Tadao revient à la maison familiale après un séjour à Tokyo. Taciturne, il trouve un petit boulot de réparateur d’appareils électrique et reprend contact avec un ami, Tetsuji, qui lui aimerait bien au contraire quitter la campagne pour monter à Tokyo afin de collectionner les conquêtes féminines…
Belle incarnation du jeune homme frustré par Kenichi Kaneda (Tadao), qui a toutes les peines du monde à faire le point sur sa sexualité. Ironiquement, le film commence en nous montrant un couple nu dans une chambre d’hotel et qui vient sans doute de faire l’amour. La femme entend du bruit à l’extérieur, se lève et et regarde par la fenêtre : c’est un jeune homme que la police semble arrêter. Il nous restera à connaître la raison de cette arrestation et le flashback à venir s’en chargera mais la sensualité froide et bleutée de ce couple annonce la thématique à venir et annonce l’ultime scène qui se passera, elle, sous un soleil écrasant. Le film va en effet chercher à mettre la lumière sur les sentiments cachés de Tadao, et la vérité ne sera pas belle à la fin.
On devine très vite qu’il s’est passé quelque chose à Tokyo qui a valu ce retour impromptu. Ou plutôt, qu’il ne s’est justement rien passé. Avec le discours de Tetsuji pour qui lever des femmes tokyoïtes doit évidemment se faire avec facilité, on imagine volontiers Tadao être monté à la capitale pour échapper à sa solitude intime mais en être revenu après avoir fait chou blanc.
Mais avec dorénavant des sentiments mêlés qui vont compliquer sa tâche d’avoir une relation. D’un côté une machine à fantasmes située sous son crâne qui lui fait imaginer les femmes qu’il côtoie dans de curieuses positions :
De l’autre une incapacité à franchir lepas quand l’occasion se présnte. La belle Akemi, hôtesse dans un bar, lui propose-t-elle de l’attendre à l’heure de fermeture qu’il refuse aussi sec. Tadao, c’est une virilité fantasmée de pacotille (des plans nous le montre en train de rêver sur un adepte de moto-cross !) alliée à la peur d’un petit garçon terrifié par ce que peuvent faire un homme et une femme (alors qu’il fera le voyeur pour épier trois jeunes filles dans leur appartement, une image lui viendra à l’esprit, celle de sa mère et de son père surpris en train de faire l’amour).
Réparer un transistor semble être le moyen d’y échapper mais dès que Tadao sort de chez lui, l’obsession reprend. Il faut dire que tout dans les paysages semble être là pour le narguer. Fertilité de la nature, courbes vallonnées, eau pour y faire trempette, la nature semble être la Scylla évocatrice de ses désirs répondant à la Charybde tokyoïte.
Pire, lorsqu’il se rend à des aires de loisirs situées à côté d’un lac ou d’une rivière, c’est pour y trouver des tentations ou des couples qui ne embarrassent pas « de le faire » à proximité. Et quand en plus son pote Tetsuji lui annonce qu’il s’apprête à partir avec une fille à Tokyo, la coupe est pleine : il le dissuadera avec virulence de mener son plan à exécution.
Conte cruel et lubrique de la jeunesse, Mahiru Nari est une plongée dans la psyché frustrée d’un jeune homme formellement réussie. Koichi arrive parfaitement à mettre en scène le hiatus entre le jeune homme et un environnement tout à ses loisirs mais peu disposé à lui offrir une réponse à ses attentes (et lui n’est guère disposé non plus à recevoir). Avec un talent particulier pour la transcription à l’écran de l’éveil, ou plutôt du désir de la sensualité. Une silhouette, un chapeau de paille ou un téton dépassant d’un chemisier, c’est une sensualité toute graphique qui montre combien l’apparence tranquille de Tadao est trompeuse. Il finira par obtenir ce qu’il cherche, mais il n’y aura pas de quoi pavoiser…