Bruce Gilden au Japon : Pan dans la gueule !

Ah ! Avoir le courage de prendre en photo un quidam qui passe juste sous votre nez ! On y va, on met l’appareil au niveau de l’oeil, on pointe et, au dernier moment, on s’arrête car on vient de remarquer une chose : durant quelques dixièmes secondes le sujet a regardé dans votre direction ! Sentiment bien connu de ceux qui s’essayent à la photo de rue, sentiment persistant chez ceux qui ont l’habitude et qui continuent de ressentir un pincement au coeur et une montée d’adrénaline au moment d’appuyer sur le déclencheur. Et le bruit de la prise de vue a beau être discret, on a alors l’impression d’être le personnage du Coeur Révélateur de Poe, on se persuade que le bruit du déclencheur est bien moins discret que l’on s’imagine et que, c’est sûr, la cible l’a entendu et a compris qu’on lui avait tiré le portrait sans sa permission. A ce stress s’ensuit alors un autre, celui de savoir comment il va réagir. Dans 99% des cas, il ne se passe rien, mais le pour cent restant peut suffire à faire ressentir cette crainte qui n’est pas sans plaisir non plus.

Ce stress, gageons que notre photographe du jour, un Américain, ne l’a jamais ressenti et se marre sûrement à l’idée d’éprouver la moindre sueur froide parce qu’un péquin a eu le malheur d’apercevoir son Leica braqué sur lui. Ce serait d’ailleurs un peu con pour lui car ce photographe a une technique particulière pour approcher ses sujets, technique qui aurait franchement de quoi user une nature qui serait par trop timide. De qui s’agit-il ? Du grand, du seul, de l’unique et finalement du controversé…

BRUCE GILDEN ! (ici avec une paire de faux seins et chantant dans un karaoke sordide de Shinjuku)

Le mec a l’air cool ? Ce n’est pas l’avis de tous. Jugez plutôt :

Gilden, c’est un peu l’anti-Henri Cartier Bresson qui prônait l’effacement du photographe. Loin d’être discret, le père Bruce se veut plutôt comme une caricature physique du photographe, le bob vissé sur la tête, la jaquette multi-poches, le fourre-tout en bandoulière, le Leica M6 dans une main, le flash dans l’autre, tout en lui crie « remarquez-moi ! Sentez ma présence ! ». Dans cet attirail il se promène et, lorsqu’il remarque sa cible, il s’en approche et, arrivé à un mètre bien en face, lui tire le portrait sans préavis. Enfin, « tirer le portrait » est une expression qui paraît bien fade pour décrire le street shooting façon Bruce Gilden. On devrait plutôt dire « shooter la gueule » puisque le quidam a alors droit à un bon coup de flash dans les mirettes. Pas d’explication, pas d’excuse, rien. Et l’on comprend alors la deuxième utilité de la panoplie criarde du photographe : elle témoigne que le mec est sûrement un pro donc pas de panique, tout va bien.

HCB avait parfois l’impression de commettre, d’après ses mots, un « viol délicat ». Gilden, lui, pratique plus le gang bang avec la rue qu’il a décidé d’arpenter. On peut trouver ça original et génial, mais on peut aussi voir chez Gilden une sacrée attitude de trou du cul. Plus que chez d’autres photographes de rue, les moyens posent ici quelques questions par rapport à l’obtention des fins (1). Pour qui pratique le photo de rue, il ne fait aucun doute qu’il ne faut pas trop se poser des questions de ce type, à moins que l’on souhaite se condamner à prendre des photos à dix mètres du sujet, ou avec un gros télé-objectif, comme pour aller à la chasse aux grands fauves, moyen assuré de rendre ses photos plates. Oui, on a conscience de commettre un vol, peut-être un viol, mais le fait d’en avoir conscience allège du même coup la conscience d’un certain poids. Et, il faut bien le reconnaître, tout ceci n’est pas sans participer à l’excitation de l’exercice du street shooting.

