plus tard avec les quatre personnages de Drive. Leur tentative de braquage sera perdue d’avance mais leur rencontre fortuite et leur voyage au bout de la nuit leur auront au moins permis de donner un nouveau virage à leur vie. C’est la même chose dans Dangan Runner, même si la conclusion sera d’une nature différente. Chez Sabu, la virée, qu’elle soit à pied ou en voiture, est bien plus importante que la destination.

Dangan Runner peut être donc vu comme un brouillon qui contient en germe tous les motifs de ses futurs films. Reste qu’il s’agit d’un brouillon réussi, sans complexe face aux ténors du cinéma japonais de l’époque. Fortement recommandable donc, et sans doute à voir en priorité pour bien apprécier l’évolution de ces motifs dans la filmo ultérieure de Sabu.

7/10

 

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3 Commentaires

  1. Excellent ! M’a bien l’air sympa cette peloche. Il a le chic pour avoir des idées simples mais qui donnent à voir. J’aime assez le cinéma qui le caractérise, même si je n’ai pas toujours accroché à l’ensemble de ses films, faut avouer qu’il y a un truc qui électrise. Entre celui-ci et « Drive » dont tu causais (faisais un constat sur sa non présence sur BdJ, j’avoue me faire la même réflexion sur certains auteurs par chez moi), faut vraiment que j’aille à la pêche.

  2. Parmi les bonnes résolutions pour 2014 il y a celle-ci : évoquer des réalisateurs archi-classiques que je me suis jusqu’à présent bien gardé d’évoquer en ces pages. Je commence aujourd’hui avec un certain Akira Kurosawa.

    Olrik, « maintenant ça va chier ».

  3. C’est vu et c’est franchement pas mal. La dynamique que met en place SABU est franchement prenante. Je suis presque déçu du dénouement final, pas tant dans l’idée mais beaucoup plus sur la mise en forme. Tout du long, il montrait des choses intéressantes à ce niveau-là avec un montage carré et arrivé sur la fin… ça manque d’un p’tit quelque chose. Ça ne ternit en rien l’ensemble. On parvient à s’attacher aux personnages et on est presque peiné pour eux sur la fin, surtout pour Yasuda. Je ne sais comment percevoir sa « délivrance ». S’il faut être triste ou heureux pour lui…

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