(The DC Archive) Le professeur Harada et ses merveilleux fous volants (1ère partie)



On le croyait paumé dans le blizzard de son Hokkaido natal, ou plongé dans un état d’hibernation prolongé voire même capturé par des aliens jaloux que l’espèce humaine puisse posséder un tel génie. Plus simplement, définitivement perdu dans les limbes du net. Rien de tout cela en fait. Grâce à mes articles qui n’ont pas peu contribué à la faire mondialement connaître, Harada a pu user de sa nouvelle notoriété pour opérer un virage à 180° dans sa carrière et obtenir le poste dont il rêvait par dessus tout :

Chorégraphe dans un strip club de Bangkok

 

Las, cette reconversion ne s’est pas faite sans casse puisque Madame Harada a aussitôt demandé le divorce et l’on retrouve du coup bien moins souvent la trogne de l’inventeur du ski jumping pairs (oui, oui, vous avez bien lu) dans les pages de Science et Vie. N’importe, Harada est un homme heureux et tellement plein de ressources que vous pouvez être sûrs qu’au-delà de l’apparente futilité de son nouveau job, le cerveau du génial professeur a forcément imaginé d’incroyables expériences de physique expérimentale (comme dirait Voltaire) à mettre en oeuvre avec ses nouvelles élèves. Je compte d’ailleurs sur la bonne estime qu’il a toujours eu de moi pour me donner la primeur de ses résultats (et d’ailleurs, s’il faut mettre la main à la pâte, qu’il sache que je suis parfaitement dispo). En attendant, c’est le moment de reprendre notre bonne vieille machine à remonter le temps et de nous replonger dans cet article du 4 avril 2010, premier d’une série de quatre. Si vous aimez les savants fous, le ski, les bijins dénudées et les viennoiseries, ça peut vous plaire…

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Cet article est dédié à la mémoire de Toshifumi Harada

et de son fils Akinori.

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Je l’avoue, l’idée de la devise olympique

m’est venue lorsque j’ai découvert Drink Cold.

Pierre de Coubertin

En effet, plus que jamais, « Plus vite, plus haut, plus fort » est une devise qui s’applique à 100% à la rédaction. Dans son délire mégalomaniaque de concurrencer absolument tous les domaines de la presse française (de Maisons & Jardins à Alternatives Economiques en passant par Astrapi), Clarence Boddicker m’a chargé de ridiculiser Science et Vie afin de leur siphonner leurs lecteurs. Pas forcément évident, comme si écrire un article « simple » pour DC ne demandait déjà pas assez de déviance mentale comme cela. Et puis moi, les sciences, vous savez…

Brèfle, durant quinze jours, je me suis rendu dans une lamasserie afin de méditer une idée d’article. Mes armes :  10 almanachs Vermot dans le but d’affuter mon art (très perfectible) du calembour, mais surtout 20 VHS bourrées jusqu’à la gueule d’épisodes de C’est pas Sorcier.  À vrai dire, c’était surtout  C’est loin d’être gagné, la panique commençait même lentement mais sûrement à m’envahir lorsque soudain…

 

 

En fait, je me souvins de la vacuité de ce pseudo évènement que furent les J.O. de Vancouver. Seigneur Marie Joseph quel ennui ! Eventuellement, un ski cross m’avait parfois un peu tiré de ma torpeur, les trognes hurlantes des joueurs de curling m’avaient amusé, mais que cela avait été maigre ! D’ailleurs, quand on y réfléchit, vous voyez un seul sport d’hiver intéressant, vous ? Franchement, à part le curling de l’ère Meiji

Le cochonnet s’appelait alors la cochonnette.