Ce qui est gênant (ou digne d’admiration, d’envie, c’est selon) chez Gilden, c’est l’absence totale d’hésitation, l’aspect mécanique, quasi autiste de la prise de vue. On peut arguer qu’il n’y a pas qu’une manière de prendre des photos, et que seul compte le résultat, il n’empêche que la démarche de Gilden apparaît comme systémique et vouée, au-delà de la surprise de la découverte, à une inévitable répétition. On comprendra donc ceux qui trouvent que son oeuvre tourne en rond, mais l’on comprendra aussi ceux qui estiment qu’elle offre malgré tout une variété certaine, variété qui explique pourquoi Gilden est convaincu d’être loin d’avoir épuisé son art.

Chacun jugera de la pertinence de la démarche de Gilden. Une chose est sûre, c’est que l’on ne peut nier à ses images une force certaine liée justement à ce flash qu’il balance à la gueule des gens. Là aussi, une fois n’est pas coutume, on peut ressentir deux sentiments totalement opposés. D’un côté l’impression de voir quelque chose qui n’est pas de la photo de rue car loin de capter naturellement la vie de la rue, elle semble tout autant afficher l’aspect technique de la prise de vue. Mais de l’autre, tout semble comme théâtralisé, magnifié, et les ratages du cadrage au jugé sont alors presque transformés en qualité. Bien plus que son côté rentre dedans, c’est peut-être ma principale réserve vis-à-vis de ce genre de technique : on est en présence d’un gimmick technique, un de ceux qui vont facilement transfigurer une composition ratée, qui feront par exemple d’une photo d’un étron sur le trottoir une chouette photo qui fera dire à l’ignare « Ouah ! trop classe ! ». On peut le qualifier d’anti-HCB, cela n’en fera évidemment pas un équivalent à Cartier-Bresson dont le travail fuit justement tout gimmick de ce style. Cela me rappelle une phrase assez juste lue quelque part sur le net : la photo est nette et bien cadrée, on dira que c’est du photo-journalisme ; si elle est floue, mal foutue, alors ce sera de l’art.

Après, il serait excessif de mépriser les photos de Gilden qui réservent malgré tout leur lot de variété et de surprise :

Surprise !

Les multiples séjours qu’il a pu faire au Japon (en particulier à Tokyo) constituent une excellente facette asiatique au travail de cet homme qui sévit avant tout dans les rues de son New York natal. Avec une constante : celle de fricoter avec un Tokyo plus underground que celui d’un Marc Riboud ou d’un HCB. La vieille matrone ci-dessus en est un exemple, mais il faut aussi citer les incroyables photos de yakuzas :

Uh ?

On sent d’ailleurs ici la mise en scène consentie avec le sujet. Gilden a beau avoir des baloches grosses comme des mandarines, je n’imagine pas un seul instant que cette photo ait pu être prise à un mètre de la gueule d’un yak’ sans le connaître.  Même chose ici :

Nani ?

Et il n’en va pas autrement avec Ayumi Sakai, écrivain prostituée :

Et il existe d’autres photos de yakuzas, photos qui laissent à penser que Gilden a pu être introduit à un clan et qu’il a eu le privilège de les prendre en photo sans courir le risque d’avoir la gueule défoncée à coups de tatanes en peau de serpent. Et les photos avec Sakai montrent bien qu’elles ont été le fruit d’une collaboration entre le photographe et son modèle. A vrai dire, peu importe que le sujet ait une accointance ou non avec Gilden, on remarquera que dans les deux cas, l’effet est le même, celle d’un instantané pris sur le vif, au moment où le sujet est supposé s’y attendre le moins. C’est ce qui intéresse Gilden, saisir l’être au moment où il est sans défense et exprime le mieux sur son visage ce qu’il cache à l’intérieur. Angoisse, tracas, joie, colère, toute une palette de sentiments est censée être captée par le Leica. J’écris « censée » car là aussi, certains ont pu faire le reproche à Gilden de ne capter bien souvent qu’un seul sentiment : la stupeur, et parfois la gène, du sujet.

