(The DC Archives) Be a man, be a male, be a father

(article paru le 21 avril 2010)

Cet article est dédié au père de Conan, par Crom!


En l’acier tu peux te fier mon fils.


Si vous cherchez les émotions fortes au Japon, pas besoin d’aller taquiner le yak dans les bas-fonds. Vous avez un enfant ? Alors rendez-vous avec lui ici :

Oui oui, vous êtes bien sur Drink Cold, ne zappez pas !


Vous verrez alors votre progéniture muter, transpirer, rougir à vue d’œil, grincer des dents, regarder d’un air affolé, les yeux exorbités, les trésors qui s’offrent à eux (au moins 50 au mètre carré, les trésors). En un mot, vous vous trouvez tout à coup face à un berserk !


Les adultes eux-mêmes peuvent y laisser un fusible ou deux.


Vous arrivez au rayon ultraman/kaiju et là, crise de nerfs, de celle qui peut faire se demander à tout paternel : « Mais pourquoi diantre mon  désir n’est-il pas resté dans mes grelots ? ». Et tout ça pour une pauvre figurine de Gamera (d’un autre côté, 700 yens quand même, merde) !

Esprits des jouets,

foutez la paix aux parents !


Que faire ? Allez, on y va de son premier avertissement  Très rapidement on passe au deuxième, suivi encore plus rapidement du troisième. Et puis las, les tympans vrillés, on se met en renaud et on y va de ce que les Japonais appellent le :

OSHIRI PEN ! PEN !


Et ouais, un bon pan pan cucul ! bien de cheu nous, bonne vieille solution pour anéantir le pouvoir hystérisant des jouets. Seulement attention : sachez qu’il y a lieu d’essuyer le regard désapprobateur d’une mère de famille.  Car il faut vous dire qu’au Japanisthan, non seulement on ne donne pas de fessées, mais on ne menace même pas, on laisse faire, c’est le culte de l’enfant-roi, et tant pis si ça emmerde des gens alentours.

En comparaison, ces grands enfants que sont les otakus, ici postés devant un toys’r’us dès 6H du mat’ pour s’arracher le dernier jouet Shinkenger, sont bien plus fréquentables.


Heureusement, il existe encore au Japon des gardiens de l’autorité parentale. Révoltés par la permissivité ambiante, on peut compter sur eux pour secouer ces parents exaspérants pour qui avoir de l’autorité c’est jouer du « attention mon chéri ! Papounet va être colère ! ».

Tuyau en or pour les éventuels lecteurs de Drink Cold qui en baveraient des ronds de chapeau avec leur progéniture (mais je n’en crois rien, quand on est sur DC, on a forcément de la testotérone mandomisée à revendre) : peut-être vous êtes-vous procuré ce soi-disant « livre référence » ?

Vous êtes toujours sur Drink Cold. Ne zappez pas, deux méchants types, une ancienne actrice porno, une paire de seins et une banane vont arriver.


Oui ?  Faites alors comme monsieur de Maesmaker avec ses contrats : brûlez-le, mangez-le, faites-en des papillottes, il ne vous servira strictement à rien. Et à la place, procurez-vous ceci :

Dans cet ouvrage, le maître livre de fulgurantes pensées sur l’éducation et sur ce qui cloche chez ses contemporains. Nul doute que vous y puiserez le courage qui vous manque pour frotter les oreilles de vos gosses et leur apprendre que le boss, eh bien ! C’est vous.

Petit florilège :

« Les enfants sont, fondamentalement, des pestes ; il ne faut pas se laisser tromper par ces petites figures qui pleurent ou rient, même si elles sont mignonnes. »

Bien dit Takeshi ! Je t’en foutrai moi, du kawai !


« Cela vaut en particulier pour les nourrissons : ils ne pensent qu’à eux. »

Vous avez compris ? La prochaine fois que votre bébé pleure au milieu de la nuit parce qu’il a faim, laissez-le brailler, ça lui fera les pieds à cet égoïste.


« Ils pleurent parce qu’ils veulent quelque chose, ils ne sourient que parce qu’ils sont de bonne humeur ; aucun nourrisson n’a jamais souri en pensant à ses parents. »

À vomir ces bébés, qu’on vous dit !


« Les parents, qui sont des imbéciles, interprètent à leur fantaisie tout ce que font leurs enfants. Je vous laisse imaginer quel genre d’adultes deviendront ces enfants. »

On attaque là le nœud du problème : les parents incompétents.

Mme Nakano a toujours dit amen à son fils adoré. Maintenant, il lui extorque 200 000 yens par mois.

