There is a stone (Ishi ga aru)
Tatsunari Ôta – 2022
Après la slow TV, voici le slow cinéma. There is a stone est à ranger à côté des œuvres telles que L’Homme qui marche, de Jirô Taniguchi, c’est-à-dire des œuvres qui s’attardent sur la beauté du quotidien, de l’insignifiant, et sur le plaisir qu’ils procurent. La différence est qu’il faut à peine cinq minutes pour lire un chapitre de L’Homme qui marche, tandis que là, « l’histoire » s’étale sur 1H40. Durée durant laquelle il se passe quoi ? La jeune femme qui descend d’un décor montagneux, qui joue un peu au foot avec des écoliers, puis qui reprend sa marche, qui tombe sur l’homme inconnu, qui apprend l’art de faire des ricochets, qui joue avec des bâtons dans l’eau, puis qui remarche, avant de reprendre son train pour retourner chez elle.
Je pensais qu’après des films comme Eureka (3H30) de Shinji Aoyama, on pouvait difficilement faire plus lent et contemplatif. Eh bien c’était que je n’avais pas encore vu There is a stone. Forcément, on est d’emblée tenté d’y apposer l’étiquette « foutage de gueule » tant Ôta use et abuse de plans séquences (comme il avait pu le faire dans Bundesliga, son film de fin d’études pour la TUA) où il ne se passe rien. Et comme je n’étais pas forcément d’humeur ce soir-là, j’avoue avoir allégrement appuyé sur la touche de ma télécommande pour avance à coups de tranches de dix secondes.
Cela dit, un coup d’œil sur sa réception lors de la Berlinale 2023 où il fut projeté lors d’une sélection parallèle montre une estime certaine de la part du public allemand (et même anglophone pour ceux qui ont pu le voir dans leurs frontières). Finalement on est dans une proposition de cinéma qui fait écho à celle qu’a pu constituer le Nouveau Roman pour la littérature, avec un refus des vieilles recettes narratives, de la caractérisation des personnages, d’explicitation de ce qui les motive. Pour ma part, un lien m’a semblé évident avec Bundesliga. Il y a cette impression d’un temps qui aimerait se figer dans l’enfance. C’est évident avec la demoiselle qui est d’emblée alpaguée par des gosses jouant au foot (comme s’ils avaient senti qu’elle était « l’une des leurs »), et encore plus pour l’homme inconnu dont on comprend qu’il est seul, qu’il n’a probablement ni père ni mère, et encore moins des enfants. Pourtant, c’est un homme cultivé, comme le montre les piles de bouquins dans son salon dans la rare scène d’intérieur du film. Mais son savoir ne lui apparemment servi à rien puisqu’il préfère user de son temps au bord d’une rivière, à faire des ricochets et à chercher la pierre idéale. Est-ce déprimant ou réconfortant ? Ôta se gardera bien d’influencer l’avis du spectateur (par exemple en usant d’une musique trop expressive). Et pour ma part je me garderai bien de distribuer une note définitive. Devant la masse de biopics ou de films insignifiants appliquant les « vieilles recettes », je préfère me dire : « pourquoi pas ? »
5/10