Même dans ce cas, la résultat a « de la gueule », N&B oblige.

Cela peut être vrai mais dans l’ensemble, et pour ce qui est des photos prises au Japon, ce n’est que rarement le cas, les photos de Gilden présentant une humanité haut en couleur et cabossée, mais traversée par une multitude d’expressions. On a ainsi ce beau portrait d’un SDF concentré dans sa lecture d’un journal :

Celle d’un autre SDF manifestement esquinté par la vie :

Un yakuza au moment d’une petite pause alcool tôt dans la matinée :

D’autres fatalement plus crispés du fait de poids d’un mikoshi transporté durant un matsuri :

Certains laissent exploser un joie hystérique, comme à nouveau Ayumi Sakai :

Des bosozokus un brin poseurs :

Enfin l’inévitabe salary man au masque d’impassibilité déjà à l’épreuve de la journée :

Le terme « masque » n’est d’ailleurs pas mal choisi tant la technique de Gilden semble avoir pour conséquence d’accentuer, parfois jusqu’à la caricature, les sentiments de ses sujets. Et même lorsqu’il n’y a pas vraiment de sentiment d’exprimé, eh bien on peut toujours parler de masques :

Travesti à Shinjuku

SDF dormant au milieu d’une rue.

Finalement, la technique de Gilden convient parfaitement à ses sujets puisqu’elle est à l’image de leurs sentiments. Elle n’a rien à cacher, elle est ostensible, volontiers outrancière, un brin vulgaire, à l’image du monde moderne finalement. Reconnaissons à Gilden au moins deux qualités : celui d’avoir trouvé un style certes contestable mais original, et de ne pas avoir bâti sa carrière sur ce style unique puisque Gilden s’est aussi avéré être un excellent photo-journaliste. On n’en dira pas autant de ses épigones, d’un Charlie Kirk par exemple dont les photos prises à Tokyo sont aisément visibles sur internet. Rien à dire sur celles-ci, elles sont très souvent réussies. Mais ce qui me fait un peu tiquer chez le personnage, c’est une bonne petite fatuité qui suggère qu’en matière de photo de rue, au-delà de sa façon de faire, point de salut. Manière de se mettre au-dessus de la mêlée, bien conscient du fait que tout le monde n’a pas le cran de prendre des photos d’une manière agressive. Le gars se répand ainsi dans un docu qui lui est consacré sur Vimeo (mais devenu depuis peu réservé à quelques « happy few »). On y voit notamment un Charlie Kirk palabrant chez lui devant une grosse collec’ de photobooks et affirmant que Daido Moriyama, oui il connaît mais bof, bof, que le hip shot ça l’intéresse pas, que le numérique c’est pas bon, etc. On a alors la curieuse impression d’être forcément un naze si l’on ne pratique pas la photo in-your-face. Et je passe sur les scènes où on le voit à Shibuya shootant agressivement les passants, le regard dénué de tout contact expressif pour créer un semblant de contac et le gros casque audio plaqué sur les oreilles pour couper court à toute tentative d’explication. Quant à Eric Kim :

… autre style mais même problème. Pas de visage fermé mais une gueule tout sourire, toutes dents dehors pour donner un semblant de change aux éventuels regards courroucés. Evidemment, comme dit Charlie, « seul le résultat compte ». Moi, je veux bien, mais si cela doit forcément passer par coller une étiquette de beauf trou du cul à tout photographe de rue, j’avoue hésiter à adopter pareille méthode.