« Si les gens gâtent les chiens, figurez-vous comme ils gâtent leurs enfants ! Jadis, on grondait les enfants : « Tais-toi et mange ! » ou bien : « Mais tu vas mâcher ça pendant longtemps ? » Ma mère me le disait souvent. Elle me disait aussi : « Si tu veux manger quelque chose de bon, tu dois le mériter. Tu manges grâce à l’argent de ton papa, tu n’es rien d’autre qu’un parasite. Si tu commences à dire que ça, c’est bon, ça, c’est mauvais, tu peux aussi te passer de manger. »

Indubitablement quelqu’un de bien, la maman de Kitano. Poursuivons…


« Si les enfants ne mangent pas, les mères d’aujourd’hui disent des inepties comme : « Tu te sens bien ? »  ou bien : « Je t’en prie, s’il te plaît, mange, je te donnerai des sous. » Pourquoi ne savent-elle pas dire : « Tu dois manger, il le faut ! » ? Naturellement,  les mères parlent tout de suite d’alimentation calibrée ; c’est aux pères de refuser carrément ces stupidités. »

Yosh ! Tant qu’il y aura des hommes, tout ne sera pas perdu. Malheureusement :


« Mais où diable sont-ils passés, ces pères qui devraient inspirer crainte et respect ? »

Pas ici en tout cas : Yozo Suenaga, vendeur dans un magasin d’animaux, s’est toujours fait pourrir la gueule par sa fille. Résultat : elle est devenue par la suite l’actrice porno  Mai Momonoki (véridique!). Remarquez, il a l’air de bien le vivre, il s’est d’ailleurs lancé dans le scénario (sic) de films pornos (véridique too!).



« Au fond, le pire résultat de la démocratie d’après-guerre est l’expression « si je lui en parle, il comprendra ». Certain, tu peux leur parler tant que tu veux, ils ne comprendront jamais. »

Pourquoi n’as-tu jamais compris que tes sushis sont dégueulasses ?


Foin de ces gants de velours pseudo-psychologiques ! Une main de fer, il n’y a rien de tel ! D’ailleurs :

« C’est insupportable de parler avec les filles, n’est-ce pas ? Après avoir donné gentiment des explications minutieuses dans tous les détails, tu t’entends répondre : « Mais je n’ai rien compris ! » Voilà pourquoi je déteste la démocratie. Tout fout le camp parce qu’on a donné le droit de vote à des gens comme ça. […] aux individus qui n’atteignent pas un certain niveau, on ne devrait même pas permettre de prétendre quoi que ce soit. De toute façon, ils ne comprennent rien. Il faudrait d’abord leur inculquer que s’ils se conduisent mal, ils seront sévèrement punis. Voilà pourquoi les parents feraient mieux de gifler leur enfant. »

La petite Keiko Ohwada a depuis toujours été élevée à la taloche : c’est maintenant une petite fille épanouie qui respecte ses parents.


Nous y voilà ! Et finalement on y revient toujours : la sainte mornifle, la taloche, la torgnole, la calmotte, la talmouse, le trèfle à cinq feuilles : que voilà un programme éducatif selon mon cœur ! Coincher un môme qui veut s’affirmer, quoi de plus naturel ?

Allez, passons. Vous avez aimé ces dérapages pas trop contrôlés de Beat ? Attendez ce n’est pas fini. Car que faire si votre enfant est un post ado qui, au lieu d’aider à faire la vaisselle, court s’enfermer dans sa chambre pour écouter du Army of Lovers à fond les ballons  tout en regardant jusqu’à des heures indues de dégoûtantes images telles que celle-ci :

Docteur, j’ai une banane coincée entre les seins!


En effet, le oshiri pen pen ! ne risque-t-il pas d’être insuffisant ou de mal se passer  ? On peut le craindre. Heureusement, c’est ici qu’intervient la deuxième référence éducative de cet article : Hiroshi Hirata.

Buvez frais les djeuns!


En quelques mots, présentons-le. Hirata est l’un un des prestigieux maîtres du gekiga, le manga réaliste (pour faire simple). Ceux qui étaient au festival d’Angoulême de 2009 ont peut-être vu un pétillant vieillard en kimono, faisant le show à coup de verres de saké et de chants guerriers. Il s’agissait d’Hirata, venu direct du Japanisthan pour montrer aux européens comment dessiner avec de la classe un samouraï :


 


C’est magnifique, on applaudit bien fort Hirata-sama. Mais maintenant, sois gentil Hiroshi, range tes pinceaux (on n’est pas  sur Palettes merde!) et montre-nous ta gueule de tueur :

Putain ! Je t’avais dit de ranger ta chambre !


Dans Otôsan no monogatari (Ma Voie de Père) (2), Harata fait une sorte de récit à bâtons rompus de ce qu’il faut faire pour bien mener sa vie, notamment sa vie de parent. Autant dire que la belle couverture japonaise (à l’opposée de celle, plus mièvre, choisie par Delcourt) annonce tout de suite la couleur et que l’enseignement d’Hirata pourrait se résumer par ces quelques mots : Don’t fuck with Otôsan !

De quoi ?! Il faudrait qu’on te traite avec plus d’égards soi-disant parce que tu prépares les concours des universités ?! Et de quels égards tu parles ?!

