Kamikaze Taxi (Masato Harada – 1995)

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Alors, évidemment, si je vous dis d’emblée que Kamikaze Taxi baigne du début à la fin dans une musique péruvienne qui n’est pas sans donner une ambiance très station de métro parisien, cela ne vous donnera pas forcément envie. Et ce serait bien dommage car cette histoire de yakuzas sur fond d’émigration nippo-brésilienne est particulièrement réussie dans son intrigue et le quatuor de personnages qu’elle met en scène.
Les deux méchants par exemple :

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A gauche Domon, politicien nationaliste, sexiste et révisionniste (les femmes de réconfort ? Elles le voulaient, elles étaient payées pour cela !). Déjà de solides bases pour constituer une fieffée crapule mais ça ne s’arrête pas là puisque le vioque aime à ses heures perdues se faire parvenir de jolies prostituées qu’il ne retournera pas forcément à leur mac en bon état. Sans aucune contestation possible, il est l’ordure du film.

Le deuxième est Animaru, chef yakuza qui s’occupe entre autre de fournir Domon en chair fraîche. Evidemment, un digne homme d’affaires il ne badine pas avec le respect du client et lorsqu’une de ses prostituées jette les hauts cris à propos du sort d’une de ses collègues, il n’hésite pas à la faire taire d’une manière radicale. Pour ce qui est de son jardin intime, c’est en revanche plus soft que pour Domon : son truc à lui, c’est du jouer du saxo dans un club de jazz.

Maintenant les deux héros :

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D’abord Tatsuo, le maquereau en chef d’Animaru. Rôle qui lui va comme un gant tant le jeune homme a le truc pour rendre folle de lui ses employées grâce à une solide science du sport en chambre. Problème : il prend très mal l’agression physique d’une de ses employées par Domon, et encore plus mal le meurtre de sa courtisane en chef par Animaru. Sa vengeance est simple et pue la vrille à plein nez : mis au parfum de l’existence d’un impressionnant paquet en petites coupures dans la chambre de Domon, il décide de pénétrer nuitamment dans sa propriété avec des complices pour y mettre la main. Il y parviendra mais Animaru aura vite fait de connaître l’identité des coupables et d’aller les châtier. Tatsuo s’enfuira, laissant derrière lui ses copains qui se feront massacrer, mais désormais avec une seule idée en tête : tuer Domon et Animaru. En cela il sera aidé par le dernier élément du quatuor :

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Kantake, chauffeur de taxi joué par le toujours excellent Kôji Yakusho. Pas d’ours mal léché cette fois-ci, juste un homme doux, affable, désarmant de candeur… et illettré. Si Domon suggère un arrière-plan historique et nationaliste, Kantake est un peu son pendant mais d’une autre manière. Kantake est un de ces enfants d’émigrés qui, à la fin de la seconde guerre mondiale, sont partis vivre au Brésil (ou dans des pays adjacents : Kantake a en réalité passé l’essentiel de sa vie au Pérou) avec un sort et une qualité de vie très variables. A la fin des années 80, beaucoup de ces émigrés, répondant aux sirènes du gouvernement japonais qui avait un besoin crucial de mains d’œuvre bon marché, revinrent au pays dans l’espérance de faire carrière dans un pays autrement plus riche que le Brésil. Las, le retour fut pour beaucoup malaisé tant la déconnexion avec leurs racines (certains ne pouvant pas même parler japonais) était forte. Avec aussi le sentiment de ne pas être pleinement intégrés, de ne pas être perçus comme les autres comme réellement japonais (les premières minutes, sur un mode docu/fictif, montre des personnages évoquant ces difficultés).

Bref, Kantake (« bambou froid ») est un homme mélancolique, qui a sans doute laissé au Pérou des enfants (comme en témoigne un dessin d’enfant qu’il conserve dans sa voiture) et qui, lorsqu’il ne conduit pas son taxi, aime jouer de la quena, sans doute en pensant au lac Titicaca.

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C’est cet homme que rencontre Tatsuo et qui va aider ce dernier dans son projet de vengeance. Sans dire s’il réussira, précisons juste que le taximan révélera des talents cachés dans l’art de massacrer du yak’ et que lui aussi, aura une raison bien particulière de se venger de Domon…

On l’aura compris, le film possède non pas un kamikaze mais bien deux, selon le postulat bien connu que la meilleure défense, c’est l’attaque. Tactique simple mais efficace, à l’image d’un film sur lequel souffle moins un vent divin qu’un vent de folie douce. Si l’on est habitué au mélange des genres que pratique le cinéma asiatique, il faut reconnaître à Harada une certaine maestria en la matière. Erotique, comique, violent, sérieux, touchant, grinçant, Kamikaze Taxi est tout cela à la fois et sans susciter le moindre malaise. Désarmant de facilité, le film enchaîne morts violentes et scènes contemplatives et c’est tout ahuri que l’on se dit que nous aussi, on aimerait bien élever des lamas au fin fond de la Cordillère des Andes en passant ses journées à jouer de la quena tout en se gavant de juteuses maracujas.

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8/10

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6 Commentaires

  1. J’ai récemment découvert « The Heartbreak Yakuza » du même Harada… Pas totalement abouti, mais assez précurseur du renouveau du polar japonais après des années difficiles (c’était avant « Violent Cop » et « Gonin »). Il a sans nul doute influencé « The Killer » de John Woo (c’est même indéniable).

  2. Partant du principe qu’un film avec Koji Yakushô est au moins un film à voir, ça parait pas mal du tout.
    Un immigré nippo-brésilien qui a réussi, c’est bien Antonio Inoki. INOKI BOMBAYE ! Pardon, je m’emporte. Y a aussi un rikishi brésilien d’origine japonaise depuis quelques années dans le rang des makuushi, Kaisei. J’aime bien. (no spoiler sur le basho en cours, je sais y a peu de risque mais bon je préfère n’en prendre aucun).
    (bon, juste, le politicien, il est à gauche sur les photos, non ?)

  3. @ Mark Chopper : avec Bounce Ko Gals, c’est seulement mon 2ème de Harada. Je note ton « Heartbreak Yakuza » même si je suis sûr qu’il sera moins emballant que the Killer.

    @ Le politicien est à gauche en effet, je corrige recta.
    Sinon il y a aussi Lisa Ono, la chanteuse qui a accumulé les disques de bossa nova plus ou moins soporifiques.
    Et oui, la présence de Kôji Yakusho est toujours rassurante. Pas souvenir d’avoir vu un seul film faiblard avec lui.

    • Il y aussi Luísa Hanae Matsushita, aka Lovefoxxx, chanteuse brésilienne du groupe CSS, qui a prêté sa voix au morceau Nightcall (B.O de Drive)

      • Inconnue au bataillon, faut que je réécoute le générique de Drive.

        Sinon, n’oublions pas deux bêtes dans deux styles bien différents. D’abord la bête en défense :

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        Marcus Tulio Tanaka, défenseur des Blue Samourais qui m’avait plutôt impressionné lors de la dernière coupe du monde. Un peu vieux maintenant, je ne suis pas sûr qu’il ait été sélectionné pour la prochaine.

        Puis vient la bête de sexe (forcément) :

        Tina Yuzuki, AV idol qui, à défaut de quena, doit assurément être experte pour ce qui est de jouer de la flûte.

        M’est avis que des bijins qui ont doré leurs fesses sur les plages de São Paulo, on doit en trouver plein d’autres. Là, c’est au tour d’I.D., le fin connaisseur de la Selecção, l’homme qui serait prêt à tourner une AV avec les deux Ronaldo réunis, de nous donner des pistes….

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