Bonne idée des éditions NaBan d’avoir ressuscité Say Hello to Black Jack (autrefois publié chez Glénat), cette fois-ci sous le titre Give my regards to Black Jack. Car sans aller jusqu’à dire qu’il s’agit du medical manga ultime (genre assez prolixe, je suis loin d’avoir tout lu), on peut dire sans risquer de se tromper que c’est un titre très recommandable pour celui qui aimerait se plonger dans le système de santé japonais, y apprendre mille et une choses et, surtout, se laisser happer par des sentiments forts portés par un graphisme coup de poing.
Car qu’on se le dise : ça ne déconne pas dans le Say Hello to Black Jack de Shuho Satô. On y suit l’apprentissage d’un jeune interne, Eijiro Saitô, qui doit fréquenter les différents services de l’hôpital où il travaille afin de parfaire sa formation. Il découvrira ainsi le service de chirurgie, celui de réanimation prénatale, le service de cancérologie et, pour finir en beauté, celui consacré à la psychiatrie. Et, à chaque découverte, toujours les mêmes sentiments pour Saitô : la révolte, l’incompréhension et les dilemmes. Ainsi, devant des patients atteints de cancer, la grande question est de savoir s’il faut leur dire la vérité ou la cacher. Ou alors, convient-il d’essayer coûte que coûte sur eux des traitements anti-cancéreux pour essayer de prolonger de quelques mois leur vie, ou alors se contenter de soins plus lapidaires tout en les aidant à accepter leur fin.
Coquille vide au début du récit, Saitô se remplit de ces questions, en devient une sorte de rebelle toujours sur le fil, à deux doigts de se faire virer. Il en néglige tout le reste, y compris sa vie privée, comme en témoigne Yukiko, la jolie infirmière qui est parvenue à l’attirer dans son lit mais qui au bout du compte est malheureuse puisqu’elle se rend compte combien elle est finalement invisible en comparaison des obsessions professionnelles qui tiraillent l’esprit de Saito.
Il y a donc de la rage dans Say Hello to Black Jack. Rage de Saito, mais aussi rage des patients, de leurs proches et, parfois, d’autres médecins que Saitô est parvenu à contaminer. Rage mais pas non plus impuissance. C’est tout l’art du mangaka qui, à travers son trait nerveux et souvent spectaculaire (notamment dans l’arc psychiatrique, avec des visions dantesques), parvient toujours à faire percer avec intelligence la lumière au milieu des ténèbres (et elles sont nombreuses). Vraiment un grand manga.
A noter qu’il existe une suite : Shin Black Jack ni Yoroshiku. En espérant que Naban ait la bonne idée d’enchaîner avec lui.