The Most Beautiful Night in the World (Daisuke Tengan – 2008)

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La petite ville de Kagame cache bien des secrets parmi ses habitants. Et bien des questions. Ce Kinichi Nihei par exemple, ancien terroriste marxiste vivant seul sur son bateau, à quelle pratique secrète s’adonne-t-il ?

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En dehors de latter au petit matin des planches sur son vit en béton (tout à fait moi ça).

Et cette Teruko, patronne d’un bar, pourquoi diable deux de ses anciens maris ont-il trouvé la mort ? Et devant qui diantre montre-t-elle sa délicate plastique ?

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Interprétée par Sarara Tsukifune, ex-Takarazuka

Enfin, plus important que tout, comment va-t-on en arriver à cette situation :

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Car oui, il ne s’agit pas d’un screenshot pris dans le dernier étron pornographique de Soft on Demand mais bien d’une scène de Sekai de ichiban utsukushii yoru de Daisuke Tengan. Deux heures quarante pour un film absolument inclassable, mêlant folklore shinto, intrigue policière, délire érotique et scènes d’animation qui écorchent les yeux :

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Pas le cas sur ce screen mais pour ceux qui connaissent, certaines m’ont fait penser à du Phil Mulloy en couleurs.

… tout cela sur fond de crise de la natalité. Enfin crise, pas pour tout le monde puisque le film s’ouvre sur l’effervescence que connaît Kagame dont les habitants s’apprête à monter à Tokyo pour recevoir du premier Ministre des félicitations pour leur taux de natalité qui explose tous les records sur le sol nippon. Et effectivement, le bref aperçu que l’on a au début des petites rues de la ville sont très éloignées de celles bien plus tranquilles que l’on rencontre lors de déambulations dans des quartiers populaires. Clairement, ça grouille de lardons :

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Quelle est la cause de cette exception démographique ? La narratrice, une collégienne qui semble parfaitement savoir de quoi il en retourne, entreprend de la raconter. C’est alors que commence le flash-back qui renvoie le spectateur à peu près une quinzaine d’année plus tôt. Kagame est alors une sorte de trou du cul du monde, trou du cul que va devoir fréquenter le journaliste Kazuya Mizuno, en disgrâce à cause d’une pitoyable affaire de viol (en réalité une manipulation dont il a été la victime) et envoyé donc dans ce patelin pour s’occuper du canard local. Peu enclin à la déprime, il décide de jouer le jeu en faisait ce pour quoi il est bon, c’est-à-dire son job. Il s’intéresse à la petite ville, à ses gens, aux principales figures qui la composent. Ainsi ce Kinichi et la belle Teruko déjà mentionnés, mais aussi le principal du lycée, vieux pervers amateur à ses heures d’architecture, le prêtre du temps shinto, personnage antipathique qui n’hésite pas à casser du sucre sur le terroriste et Teruko. Mais aussi un sympathique marin pêcheur aimant à pousser la chansonnette folk (et pour cause puisqu’il est joué par Kan Mikami, un ancien folkeux) et sa fille Shineko, apparemment un brin arriérée, en réalité la fille la plus intelligente du pays.

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Durant deux heures, on suit donc les déambulations du journaliste, ses rencontres, ses découvertes et ses inquiétudes envers certains personnages. Inquiétudes qui ne dureront pas puisqu’il s’apercevra rapidement combien ce terroriste et cette patronne de bar peut-être meurtrière sont en réalité de braves gens. Plus précisément de braves japonais. Des vrais. Dans le plus pur jomon style, comprenez par là qu’ils incarnent la véritable sexualité nippone, celle de l’époque Jomon (-10000 au IIIème siècle av JC). Il n’y avait à cette époque pas de soucis démographiques. Et pas besoin pour se fouetter les sens de substituts pornographiques comme l’industrie du sexe en produit maintenant. Non, à l’époque c’était beaucoup plus simple : les hommes baisaient à couilles rabattues tout leur soûl, les femmes en redemandaient, et tout marchait comme sur des roulettes. Faire des enfants, ça allait comme papa dans maman. C’est en tout cas ce que prétend Kinichi qui, en dehors d’entretenir un vigoureux vit en cassant dessus des planches tous les matins, ressent une véritable nostalgie pour l’époque Jomon et aimerait bien trouver le moyen pour que ses contemporains retrouvent cet état d’esprit salvateur.

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J’allais oublier : le gus a une manière bien à lui de se servir le thé.

Pour Teruko, au passage femme doué d’un pouvoir mystérieux qui lui permet de lire à l’intérieur des personnes, disons qu’elle est justement une pure descendante de l’ère Jomon. Pas de problème de libido, avec elle les parties de fesses à l’air sont tellement intenses que le mâle est assuré d’avoir dans la foulée un infarctus !

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Comme dirait l’autre, tu ne le sais pas encore mais tu n’as plus que quelques secondes à vivre.