… je ne vois pas. Enfin, si justement, j’en vois un et, devinez quoi ? Quel pays en est le glorieux inventeur ? Hmmm ? Vous dites ? Le Japanisthan ? Mais comment avez-vous deviné, vous avez un don ou quoi ? En tout cas, voui, il existe bien un sport d’hiver qui surpasse Cochonnette. Mais il faut ici bien reconnaître que c’est une discipline largement méconnue du grand public et qui n’a jamais trouvé grâce aux yeux des vieux tromblons du Comité Olympique. Trop dangereux pour les uns, pas assez sérieux pour les autres, ces jugements masquent en fait une autre réalité : les athlètes se distinguant dans cette extraordinaire discipline sont des sportifs qui dérangent. Dotés de capacités physiques que l’on croyait réservées aux héros de tokusatsu, mais aussi pourvus d’un sens de l’humour qui ne fait pas toujours l’unanimité, ces gars-là ont les moyens de briller dans n’importe quelle discipline. Ils pourraient amasser des millions mais non, leur truc, à eux, c’est le…

SKI JUMPING PAIR

Tout commence en 1945 avec la naissance du professeur Toshifumi Harada dans la petite ville d’Asahikawa, au sud d’Hokkaido. Quand on est un gamin et que l’on vit dans cette contrée, il y a de fortes chances pour que le ski devienne une de vos activités favorites. Harada n’échappa à la règle. Mais l’amour des pistes fut assez vite concurrencé, dès l’âge de sept ans, par une passion, plus intellectuelle celle-là, pour la grande idole de sa vie : Albert Einstein. En fait, Harada, c’était un peu Agnan dans le petit Nicolas, le petit binoclard qui a réponse à tout, qui surveille la classe quand la maîtresse s’absente pour faire des photocopies, qui énerve, forcément, et qui s’étonne de devoir se rendre tous les quatre matins avec sa maman chez l’opticien pour réparer ses lunettes cassées. Harada avouera avoir subi desijime mais considèrera paradoxalement que les cirages de bite ont été une chance. A une période de la vie où le jeune mâle préfère jouer auxSept Samouraïs ou s’absorber dans la contemplation des nénés corsetés de sa jolie maîtresse, madame Suzuki…

Ryota kun, tu viendras me vois à la fin de l’heure

avec cet appareil photo et ton carnet de correspondance

… Harada préféra canaliser sa rage et sa frustration via l’étude de l’œuvre de Planck, d’Einstein ou de Rechenberg. A quinze ans, on le surnommait ironiquement « l’Einstein d’Asahikawa ». Ce surnom lui est resté toute sa vie. L’ironie en moins, le respect en plus.

1978 : Harada débarque à l’Hokkaido institute of technology en tant que professeur spécialiste de mécanique quantique.

 Maintenant ça va chier !

Inutile de dire qu’il devint tout de suite un ponte dans son domaine. Parmi ses travaux qui ont eu leur importance sur la scène scientifique internationale, citons Effets quantiques électroniques sur des neutrinos sous irradiationMagnetic characterization of the centrosymmetricTetragonal distortion in Tbjf2g2O7 seen by neutron scattering ou encore Aspects topologiques, chaotiques et zoologiques en mécanique quantique.

La liste serait à vrai dire fort longue mais ce n’est pas ce qui nous intéresse. Évoquons plutôt tout de suite une date : le 12 juillet 1998.

Baisse ton froc !

Non, dignes lecteurs de Drink Cold, je sais ce que vous pensez mais vous allez être déçus : ce que prof Harada tient dans sa main n’est pas un sex toy. Il s’agit tout simplement d’une glace à l’eau. Alors qu’il était de faire une expérience pour tester la résistance ionique de bâtonnets de glace dans un milieu hermétiquement clos, l’Einstein d’Asahikawa eut une géniale intuition : et si l’aérodynamisme d’objets glacés, associé à une forme aciculaire, était capable de supporter une masse qu’un objet non glacé serait bien incapable de supporter… la masse. Vous suivez ?

Avec en tête la formule bien connue résumant les différentes forces en action en aérodynamisme :

nota : n’est pas l’âge du capitaine mais le coefficient aérodynamique

Harada entreprit différents tests afin de classifier des glaces en fonction de leur aérodynamisme :

?!

