True Mothers (Asa ga kuru)
Naomi Kawase – 2020
Pas de chance pour Naomi Kawase : habituée de la compétition officielle du festival de Cannes, elle a souvent proposé des films plus ou moins inspirés et, l’année où elle réalise un excellent film, cela tombe sur le COVID et l’annulation du festival, privant à son True Mothers d’un coup de projecteur qui aurait été largement mérité.
Ici, c’est moins la Kawase panthéiste que celle soucieuse de représenter des liens familiaux qui prédomine. La nature est limitée à son expression la plus simple, celle d’ailleurs que la réalistarice a plusieurs fois exploré dans des documentaires autobiographiques (dans le beau Tarachime, notamment), à savoir le lien entre une mère et son enfant. On suit ainsi les déboires d’un couple (Satoko et Kiyokazu) qui, à cause d’un souci au niveau des spermatozoïdes de monsieur, ne peuvent avoir d’enfant. Qu’à cela ne tienne, ils se décident à faire appel à une petite société privée, « Baby baton », qui leur permettra d’adopter un enfant légalement. Leur provenance ? de jeunes mères qui ont mal géré la contraception, qui ont dépassé la date légale pour avorter et qui ne pourront s’occuper d’un enfant. C’est ainsi qu’ils ont un jour la chance de voir débarquer dans leur vie l’adorable Asato, bébé né d’une certaine Hikari Katakura, collégienne de quatorze ans qui a fait une grosse bêtise avec son premier petit ami (et qui est sommée par sa famille de se débarrasser de l’enfant).
D’un côté la mère biologique donc, de l’autre la mère adoptive. Et entre les deux comme une troisième mère en la personne de Shizue Asami, gérante de Baby baton dont l’humanité fait beaucoup de bien aux jeunes mères qui ont souvent quitté leur famille en étant affublée d’une réputation honteuse. Voilà les « true mothers » à côté desquelles le spectateur aura des échantillons d’autres mères, plus imparfaites, mais sur lesquelles Kawase ne s’attardera pas, préférant plonger le lecteur dans deux longs flashbacks pour comprendre les trajectoires de Satoko et d’Hikari ainsi que le lien profond qui les unit à leur enfant commun.
Le film est un peu long (2H20) et la narration un peu éclatée aurait pu saouler. Mais finalement, porté par l’excellence de l’interprétation de ses deux actrices principales et par une finesse dans la représentation des sentiments liés à la famille qui est franchement du niveau d’un Kore-eda, True Mothers apparaît comme un film complet qui fait regretter que la cinéaste n’ait pas réalisé depuis d’autres films — son documentaire pour les J.O. de Tokyo étant un cas à part.
8/10