Du coup, Teruko a décidé de rester chaste. Personnage tragiquement en décalage avec son époque donc, à moins que la jeune femme ne trouve le moyen de se donner sans danger à un nouvel heureux élu…

The Most Beautiful Night est donc en apparence un film léger, et il l’est si l’on considère la galerie pittoresque des individus qui composent la société de Kagome. Mais à aucun moment Tengan ne tombe dans le scabreux ou la vulgarité (on imagine ce que cela aurait donné avec un réalisateur français). Le sexe n’est pas une chose honteuse ou compliquée. Si elle apparaît comme telle, c’est à cause de son époque, de ses mentalités. En réalité le sexe est drôle, naturel, simple, simple comme ces matsuris où l’on suit des mikoshis surmontés d’une grosse bite rose en érection et dans lesquels les jeunes filles peuvent acheter pour quelques yens ce type de sucette (sûrement faites à la main).

A côté de cette thématique, le film  joue d’une tonalité un brin irrévérencieuse…

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ainsi la raison pour laquelle cette femme se gratte ainsi.

… plus grave avec ce pouvoir de Teruko qui permet de jauger les gens et de voir les douleurs qu’ils cachent au fond d’eux-mêmes. Teruko devient alors une sorte d’antithèse au prêtre shinto du village, une prêtresse asexuée (vous verrez pourquoi lui faire l’amour est dorénavant un peu compliqué) en contact avec les esprits, maïeuticienne qui apaise les âmes et qui finalement préserve la cohésion du village. Chose que l’on ne retrouve évidemment dans les grandes villes comme Tokyo où, c’est bien connu, règne le chacun pour soi, la dissimulation et l’art du bâton-dans-les-roues (et découvrira d’ailleurs la cause réelle de l’exil du journaliste). A moins que, à moins que… à moins que Kinichi le terroriste où l’un de ses apôtres ne décide d’agir pour changer les choses. Attendez-vous à une fin surprenante, fin qui achève, encore une fois, deux heures quarante originales, variées, qui tiennent l’esprit du spectateur en parfaite érection tout le long du spectacle. Jomon style quoi !

 

***

Avant de quitter les lieux, n’oubliez pas de passer à la boutique du site où vous trouverez de sympathiques objets tirés du film et qui vous permettront de pratiquer avec madame des jeux un peu plus passionnants que le rami ou le kilo de merde :

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Lien pour marque-pages : Permaliens.

6 Commentaires

  1. Waouh, ta présentation donne vraiment envie ! Le sujet me plait, l’affiche est belle.
    Je vois en plus que le rôle principal est tenu par Tomorowo Taguchi, ce qui est rare et très appréciable. (A-t-il eu d’autres rôles marquants depuis les « Tetsuo » et « Night in Nude » ?)
    Merci pour cette découverte. Je ne savais même pas que le fils de Imamura réalisait des films. Quels coquins ces deux là !

  2. Tiens, après vérification il avait joué dans River, chroniqué il y a quelques mois.
    http://bullesdejapon.fr/2013/01/12/river-ryuichi-hiroki/
    Mais à part ça, pas de réels rôles marquants je crois…
    Pour Tengan, il a fait un autre film, « Dendera », sur 50 vieillardes abandonnées par leur village dans la montagne en plein hiver. Certaines veulent construire un village pour survivre, d’autres retourner au village pour se venger. Le pitch est prometteur je trouve, et l’histoire fait écho à un certain film bien connu d’Imamura père. A voir, je n’ai pas encore eu l’occasion.

    • Je me souviens de cette critique de River. Plutôt attiré par la déambulation inaugurale de 15min dans Akihabara et par la perspective d’explorer l’envers du décor de ce quartier mais aussi un peu refroidi par la suite de l’article. Je suis hésitant donc, mais tout de même curieux !
      Pour Tomorowo Taguchi, je l’ai revu récemment et à plusieurs reprises dans les 1ers téléfilms de Shunji Iwai… souvent dans le rôle d’un médecin qui apparaît 10 secondes en contre-jour (la Iwai’s touch).
      Pour Tengan, forcément j’ai aussi fait quelques recherches et suis tombé sur ce « Dendera » qui semble en effet très prometteur !
      Je reviendrai donner mon avis sur « The Most Beautiful Night in the World » quand je l’aurai vu, ce qui ne saurait trop tarder.

  3. « Je reviendrai donner mon avis sur « The Most Beautiful Night in the World » quand je l’aurai vu, ce qui ne saurait trop tarder. »

    Avec plaisir. 😉

  4. Il m’intrigue aussi ce film, j’aimerais bien voir ça mais est-ce que ça se trouve seulement quelque part avec des sous-titres ? Je suis bon pour me reprendre une fournée de kanji sinon… 😐
    Tout comme M de Ryuichi Hiroki que j’espère bien voir un de ces jours. Megaupload c’était quand même une sacrée mine pour ce genre de trucs qui intéresse presque personne. Rip in peace.

  5. Monsieur Zoda,

    En tant que directrice de la communication de Bulles de Japon, je m’empresse de signaler que le matériel audiovisuel de nos locaux est, à l’image de ma personne, garanti 100% naturel et authentique. Il va donc vous falloir continuer à travailler votre japonais…
    Après, si vous voulez une « fournée de kanji » de ma propre bouche, je peux vous la donner…

    Ishida san, langue bien vivante.

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