Oui, rien de simple décidément dans l’art de Bruce Gilden. Je n’échangerais pas dix de ses photos contre une seule d’HCB et pourtant, difficile de ne pas éprouver une certaine fascination devant cette collection de trognes éberlués ou plongées dans leurs pensées. Peut-être est-ce dû aussi qu’au-delà de la paire de couilles que sa technique demande (2), Gilden est indéniablement doué pour faire ce qui est finalement la qualité n°1 d’un bon photographe de rue : aller chercher les occasions.

Sur ce, bon W-E, rendez-vous dans quelques jours pour un article où il y aura quelques belles paires…

Nan mémé, te fatigue pas, un peu plus pinky violence les paires.

(1) Et d’une manière générale, la photo de rue a toujours posé débat en ce qui concerne l’idée même de prendre en photo quelqu’un qui n’a rien demandé à personne.

(2) Et pourtant, étonnamment, Gilden est toujours bien vivant, tout comme Mark Cohen :

… autre photographe de rue adepte du pan-dans-la-gueule. Dans les vidéos présentes dans cet article, il est étonnant de voir la passivité des sujets, passivité semble-t-il confirmée par les deux photographes et, plus généralement, ceux qui pratique la photographie de rue de manière moins agressive. Aller au clash peut arriver, mais cela reste très improbable. Bon après, concernant Gilden, il faut reconnaître qu’il est taillé comme un footballeur de NHL et qu’il possède un grand sens de la communication pour calmer le jeu quand ça devient houleux. Reste que j’ai toujours été sceptique dans la sincérité de la chaleur qu’il dégage dans ces moments-là. Type vraiment sympa ou jocrisse manipulateur  qui veut sauver ses miches ? A vous de voir.

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12 Commentaires

  1. Un grand fou ce Bruce ! Il me semble que je l’avais découvert par ton biais (papier antérieur) le travail de l’artiste. Très sympa. Du coup, j’ai repensé à ton billet en voyant celui-ci…

    http://tokyoscum.blogspot.fr/2012/12/tokyo-compression.html

  2. Oui, c’est sûr que j’en ai déjà parlé une fois ou deux sur ce site.
    Je ne connaissais pas ce Michael Wolf. Sa série dans le métro est sympa, plus que celle sur les SDF vivant dans leurs maisons en carton je trouve.

  3. Toujours aussi bon ce blog 🙂

  4. Deux commentaires de ce type en moins d’une semaine, c’est ça qui est bon pour moi 😉

  5. Intéressante ton analyse. Moi j’aime le Gilden de « Pic nic with Sergey/with a gangster ». Plus que le style bam dans ta gueule, j’adore l’approche de sujets pas faciles à approcher ou des « gueules » qu’il choisit. Ca vient de son passé, aussi, avec un père limite gangster…

    Pour les imitations au rabais, Kirk et l’autre trou du cul, c’est des nazes qui ne savent pas prendre une photo et qui pratiquent l’agression parce qu’ils sont dans l’impossibilité de tenir « le vrai contact ».
    C’est plus facile (et bien moins humain) de rentrer dans la gueule pour te voler ta photo que de demander « ca te gène si je prends ta photo ? » Parce que quand tu te demandes, tu te mets à la merci de l’autre. Tu t’exposes. Et se prendre un « non ! » avec un air de dédain ou même limite se faire engueuler, face à la connerie de l’autre qui questionne même jusqu’à ta démarche de prendre des photos des autres dans son petit esprit étriqué, c’est plus dur à encaisser moralement !

    Moi même photographe de rue à mon petit niveau, j’ai approché des Yaks à Shinjuku. Je leur ai demandé. Souvent c’est non, faut pas déconner. Mais parfois c’est oui. Je préfère demander. Parce que souvent la première photo que tu peux voler c’est pas la meilleure que tu peux prendre. Parle, sympathise, reste 20 minutes. Echange du temps, des paroles, des blagues, « entertain » ton sujet et c’est comme partout, il te le rendra. En faisant comme ça, tu finis par passer inaperçu, le sujet ne se méfie plus quand tu montes ton appareil à l’oeil, et tu peux saisir beaucoup plus (et raconter une histoire !!! Bordel plus personne cherche à raconter des histoires maintenant !!!).

