Beck (2004)

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Yukio, collégien sans histoire et amateur de J-pop, va un jour faire la rencontre de sa vie : non pas une meuf mais un gars au cheveux longs, Ryusuke, ex-membre d’un fameux groupe de rock. Très vite Yukio va découvrir la scène rock indé et y succomber en se mettant à fond à la guitare. Et très vite aussi, Ryusuke, en quête de nouveaux membres pour fonder un groupe, va saisir tout le potentiel qu’a en lui Yukio…

Revisionnage de Beck après 10 ans déjà et le moins que l’on puisse dire est que la série tient encore la route. Adapté du manga d’Harold Sakuichi, les 26 épisodes tranchent dans le lard, évacuent nombre de passages pour tisser une histoire qui se tient de bout en bout avec une succession d’étapes qui vont amener Yukio à mûrir et à développer les talents de guitaristes ou de chanteur. Sortie de l’adolescence, découverte de l’amour avec Maho, la sœur gironde de Ryusuke, entrée au lycée, nécessité de s’imposer des choix pour son avenir et, bien sûr, passion pour le domaine sur lequel il a jeté son dévolu, on retrouve tous les ingrédients du récit d’apprentissage à la sauce shonen mais, mixés dans une thématique rock et associés au trait rond de Sakuichi, ils apparaissent suffisamment fins et originaux pour que le spectateur s’enquillent sans sourciller les 26 épisodes et ce, sans prouesses techniques notables. L’animation est terriblement minimaliste, et même parfois franchement déglinguée lors de scènes de dialogues où les mouvements des lèvres ont bien du mal à être synchro avec les mots. Et je ne parle pas des scènes de concert, surtout lorsque l’on a vu (et admiré) certains passages de Kids on the Slope. Mais ce n’est pas grave et on aurait bien tort de faire la fine gueule à cause de cela tant la réussite narrative prend le pas et incite à fermer les yeux sur une animation raide et un graphisme qui, pour joli qu’il soit, reste bien lisse, trop lisse, à l’image finalement des principaux protagonistes.

C’est l’autre petit reproche que l’on pourrait lui faire. Pour un anime qui s’attache à la scène rock underground de tokyo, on aimerait que ça sente un peu plus la clope, la bière et le sexe. Ryosuke raboulle bien de temps à autre des groupies chez lui mais, la plupart du temps, les cinq garçons de Beck mènent une vie bien sage.

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Trop chaud Ryusuke !

Mais si l’on tient compte des limites dues à l’âge du lectorat de Sakuichi, ce portrait d’une jeunesse en quête de quelque chose sort des sentiers battus, reste convaincant et, dans l’ensemble, demeure attachant. Il faut dire que Sakuichi a un certain talent pour inventer des personnages secondaires originaux. Sato sensei, le quinquagénaire champion de natation, connaisseur de rock et amateur de fesses, le patron chevelu d’un magasin de guitare ou encore la divine Momoko sensei :

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Une prof de musique comme j’eusse aimé en avoir au collège.

Ces personnages (il y en a bien d’autres) apportent une caution humoristique bienvenue. A l’opposé, Beck fait aussi volontiers dans un registre réaliste. Ainsi les scènes de la vie lycéenne mais aussi celles de la vie d’un petit groupe de rock, avec ses obstacles à surmonter (constituer un groupe, gérer des personnalités, trouver une harmonie entre les différents musiciens, surmonter le stress du live, se faire connaître…) ainsi que de nombreux décors passablement chiadés permettant de donner corps à un Tokyo urbain et à sa scène rock :

Enfin, le connaisseur ne peut qu’apprécier les multiples références au blues, au rock et même au cinéma puisque personnage de réalisateur, un certain Jim Walsh, est le parfait sosie de Jim Jarmush :

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Pour la musique, il y a la fameuse guitare de Ryusuke, prénommée Lucille, et qui est un clin d’œil à la guitare de B.B. King tandis qu’un personnage de vieux bluesman évoque directement John Lee Hooker. Et les t-shirts arborés par Yukio (la banane de la pochette de Velvet Underground and nico, les Ramones) ainsi que les nombreuses références rock des dialogues (Happy Mondays, Pink Floyd…) achèvent d’effectuer un décentrement culturel rarement vu dans une série animée japonaise.

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Pas l’animé du siècle, encore une fois assez pauvre techniquement (après, il faut être une bonne crêpe pour exécuter cette série à cause de cela comme j’ai pu le lire ici et là sur le net) mais très réussi dans son côté récit d’apprentissage adolescent et dans sa volonté de faire de la musique rock son personnage principal. Quant à la musique proposée pour rendre concrets les morceaux joués par Beck, elle pourra apparaît en fonction des goûts comme le principal défaut. Dans le manga, tout était une affaire d’imagination. On comprenait dans certaines planche que les musiciens du groupe étaient parfois touchés par la grâce et parvenaient à atteindre des sommets. C’était la force du manga mais aussi, paradoxalement, sa limite puisqu’il pouvait paraître étrange de voir des cases silencieuses supposées rendre compte d’une furie sonore quasi extatique.

Dans l’animé, impossible de jouer la carte du silence. il a donc fallu se lancer et proposer des chansons et, surtout, une voix à Yukio dont les talents de chanteur sont présentés dans le manga comme fabuleux. Or les morceaux, la voix du doubleur japonais et son accent lorsqu’il chante en anglais, même s’ils ne sont pas non plus désagréables, échouent à restituer la magie supposée de la musique du groupe. Reste une consolation : se dire qu’on a échappé à un J-rock sans saveur qui aurait complètement dénaturé le propos de Beck, animé qui a le mérite d’avoir en ligne de mire toute une culture de mass media dont le symbole est le groupe Belle Âme, groupe de petits minets dont les revenus faramineux sont inversement proportionnels à l’originalité musicale.

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6 Commentaires

  1. Ça fait des années que ma copine me tanne pour que je regarde… Et maintenant, toi aussi ?!

    Allez, j’essaierai de caler ça entre deux épisodes de Triage X…

    A.rnaud. Kill la Kill, samedi seulement

  2. Triage X, Kill la Kill, tu m’as l’air de bien te donner en matière d’anime remplis de fan service.Note bien que je ne critique pas hein ! j’aurais même plutôt tendance à approuver. C’est juste que si tu prévois de mater Beck sans transition (au passage ta copine est sûrement quelqu’un de bien pour avoir si bon goût), tu risques de le sentir passer. Ménage l’écoute de quelques albums de rock entre les deux, ça peut aider.
    Olrik, be bop euh… loula.

  3. Le gif de la prof de musique doublé de l’usage du plus que parfait du subjonctif me fait sentir tout drôle. (je devrais faire un gif d’Emmanuelle Devos dans Les Beaux Gosses, y a le même érotisme fugace tiré d’un plan comparable).

    Sinon, Beck, on sait pas si c’est pour Jeff (le gratteux virtuose) ou Hanson (le scientologue hipster/loser devenu relou).

    • Me souviens plus du toute d’Emmanuelle Devos dans les Beaux Gosses.
      Pour le nom de Beck, c’est évidemment en référence aux deux mais c’est surtout le nom de l’horrible clébard de Ryusuke (cf. 1ère image). Ça fait longtemps que j’ai un peu perdu de vue la carrière de Beck (Hanson). Apparemment je n’ai pas perdu grand chose. Mais pourquoi « relou », qu’a donc fait le malheureux ?

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