Dans ma série des bijins de la semaine, Hiroko Matsumoto n’aura certes pas la palme de la bijin la plus pulpeuse. Par contre, en terme de classe et d’élégance vestimentaire, elle se pose là. Après, difficile d’en être autrement puisque jeune mannequin à Tokyo durant la fin des 50’s, elle rencontra en 1957 un certain Pierre Cardin qui, absolument sous le charme, lui demanda de la rejoindre à Paris. Ce qu’elle fera après trois années et son arrivée, coïncidant avec un certain engouement alors pour la culture japonaise, fera d’elle un mannequin atypique. Premier top model japonais en France, son visage asiatique, sa coupe de cheveux au carré, conjugués aux ensembles de Cardin, lui donneront une petite touche de modernité qui n’est pas sans évoquer Maki Nomiya, la chanteuse de Pizzicato 5.
Elle arrête en 1967 sa carrière de mannequin et épouse le dirigeant d’alors du groupe Pierre Cardin. Il faut attendre 1970 pour que survienne un événement intéressant puisque François Truffaut lui demande de participer dans Domicile Conjugal, le quatrième opus du cycle Antoine Doisnel. Quatrième et dernier film valable puisque l’ultime épisode, l’Amour en fuite, concluera piteusement les déboires du sympathique personnage joué par Jean-Pierre Léaud (« je savais, en le tournant, que je faisais une connerie », avouera Truffaut). Dans cet épisode Antoine, marié avec Christine, père d’un petit Alphonse, va voir son couple soumis à rude épreuve à cause de ses coups de tête professionnels et sentimentaux, particulièrement à cause de sa rencontre, à son travail, avec une délégation japonaise :
Parmi elle, une fascinante créature, Kyoko, qui a tôt fait de capter l’attention de Doisnel :
L’idylle naissante sera aussitôt sous le signe d’un exotisme qui transfigura le réel, ainsi un parc quelconque aura des allures de jardin japonais :
Kyoko saura le conquérir aussi bien par sa facette de femme traditionnelle que de jeune femme résolument moderne et volontiers entreprenante lorsqu’elle parvient à rester seule avec Antoine dans son appartement :
Cela tournera à l’obsession et parasitera fatalement les relations avec Christine, comme dans cette fameuse scène :
Plus qu’un grain de sable, on comprend que quelque chose est en train de se casser entre les deux avec cette manière de faire l’amour à l’objet de leur fantasme par livre interposé. Cela virera au drame lorsque Christine découvrira la liaison et le fera comprendre à Antoine en l’attendant ainsi affublée :
Et comme dans la vie d’Antoine Doisnel et malheur n’arrive jamais seul, il s’apercevra des inconvénients qu’il peut y avoir à manger sur des tables basses mais surtout en compagnie d’une Japonaise incapable d’extérioriser son contentement d’être avec son amant. Lors d’une scène de restaurant dans laquelle Antoine n’arrêtera pas d’aller toutes les cinq minutes au téléphone pour confier à Christine son agacement, il retrouvera sa table, délaissée par Kyoko, avec non pas l’addition mais une jolie leçon de japonais :
Domicile Conjugal consacre l’unique présence d’Hiroko Matsumoto dans un film mais il s’agit d’une présence marquante car associée à l’un des grands personnages de doux rêveurs (en plus de Tati qui fait d’ailleurs un caméo dans le film) du cinéma français. La suite de sa carrière sera plus terne. Plus iren d’artistique en fait. Juste un mariage, un enfant kidnappé et un décès en 2003 à cause de probables troubles alimentaires. Elle avait 67 ans.
C’est vrai que sur la première photo elle a vraiment un air de Miss Maki. Ou le contraire. Flagrant.
Bon souvenir de ce film, que j’avais vu dans la foulée avec celui d’avant et celui d’après. Du coup je te trouve un peu dur avec « L’amour en fuite », qui m’avait bien plus et qui avait fait son petit effet Madeleine, même à un jour d’intervalle.
Quant à la bijin, la fin d eton article prouve bien que parfois, il vaut mieux ne pas savoir ce qu’il advient de nos héroïnes d’un soir… triste destinée…
L’un des intérêts des films composant la saga Doisnel était l’assurance de trouver le succès et de remplir les caisses de la société, de constituer un trésor de guerre qui allait permettre à Truffaut de s’investir dans des projets plus risqués. Donc à la base, la série a pu avoir au fur et à mesure un côté « bonne recette de cuisine » qui a pu se détériorer avec le temps. Et j’ai clairement eu l’impression dans ce dernier épisode que Truffaut et Léaud « faisait du Doisnel » et surtout que la fantaisie du personnage passait moins une fois qu’il était bien ancré dans l’âge adulte.Et le côté madeleine, le retour des anciennes amantes a justement eu du mal à passer avec moi, je l’ai trouvé très artificiel, limite insupportable, une « escroquerie », pour reprendre le terme que Truffaut lui-même a utilisé sur son film. Après, je peux comprendre aussi que le film ait pu plaire.
En comparaison j’ai largement préféré l’argent de poche, sorti trois ans plus tôt, qui rappelait un peu les 400 Coups.
Faut dire que la saga Doisnel n’a jamais fait partie de mon imaginaire cinématographique, je l’ai vu sur le tard (genre cette année) par pure curiosité (enfin sauf L’argent de poche). Donc de façon assez détachée dans l’ensemble, sans affect particulier. Mais bon, vu que j’ai bien aimé le côté romanesque/série de la chose, du coup le dernier épisode m’a bien plus aussi.
En fait l’argent de poche ne fait pas partie de la saga Doisnel. Je l’ai évoqué car ses thématiques (le film fait fortement penser aux 400 Coups) la rejoignent.
http://www.youtube.com/watch?v=1oRbWVTDWrQ
Un truc qui m’avait marqué avec l’Amour en fuite : le titrage vidéo du générique, la pauvre musique qui l’accompagnait et bien sûr la présence de Dorothée. Tout le long du film j’ai eu l’impression de voir un objet plus télévisuel que cinématographique. Après, je suis sans doute aussi moins fan des dernières années de Truffaut.
J’aime un peu moins les films qui mettent en scène Antoine Doinel adulte. Ce film-ci, j’ai toujours eu du mal à accrocher, (au même titre que « L’Amour en fuite ») alors même que je lui trouve des choses captivantes. Cette « relation » à un tournant de la vie d’Antoine, notamment.
« Baisers volés » reste l’un de mes Truffaut préférés. Je m’en délecte à chaque fois. Par contre, à l’heure actuelle, je n’ai toujours pas vu le moyen-métrage « Antoine et Colette ». Je me demande s’il apporte quelque chose l’ensemble que représente cette saga savoureuse et bien pensée.
J’aime bien Domicile Conjugal mais je reconnais volontiers que Baisers Volés lui est supérieur.
Antoine et Colette est absolument charmant. Après avoir vu la mer et s’être pour ainsi dire purgé de ses angoisses à la fin des 400 Coups, Antoine revient flanqué de son copain blondinet qui a grandi aussi (j’ai oublié son nom mais il est joué par le même acteur). Drôle et tendre, il prépare la voie pour ce que sera Antoine dans Baisers Volés. A voir.