Les joies du joya no kane comme si vous y étiez

J’ai évoqué la dernière fois la fabuleuse prestation de Kitano lors de la grande messe cathodique de l’Ōmisoka (le réveillon de fin d’année) qu’est le Kouhaku. Eh bien il faut savoir qu’il ne s’agit pas de l’ultime grande messe puisqu’il en est juste après une autre, et qui se payer en plus le luxe d’être la toute première de l’année suivante.  ゆく年くる年 (Yukutoshi kurutoshi) se paye en effet le luxe de faire la bascule entre les deux années, et cela remonte à encore plus loin que le Kouhaku puisque l’émission a d’abord été radiodiffusée à partir de 1927, soit deux années après le début de la radiodiffusion au Japon. Pour la télévision, l’émission a commencé dès 1955, suivant de peu la première édition du Kouhaku (en 1953).

A la maison, depuis que l’on a pris l’habitude de passer le réveillon en famille sur les tatamis à mater le Kouhaku tout en dégustant les mets concoctés par Madame, c’est une émission que l’on ne rate jamais. Madame, qui n’est pas plus que cela en manque de la TV japonaise (qui s’en fout complètement à vrai dire), est alors particulièrement attentive aux trente minutes de Yukutoshi kurutoshi, et je dois dire aussi que je n’en perds pas une miette.

Et pas uniquement parce que l’on y voit des bijins présentatrices de la NHK

Pour vous donner une idée du contenu, c’est un peu comme si en France on avait une émission qui plongerait le spectateur, en live, dans cinq églises emblématiques au moment de la messe de minuit, le soir de Noël. Présenté comme cela, l’intérêt paraît improbable surtout pour qui se moque pas mal des bondieuseries. Mais au Japon, c’est évidemment autre chose. Dans le YK, il s’agit de visiter de découvrir l’activité d’une petite dizaine de temples se situant dans n’importe quelles des grandes îles japonaises, au moment des 108 coups de gongs qui sonnent le glas de l’année écoulée et qui célèbrent en même temps l’arrivée de la nouvelle année (cérémonie appelée Joya no kane).

Quelques uns des temples de l’édition 2019-2020. 

L’ambiance est solennelle, les bonzes s’activent chacun à leur manière, d’après le rituel qui est propre à chaque temple. Ainsi le Chion-in de Tokyo et sa gigantesque cloche que va retentir sous l’action de plusieurs bonzes aux mouvements parfaitement réglés.

J’ai évoqué dans un article le plaisir que j’avais à entendre les bonshos, et je ne peux qu’imaginer celui qu’il doit y avoir a les entendre retentir dans la nuit et le froid, au moment du nouvel an.  Certainement le genre d’instant que je vivrais chaque année si j’avais la possibilité de vivre au Japon. Le ゆく年くる年 permet de ressentir un peu de la magie de ce moment, tout en donnant à voir aussi les festivités qui accompagnent la célébration de la nouvel année. Car on reste pas dans son coin à méditer façon zen les 108 coups de bansho. On s’agite un peu aussi, comme dans ce temple qui ouvre ses portes dès minuit sonné Dans tel temple à Hokkaido on aura droit à des taikos sur la neige, avec feu d’artifice à l’arrière plan :

Un autre dispose d’un atelier de calligraphie qui permet aux gens d’écrire des cartes de vœux :

Et certains ont l’air de bien toucher leur bille dans cet exercice.

… tandis que dans un autre, éclairé de manière sophistiqué, une salle a été aménagé pour permettre à des convives de manger et de trinquer encore davantage, histoire d’être bien sûr d’être nazes le lendemain :

Bref, l’ambiance est solennelle mais pas trop non plus. Le sérieux de la chose était davantage soulignée dans des émissions plus anciennes (voir vidéo plus bas). Mais maintenant, on vient aussi bien pour faire sa première prière de l’année que pour profiter de l’atmosphère du lieu, de s’amuser un peu comme dans un matsuri. L’été, c’est chaud partout. Là, c’est froid à l’extérieur, chaud à l’intérieur, de quoi bien négocier le cap de l’Ōmisoka

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