Eh bien, par exemple, m’épargner les corvées de ménage, ou ne pas m’obliger à nettoyer la baignoire quand je suis en train de bosser, quoi ! Dans d’autres familles, on n’oblige pas un lycéen qui prépare les concours à ce genre de choses !

Bam !


Petit imbécile ! Parce que tu te crois capable de manger et vivre par tes propres moyens ?! Même une fois entré dans la vie active, on ne vit que grâce à l’aide des autres, mets-toi ça dans le crâne !


Un candidat aux concours d’entrée à l’université qui ne pense qu’à ses études, c’est rien d’autre qu’un petit égoïste qui sera toujours affamé ! Un type comme ça, même s’il devient premier ministre ou président de société plus tard, ne servira jamais à rien de bon pour personne ! Et les parents qui n’exigent aucune participation aux tâches ménagères de leurs enfants, candidats aux concours ou pas, n’élèvent que des chochottes et ne méritent pas le titre de parents !


Une famille, c’est une communauté de vie ! Le père doit accomplir sa tâche de père ! La mère, sa tâche de mère ! Et un lycéen, sa tâche de lycéen ! Que chacun accomplisse sa tâche, et par l’entraide de tous, la communauté de vie s’opère ! Mais si tu n’es pas capable d’aller nettoyer la baignoire, tu comptes faire quoi pour nous ?! Si ça ne te plaît pas, la porte est ouverte et tu peux aller te débrouiller tout seul ! Vivre, c’est pas difficile, mais tu serviras à quoi ?


T’en veux encore ?!

Non ! Non, j’ai compris, père !


Alors va frotter la salle de bain et dis « merci » !

Je vais frotter avec plaisir ! (3)

Excusez-moi, mais là, je vais devoir achever rapidement cet article car c’est à chaque fois la même chose lorsque je lis ce passage : l’émotion m’étreint, je sens ma vue se brouiller et ma gorge se nouer devant tant d’échanges « virils mais corrects ». Cette éducation peut sembler un peu violente, mais je crois que c’est le prix à payer pour être un « Big Father » comme Charles Bronson dans cette pub Mandom (check at 2m29) :


Faire une partie de bras de fer avec son fils sur le capot d’une bugatti : n’est-ce pas là le but vers lequel doit tendre tout père digne de ce nom?

Mitsunari et Tsuyoshi Kida : « Oui, nous le croyons! »


(1) Ces citations sont extraites d’une chronique publiée dans le magazine shinko 45 entre 1989 et 1990. Les articles ont ensuite été publiés dans un recueil intitulé Dakara watashi wa kirawareru (Voilà pourquoi ils me haïssent). Traduction de Paul-Louis Thirard.

(2) Les types de Young Jump ne manquent pas d’humour puisque ce sont eux qui ont proposé à Hirata, alors dans une situation financière délicate, de publier ce manga. Quelle a été la réaction de leur jeune lectorat gavé de shonen ? Mystère.

(3) Traduction de Tetsuya Yano (Delcourt)

 

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8 Commentaires

  1. Ah ce Takeshi, il a toujours raison ! L’éducation trop laxiste ça donne des feignasses qui glandent à la fac comme moi (ou comme dans pas mal d’universités japonaises). Il est temps de revenir aux bonnes vieilles valeurs qui ont fait le succès de la France !
    Je cours à la librairie la plus proche me procurer cet ouvrage pour mon futur – qui semble un peu vide tant que je n’ai pas de mère pour ma progéniture d’ailleurs.

    Zoda, toujours en décalage.

    (Dans un aspect un plus sérieux, c’est vrai que dans la plupart des scènes de famille auxquelles ont a le droit dans ses films, le père est souvent assez violent et intransigeant. Il me semble que Takeshi a grandi dans des quartiers assez pauvres au t’avais intérêt à te démerder)

  2. C’est vrai ça, ils pourraient nous le traduire le recueil de Kitano au lieu de publier des conneries à longueurs d’année…
    (je suis par ailleurs assez d’accord avec l’idée que « certains tu peux leur parler tant que tu veux, ils ne comprendront jamais »)
    Bon, la banane c’est bien, mais on avait dit 5 fruits et légumes par jour !

  3. @Zoda : mais de plus en plus on voit aussi des films où le père semble dépassé et s’accroche comme à une bouée à ce type d’autoritarisme violent. C’est en tout le cas dans Tokyo sonata et Cold Fish de Sono.

    @(N°6) : « Bon, la banane c’est bien , mais on avait dit 5 fruits et légumes par jour! »
    C’est ma foi vrai. Aussi n’hésite pas à te servir ici :

    Les fruits de la corbeille hein ! Interdiction de toucher à l’abricot de la demoiselle !

  4. Ah, la marchande de quatre-saison, une tradition qui se perd… (hop, je prends un kiwi)

  5. Les citations de Kitano sont extraites d’un numéro de Positif ?

  6. Pas mal, je ne connaissais pas. Ça ne vaut pas les pubs Mandom de Bronson (qu’on ne trouve plus sur Youtube, j’enrage), mais pas mal.

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