Comme il était beau ce thon rouge que je photographiai en ce samedi 25 juillet 2009 ! Enfin, cinq minutes avant cette photo, avant qu’un type ne s’approche de lui avec un couteau plus tranchant que le katana d’Itto Igami et ne le dépiaute avec une dextérité et une rapidité proprement impressionnantes. Pauvre thon, pauvre de lui ! Mais bienheureux ceux qui ont pu goûter de sa chair dans les instants qui suivirent.
Finalement, aller à ce petit matsuri durant ce temps de chien s’était avéré une bonne idée. La luminosité n’était pas bonne, ce n’était pas la peine de se rendre au centre ville pour faire de la photo de rue. Après une petite halte à Aeon (gigantesque centre commercial à côté duquel les Géant Casino ont l’air de vulgaires Lidl) pour du shopping sans but, direction donc ce matsuri que j’avais déjà pratiqué trois ans auparavant (mais sous un soleil de plomb). Rien d’extraordinaire pourtant dans ce festival en l’honneur de la mer et se déroulant non loin du port de Miyazaki. Pas de folklore exubérant, de danses hautes en couleur, de chars bariolés ou de rites spectaculaires. Non, juste quelques stands de bouffe, des jeux pour les enfants pour le moins originaux (chopper à la pogne des anguilles dans un bassin), une scène pour des jeux et des numéros de danse et… une tente pour faire la fête à ce thon donc.
Je le répète : 5 minutes, 300 misérables secondes ont suffi pour transformer un thon bien replet en ce sinistre cadavre. Du coup, je me dis que s’il y a bien un animal en lequel je n’aimerais pas me réincarner, c’est bien le thon rouge, à fortiori lorsqu’il s’agit d’un thon rouge vivant non loin des côtes japonaises. Vous êtes bien, vous êtes gorgé de graisse à force de bien bouffer quant vous êtes tout à coup pris dans les filets d’un chalutier et vous vous retrouvez quelques heures après devant les yeux affamés d’une cinquantaine de Japonais avides de vous voir découper en centaines de petits morceaux.
T’en fais pas garçon, tu va les avoir tes morceaux de thon gratis.
On peut évidemment rêver mieux comme destinée. Mais comme quatre-heure, pardon ! le thon rouge accompagné d’un zest de sauce soja se pose là. J’y reviendrai. Avant cela, évoquons cette séance de découpage qui s’est déroulée en un éclair et dans un silence quasi religieux. Un gars donc, s’est approché de la bête muni d’un ustensile situé quelque part entre le couteau de cuisine et la machette. Manifestement, lacérer, trancher, couper, débillarder, délarder, écouer sont des mots qui font partie du dico perso du gus. À peine le temps de jongler maladroitement entre mon réflex et ma petite caméra vidéo qu’un tonnerre d’applaudissement retentit pour saluer la performance de l’artiste.
Les morceaux ont été apportés au fur et à mesure dans la tente juste à côté, ne restait plus qu’une carcasse dérisoire qui n’amusaient plus que les frimousses de quelques gamins. Les adultes, eux, ont tout de suite pigé où se trouvait l’intérêt : dans cette tente où une petite armada de marins pêcheurs s’activaient pour réduire les quatre cinq masse de chair rouge en une kyrielle de petits cubes prêts à être répartis dans des barquettes en plastique, barquettes qui ont alors été distribuées aux gens.
De ma vie je n’ai vu autant de tranches de thon découpées à la minute.
Ici, il faut vous dire que l’addition BOUFFE+GRATUIT fait toujours tilt dans l’esprit des Japonais. Et quand en plus la bouffe en question s’avère être du thon rouge, il n’y a plus rien à faire : aussitôt une queue de plusieurs dizaines de mètres s’est mise en place afin d’accéder à ce fin du fin culinaire. Je me souviens avoir hésité un court instant puis avoir préféré laissé tomber, un peu goguenard devant cette file d’attente bien disciplinée. J’ai finalement bien fait car une dizaine de minutes plus tard, afin de mettre fin à la queue qui de toute façon avait bien diminuée, une bénévole s’est mise à distribuer aux alentours de la tente les précieuses barquettes. Sans avoir rien demander, j’ai eu la chance d’avoir quelques une de ces tranches rectangulaires. Bon, je ne vais pas non plus faire le candide, le thon rouge, je connaissais. Mais dans ces circonstances, quelques minutes après un dépiautage cérémoniel, non. C’est le petit plus suggestif qui va donner un je ne sais quoi d’orgasmique à la première bouchée. Franchement, c’était exquis, et je pouvais comprendre pourquoi des acharnés acceptait sans sourciller d’attendre un quart d’heure dans une queue afin de boulotter quelque chose qui allait prendre deux minutes pour rejoindre leur estomac.
Tenez, un petit montage pour vous donner une idée. Excusez la qualité, la vidéo n’est pas tellement mon truc :
Après tant d’émotions gustatives, moi je dis qu’il faut toujours un pousse-café ludique. Direction la scène où se tenaient des numéros de danse. Pas de danses folkoriques, on était plutôt dans le genre streetgroovyhipopesque. Pas ma tasse de thé, en fait je n’y connais rien, mais je ne pouvais que reconnaître un certain savoir-faire aux différents participants. Mention spéciale à une minuscule gamine de 7-8 ans, impressionnante de technique.
Mais ceci n’était rien par rapport à ce qui suivit. Ce qu’Olrik et Olrik Jr attendaient fébrilement depuis vingt bonnes minutes, c’était ceci :
Ce bon vieux Ultraman, enfin Ultraman Max pour être précis, étalait devant nos yeux émerveillés sa palette de coups spéciaux dans la gueule de kaijus aussi antipathiques qu’agressifs. Que du bonheur, à part peut-être pour la sono qui m’a fait siffler les oreilles pour toute la soirée. Après avoir botté le cul aux deux kaijus, nous avons eu droit à une mi-temps éducative. Très important l’éducatif, surtout lorsqu’il concerne le tri des déchets. La miss jupette, épaulée par Ultraman, asséna ses arguments écolo devant un public tout oreille.
« Ultraman Max, trions les déchets, d’accord?
– Désolé mais moi je sauve le monde, j’ai un peu autre chose à foutre là »
La récompense de cette bonne écoute fut évidemment une deuxième mi-temps avec un re-bottage de culs de kaijus. À la fin, Ultraman descendit de la scène et j’eus droit à ce mémorable moment :
Rencontre de deux légendes : dans quelques secondes Ultraman va serrer la main à Olrik Jr.
La fierté d’un père tient parfois à peu de choses, moi j’vous l’dis. En tout cas, juste après une mémorable séance photo, il ne nous restait plus qu’une chose à faire : courir ventre à terre jusqu’à la caisse pour fuir la méchante averse qui s’était mise à tomber. De toute façon, il était l’heure de prendre l’apéro avec beau-papa et de goûter aux tempuras préparés par belle-maman. Douces journées d’été au Japon : même quand il y a un temps de chiottes, tout se termine toujours autour d’un bon banquet, comme dans Astérix.