Pour prendre des photos, les centres-villes japonais ne sont plus ce qu’ils étaient ma bonne dame. Du moins dans les villes de taille intermédiaire comme Miyazaki. Cela m’avait frappé lors de mon dernier séjour : les jours de matsuri mis à part, les heures que j’ai pu passer dans le centre à traîner mes basques m’ont parfois donné l’impression d’errer dans un embryon d’effervescence urbaine, loin, très loin du chaos tokyoïte. On y croise des personnes mais ponctuellement, sans excès : ici une obachan avec son cabas, là une donzelle volant d’un pas alerte sur le bitume ou un lycéen en vélo revenant de son bahut. Pris individuellement, ces personnages ont souvent quelque chose d’intéressant à offrir à votre appareil photo. Reste que dans l’instant, il faut :
– croiser leur chemin, c’est-à-dire être à un moment A et à un endroit B, hasard qui peut donner l’impression d’être une bille dans un jeu de pachinko.
– Être pas trop mal placé par rapport à eux. Je sais qu’il est parfois tentant, face à certaines créatures, de les prendre par derrière -si j’ose dire, je suis même parfois le premier à succomber à ce genre de tentation. Mais parole ! prendre des photos de personnes de dos, c’est le vide absolu, foi d’Olrik ! Très rarement couronné de succès, à fuir donc, à moins que ce que vous ayez sous les yeux ait un aspect graphique vraiment attrayant (et par là je n’entends pas forcément un gros pétard).
– Avoir la conscience des réglages de sa bécane. Les photos loupées parce que j’avais oublié que j’étais sur 200 ISO et que mon entrée dans une sombre arcade commerciale nécessitait de passer à 800 sont hélas légion pour bibi.
– Avoir les mains libres à ce moment-là pour pécho l’animal. Là aussi, je plaide coupable : beaucoup de gazelles ou de pittoresques ojisans m’ont échappé alors que je déambulais comme un con sur le bitume, occupé que j’étais à bouffer avec une petite cuillère en bois une glace Meiji (de préférence à la vanille) :
La glace Meiji à la vanille, l’ennemie n°1 des photographes amateurs (clique pour voir la gueule que ça a)
Du coup, ça fait pas mal de paramètres qui ont intérêt à être parfaitement gérés compte tenu du fait qu’il n’y aura pas forcément grand monde à intercepter. Réellement, on n’est pas à Tokyo ou Osaka. Dans ces villes, on est un peu dans l’excitation d’un match de basket, avec la joie d’un panier toutes les trente secondes, tandis qu’à Miyazaki, on est plus proche du match de foot à l’italienne : si l’on rentre à la maison avec juste un but au score (comprenez une photo valable), eh bien on s’estime heureux. La faute vraisemblablement au gros complexe commercial Aeon, sorte de deuxième centre ville, plus excentré, qui vampirise le premier…
Bref, au moment où la photo du jour, il se trouve que votre serviteur n’avait justement pas la truffe collée à un pot de glace à la vanille et se trouvait attentif à ce qu’il se passait devant lui. L’oeil aux aguets, le doigt sur le shutter, je me tenais prêt à shooter le moindre sujet digne d’un peu d’intérêt. Justement, à un moment je tombai sur ceci (photo prise par derrière juste pour vous montrer hein !):
Note pour ceux qui seraient un peu lents d’esprit : le sujet « digne d’intérêt » n’est pas la bétonnière au fond.
Où donc se rendait cette intéressante créature ? qui était-elle ? aimait-elle les films de Sion Sono, les romans de Tanizaki et le soba ? Impossible alors de répondre à ces questions. Mais une chose était sûre : sa direction l’amenait à un endroit qui pouvait s’avérer intéressant photographiquement parlant :
Terrain de chasse d’Olrik
Oui, le gnou se rendait à l’arcade commerciale du centre ville, plus précisément au petit carrefour situé à peu près en son centre, là où se trouvaient le pachinko, le Mister Donut et les gros écrans d’informations. Aspirant une grande goulée d’air, je marchai alors du même pas que prend Steve Austin pour se rendre aux toilettes lorsqu’il a une grosse envie de pisser, je doublai la demoiselle avec la même aisance qu’Hinault en 1981 avec Van Impe, et allai me poster un peu plus loin à l’intersection, croisant les miches pour qu’un de ces petits événements propres au street shooting interviennent. Sur ce point, j’eus de la chance puisque j’en obtins trois, d’événements. La jeune femme s’arrêta tout d’abord à quelques mètres de moi pour sortir son keitai de son sac à main et tailler une bavette avec quelqu’un. L’air radieux qui s’épanouit alors sur son minois me laissa supposer qu’il s’agissait plus de son petit ami ou d’une copine plutôt que de son paternel. Puis, par derrière, arriva non pas Hard Gay mais un homme, le regard pointé vers un endroit plein à craquer puis au moment de la dépasser, vers le visage de l’heureuse propriétaire dudit endroit. La scène devenait plus intéressante surtout qu’au même moment déboulèrent dans mon champ de vision deux collégiennes sur bicyclettes.
clic
Hasard et mystères du street shooting. Quand ça veut pas, ben, ça veut pas. Et c’est lorsqu’on est sur le point d’abandonner et de se rendre au premier combini venu pour boulotter une glace que les éléments arrivent en nombre et se mettent en place comme par magie. La photo n’est pas non plus exceptionnelle mais enfin, il ne faut jamais cracher dans les ramens lorsque la hasard vous raboule gentiment quatre quidams « à un moment A et à un endroit B ».
