La Femme d’eau (Mizu no onna)
Hidenori Sugimori – 2002
Tiens ? Un film de 2002 Tadano Asano. Et, tiens ? avec dans le rôle principal la chanteuse UA. Et qui est à la réalisation ? Un certain Hidenori Sugimori. Connais pas. Allons voir sa fiche sur Imdb : c’est son unique film. Un coup d’oeil sur sa fiche japonaise de Wikipedia : a travaillé à la NHK, avant de travailler comme directeur commerccial d’ Asahi Beer Super Dry pendant six ans (WTF ?!). A ensuite réalisé Mizu no Onna, avant de faire un court métrage, de réaliser une pub pour Danone. On apprend enfin qu’« il travaille principalement sur la vidéo, l’événementiel, le branding, le concept design, etc. Il est particulièrement doué pour les présentations, avec un taux de réussite de plus de 85 %. »
Bon, je ne savais pas si tout cela était bien engageant, mais j’ai quand même décidé de donner sa chance au film. Et puis, bon, une histoire qui se passe dans des bains publics, comme l’évoquerait un des personnages au début du film, c’était peut-être l’assurance de se rincer l’œil dans les bains réservés aux femmes (et c’est le cas). Et puis, le pitch était tout de même engageant :
Ryo Shimizu (UA) est une « femme de l’eau », comprenez que lorsqu’il lui arrive quelque chose d’important, il se met à pleuvoir. Ajoutons à cela que son nom signifie « eau claire et froide », que son signe astrologique est poisson et qu’elle tient un sentô. Bref, l’eau, tout la prédisposait à l’incarner. Un jour, un fourgon policier circulant non loin a un accident, libérant dans la nature un prisonnier, Yusaku Miyazawa (Tadanobu Asano). Lui, c’est le feu qu’il préfère puisqu’il s’agit d’un pyromane récidiviste. Il fait la rencontre de Ryo (qui ignore d’où il vient) et ça tombe bien : l’employé qui s’occupait de la gestion des bûches pour le four chauffant l’eau de son sentô a disparu. Quel meilleur métier pour Yusaku ? Dès cet instant le feu va côtoyer l’eau, et un lien intime va naître…
Un seul film donc, et on peut le regretter. Car sans être non plus un chef-d’œuvre, le film propose deux agréables heures contemplatives dans un bled perdu, avec une assez belle photographie aux couleurs froides, et dans l’un de ces sentôs de plus en plus rares au Japon où une vaste fresque du mont Fuji orne le mur principal (un truc qu’il faudra tout de même que j’expérimente lors de mon prochain séjour au Japon). Le genre de film qui pourra vite ennuyer le spectateur pas forcément familier de ces films lents japonais de ce début de décennie (c’est à peu près l’époque d’Eureka, de Shinji Aoyama), mais qui saura plaire à l’initié. D’autant qu’il y a la surprise de voir UA (et sous toutes les coutures car la chanteuse n’hésitera pas, sentô oblige, à se dévêtir) dans un rôle peu ordinaire. J’ai toujours trouvé qu’il y avait quelque chose d’étrange, d’atypique dans son physique et dans sa voix. Ne correspondant pas vraiment aux canons de beauté japonais, elle convient parfaitement dans ce rôle de femme de l’eau et est plutôt convaincante dans sa manière de jouer (après, ce n’est pas non plus un rôle demandant de gros efforts). Quant à Asano, c’est un de ces rôles sobres auxquels il était habitué à cette époque, donc pas de surprise (envie de le revoir dans l’excellent The Taste of Tea, où son personnage était plus expressif). Enfin, cerise sur le gâteau, pour son unique film Sugimori a pu s’allouer les services de Yoko Kanno pour le score. Comme à son habitude, la compositrice a su tirer le meilleur des images. A cela s’joute une petite découverte musicale, celle de la chanson Ame ni Nureta Bojou (l’amour trempé par la pluie, titre de circonstance…), de Naomi Chiaki, avec une ambiance musicale qui m’a fait penser au Blue Light Yokohama d’Ayumi Ishida.
Deux heures bleutées, humides et musicalement élégantes donc, dans ce qui restera probablement un « one shot » dans la filmographie d’une réalisateur travaillant maintenant dans le branding. Une curiosité qui, pour celui qui, comme moi, aime particulièrement le cinéma japonais de cette époque, a de quoi faire passer un bon moment.
7/10