La première glace, bien qu’arborant une jolie forme et une belle couleur orangée, s’avéra être la plus dégueulasse dans ses résultats. La deuxième, pourtant de marque Meiji, ne les améliora qu’à peine. Notre doc passa alors à, tenez-vous bien, DEUX GLACES AU COCA ! D’abord parallèles, les glaces. Les résultats s’en firent aussitôt ressentir. Mais Harada n’était toujours pas pleinement satisfait. Il se rappela alors que la veille il avait fait l’amour à sa femme (l’emploi du temps d’Harada, réglé comme du papier à musique, ne dégageait que de rares espaces pour la bagatelle). Il décida alors d’écarter les bâtonnets et de retenter l’expérience. Et là, miracle ! La portance et la capacité à rester stable dans un trou d’air étaient multipliées par trois ! La théorie du « rendez-vous » (sic) était née, tout comme le ski jumping pair.

Théorie vérifiée la même année par le professeur Norman Bates

Car il faut vous dire ici une chose : si Harada avait l’étoffe pour être élu tronche de l’année par Newsweek, il a toujours su rester simple dans ses goûts. Un peu comme Albert Camus qui aimait à taquiner le ballon de foot, prendre de temps en temps sa paire de skis pour aller traquer le yéti dans les plaines enneigées hokkaidoises n’était pas pour lui déplaire. En fait, le ski, c’était un peu son Rosebud à lui. Et plus spécialement le saut à ski, discipline qui, semble-t-il, l’avait profondément marqué durant son adolescence. Autre chose : lorsque, âgé de 27 ans, Harada arrive enfin à avoir son tout premier rapport sexuel (durant sa lune de miel), il ne fait pas les choses à moitié. Premier coup, coup de maître, jugez plutôt :

Toshifumi et son épouse Kinuyo ont l’honneur

De vous présenter leurs fils Akinori et Michinori

Piaf voyait la vie en rose, Harada a toujours vu la vie en double. Dès l’école primaire, c’est toujours lui qui prenait une double raclée de la part de ses petits camarades. En tout cas, c’est sans doute pourquoi, en voyant cette incroyable portance que pouvaient supporter ces glaces effilées, le professeur a pressenti une possibilité intéressante avec son sport favori. Et si sa théorie du rendez-vous était applicable au saut à ski ? Et si, grâce à cette nouvelle portance, on pouvait envoyer dans les airs non pas un athlète, mais deux ? Comme dirait le capitaine Haddock, autant jouer du biniou devant la tour Eiffel en espérant qu’elle danse la polka. Mais doc Harada ne l’entendait pas de cette oreille. Aussitôt des tests furent faits avec des gerbilles :


 

Matez un peu la stabilité du tandem ! En revanche, pour le solo, c’est un peu Tango Zoulou ne répond plus. Harada tenait la bonne piste. Il fallait enchaîner les expériences. Avec des lagomorphes d’abord :

 

Puis, n’oubliez pas : plus vite, plus haut, plus fort ! Les prochains cobayes ne pouvaient être que des humains. Sur le coup, Harada vit un peu trop grand. Il alla carrément aborder les stars japonaises qui avaient brillé aux J.O. de Nagano, notamment le grand Kazuyoshi Funaki, médaillé d’or de saut à ski :

 

On peut le dire : Harada passa un méchant quart d’heure. Les vestiaires de la piste de Sapporo résonnent encore de l’inextinguible fou rire qui saisit Funaki et son coach lorsque notre savant leur fit son étrange proposition. Des petites annonces furent alors placées dans les journaux. Sur le coup, beaucoup de personnes  crurent que Beat Takeshi cherchait des candidats pour participer à une version enneigée de Takeshi’s Castle. Certains, un peu perplexes quand même, répondirent à l’annonce pour voir de quoi il en retournait. On s’en doute, les quelques inconscients qui se rendirent à l’université d’Hokkaido en sortirent illico totalement horrifiés par ce savant fou à côté duquel Septimus, Miloch et Zorglub sont d’aimables plaisants. Il fallait donc se tourner vers de bons vieux mannequins :

Les mannequins furent prêtés par les Monty Pythons


Là, il faut avouer que le ridicule faillit tuer la suite des expériences
. Découragé, Harada se demanda  s’il ne fallait pas se contenter d’un championnat du monde de ski jumping pair avec des gerbilles. Pourtant, tout était au point : la dimension des skis, leur équilibre, leur matière (le « téflontane ») et, surtout, le système réfrigérant permettant de conserver cette très basse température apte à faire comme le Surfeur d’argent sur de petites distances.