La suite de l’histoire, elle est connue. je continuai mes déambulations et, un quart d’heure plus tard, alors que je repassais par l’arcade, je vis ma bijin accrochée non pas à son keitai mais au bras d’un vigoureux gaijin de petit ami en short. Non, la personne qu’elle avait au téléphone n’était sans doute pas son père…
De l’art de divertir avec une photo, et on se retrouve dans la brousse en train de chasser le gnou. J’en ai l’eau à la bouche…
Et le pire c’est que j’avais prévu au départ de poster une photo sans le moindre commentaire, ou alors juste une ou deux phrases. C’est plus fort que moi, les bijins au déhanchement lascif auront décidément ma peau !
Superbe récit de chasse, on peut pas dire qu’en France les proies soient de la même qualité. :sadface:
Je suis intrigué par le « magasin rigolo » aussi, on peut avoir des infos ?
J’étais sûr que quelqu’un me poserait la question !
Le magasin rigolo, c’est ça :
« Taro et Hanako », véritable petite caverne d’Ali baba spécialisée dans les objets propres à une culture populaire vintage. Cela va de la reproduction d’un vieux jouet de Tetsujin 28 aux cartes postales d’actrices japonaises des années 50 en passant par les T-shirt de Tetsuwan Atomu ou les petites toupies en bois auxquelles jouaient les grands-parents des petits japonais de maintenant. J’y ai claqué pas mal de yens mais je ne le regrette pas. Tiens, mate-moi donc ça :
Sympa, mon mug Astro vintage, hein ? C’est celui que j’utilise lorsque j’écris du chef d’oeuvre pour bdJ ou Drink Cold. J’ai aussi une tirelire Peko chan mais là, excuse moi, pas de photo, franchement olé olé comme objet, j’ai un peu honte.
Pour satisfaire totalement ta curiosité, va donc jeter un oeil sur ce lien :
http://taro-hanako.com/
Je m’en vais quant à moi rajouter l’url de cet indispensable magasin dans ma section « liens ».
Ah stylé ce p’tit billet ! Avec cette anecdote, tu rends bien la difficulté du street shooting. Comment ne pas se projeter sous tes traits ? On est tous passé par là. Argh, je repense à toutes les photos loupées qui auraient pu être franchement pas mal.
Sans ça, très sympa la bijin. Ça nous perdra tous, je pense. 😉 La première photo est très cinématographique en tout ça. Je verrais bien une caméra la suivre à cette distance en maintenant ce cadre. Le mystère qui entoure sa déambulation jusqu’à… l’homme en short ! Merde !
PS : j’aime bien ton briquet… 🙂
Sympa ce magasin en effet, y’a du potentiel. Mais après je sais pas s’ils livrent en France pis de toute façon j’ai pas trop de sous.
Sinon, le mug est cool, mais le briquet a de quoi lui piquer la vedette sur cette photo. 😛
@ I.D. :
Même avec le gaijin en short, la belle avait un certain style. Quand je suis tombé sur le couple quelques minutes plus tard, j’ai pas pu m’empêcher de remettre ça :
Sont-y pas mignons, ce chêne robuste et viril et ce roseau souple comme une liane, tout deux sortant d’une arcade humide et gagnant la clarté de leur amour et de… euh… d’une rue avec un camion, des bagnoles et des câbles électriques.
Pour le briquet, voir plus bas.
@ Zoda :
Ils livrent à l’international mais, comme d’hab’, ça doit douiller.
Pour le briquet, il faisait partie d’une série de trois faisant la promotion d’un pachinko. Voici l’autre face :
Mate ce petit minois d’étudiante modèle ! Toi qui dois passer des partiels, voilà ce qu’il te faudrait. Idéal pour décompresser lors d’une pause clope en plein milieu d’une épreuve.
Quand j’y pense, faudrait que je fasse une rubrique du genre « la malle aux trésors d’Olrik ». avec tous les trucs à la con que j’ai ramené de là-bas, il y aurait de quoi l’alimenter, moi je vous le dis !
Pour une rubrique du genre « la malle aux trésors d’Olrik » ! ^^ La rubrique idéale pour se poiler et s’émerveiller tout en même temps…
Jolie photo celle-ci aussi. J’aime bien. L’effet contrasté est pas mal. La sortie de l’arcade mouillée vers cette lumière qui va bientôt les envelopper… ça le fait. T’es un sacré numéro en tout cas. Ce que je donnerais pas pour t’observer à shooter tout ces passants, surtout les suivre, les dépasser et j’en passe. Ça doit être un spectacle sympa.
« Ça doit être un spectacle sympa. »
Oui, mais pas dans le sens que tu crois. En fait, devant toutes ces photos de passantes qui se donnent à mon objectif, j’en suis arrivé à cette conclusion : je dégage tellement de sexe à piles et de mojo que les japonaises font EXPRÈS de m’attendre à chaque coin de rue pour se mettre à marcher devant moi en trémoussant du valseur. A part ça je vois pas d’autres explications.
C’te chance.
Sinon je ne fume pas, je me drogue à la musique uniquement. Mais le feu c’est cool.
Et j’ai jamais mis les pieds dans un pachinko, j’avais pas l’âge légal quand j’étais là-bas. 🙁