Taille des engins : 2,6 mètres !

Harada essaya bien de se lancer lui-même avec un mannequin. Bilan : hernie discale carabinée pendant trois mois. En désespoir de cause, il pensa même tenter l’expérience avec des singes. Des mois durant, il essaya d’amadouer, avec des glaces au coca placées dans des peaux de banane,  Hanako, une gorille femelle du zoo de Tokyo.

Étrangement, cette tentative se solda par un échec.

Le grotesque de la situation eut un effet positif : foudroyés par la honte, les Harada brothers décidèrent de parler à leur père. On ne sait pas trop ce qu’ils se dirent durant toute une partie de cette nuit du 15 février 1999. On raconte que leur mère, inquiète, les vit sortir de la chambre conjugale les traits tirés, les yeux rougis mais avec un je ne sais quoi de déterminé dans le regard. Leur décision était prise : ils allaient eux-mêmes faire des tests pour leur père !

À suivre…



En attendant la livraison de la suite (et fin) très prochainement (car je sens que si je continue, c’est l’embolie cérébrale assurée), un petit teaser pour la route.  Voici ce qui vous attend :

Du bon gros exploit

Du bon gros Allemand vindicatif

De la bonne grosse chaudasse

De la femme grosse et bonne

Ah ! Il sera aussi question de catch, de boulangerie et de Jpop mais… chut ! Comme on dit : stay tuned.


Lien pour marque-pages : Permaliens.

4 Commentaires

  1. Quel teasing de professionnel des médias, tu as appris très vite malgré que Clarence t’ait lâché sans roulettes !
    Et tant d’incompréhension pour ce pauvre homme, quel pays horrible ce Japanisthan !

    Zoda, chaud bouillant comme ménagère regardant un soap opéra.

  2. Les lecteurs de DC n’en avaient alors pas rêvé mais je l’ai fait : le roman-feuilleton scientifique ! Et dès mon troisième article encore ! Je veux pas dire, mais fallait quand même avoir une sacrée paire de balloches pour oser pondre ce truc. Bon, truc inachevé, ce n’est pas allé plus loin que le quatrième chapitre mais enfin, cela aura permis d’animer quelques bonnes soirées au coin du feu à écouter les trépidantes aventures de doc Harada et de ses mouflets. ils devraient m’engager pour pondre les scénars de Plus belle la Vie, ça aurait une autre gueule tiens !

  3. J’ai longtemps rêvé d’avoir une prof’ comme m’dame Suzuki.

    Sinon c’est clair que c’était sacrément couillu pour un 3ème article. Je pense qu’après ça, t’es un peu devenu notre exemple à tous. ‘Tain qu’il était bon le temps des boissons fraiches, les strips de Bangkok et les combats de free fight dans les sous-sols…

    PS : Qu’est-elle devenue ? Je parle bien entendu de la femme grosse et bonne. 😉

  4. Ouais, clairement, c’était le bon temps. Je ne suis pas de ceux qui braient à tout bout de champ « c’était mieux avant » mais enfin, parfois, hein ! oh ! c’est vrai quoi !
    Pour la femme grosse et bonne (une des épouses des frères jumeaux), j’avais dans l’idée, pendant que monsieur était en train de silloner les tremplins de saut à ski, de lui faire faire un photobook comme celui que la chanteuse Hitomi avait fait à l’époque où elle était en cloque :

    Pas eu le temps de concrétiser ce beau projet.

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