    Pour les photos de Yak de Gilden, c’est d’ailleurs comme ça qu’il a travaillé. Un gars qui connait un gars qui connait un gars…Bref, on lui a fait rencontré les deux yaks, il a vu une « photo en puissance » qu’il a ensuite fait « rejouer » plus d’une fois pour avoir le cliché. Faut avoir aussi les couilles, un peu, de mettre en scène son sujet alors qu’il vous fait déjà un cadeau en acceptant que vous le photographiez.

    Bref Gilden oui, mais c’est parce qu’il ne fait pas que du « Gilden in your face ». Un « photographe » de rue qui ne ferait que du sniper/voleur, tout comme un hentai, ne vaut pour moi pas grand chose.

  6. Tout d’abord merci pour ce long et instructif commentaire, et bienvenue sur ce site. J’aime toujours quand des commentaires touffus débarquent sans crier gare et permettent de poursuivre l’article.

    Bien content de voir que je ne suis pas le seul à être agacé par Charlie Kirk et consorts. Peut-être pas entièrement pour les mêmes raisons. Ce qui m’agace entre autres choses, c’est que l’on ne sait plus très bien ce qui est le plus important, les moyens ou le résultat, alors que normalement ça devrait être seulement ce dernier. On n’est finalement pas loin de l’art performance. C’est sensible dans la vidéo de ce guignol d’Eric Kim. Très « voyez comme je me la raconte avec mon style pan dans la gueule ! J’en ai des grosses hein ? ». Quant à Kirk, on sentait clairement dans cette vidéo (j’aimerais vraiment connaître les raisons qui ont l’ont rendue privée) sa suffisance, sa satisfaction à pratiquer ce style de photo.

    Pour Gilden, bien d’accord pour dire qu’il n’y a pas que cet aspect à prendre en compte. Je crois que je l’ai suggéré dans l’article ou alors, nez dans le guidon que j’étais au moment de la rédaction comme c’est souvent le cas, pas assez marqué. Photographe très polémique en tout cas. Au moment de faire cet article j’ai un peu navigué sur quelques forums et c’est vrai qu’il attire soit l’admiration soit une antipathie très prononcée, et rares sont les avis qui font la part des choses. Et j’ai lu des arguments sur le style in-your-face qui étaient – qu’ils soient en faveur ou défaveur – absolument pertinents. Pour sa série sur les gangsters, c’est clair que même s’il s’agit d’une rencontre arrangée, il faut en avoir une paire pour tirer sur la corde en faisant rejouer la scène. Me rappelle une scène d’une épisode de la Crucifixion en Jaune de slocombe où Woodbroke fait une shooting avec une délicieuse créature offerte par deux yak’, shooting qui tourne rapidement au racket pur et simple.
    Le « Pic Nic with Sergey » illustre bien en tout cas que le travail de Gilden est tout autre dès qu’il s’affranchit de ce fâcheux style qui risque maintenant de lui coller à jamais à la peau. J’aime bien sa série sur Coney Island aussi. Dans tous les cas, on ne peut nier au bonhomme un grand sens de l’humour, et c’est sans doute ce que je préfère chez lui.

    Intéressante sinon ton expérience avec des yaks de Shinjuku. Après, demander systématiquement au sujet la permission, c’est comme pour la photo « in your face », je ne pense pas qu’il faut que ce soit systématique. J’aime bien perso que le sujet ne soit pas conscient de ma présence. Mais c’est vrai que les quelques fois où je me suis trouvé dans une situation de dialogue qui a permis d’instaurer une certaine confiance, j’ai un peu senti les opportunités que cela pouvait créer. Malheureusement je n’ai pas su en profiter pleinement, les expériences ayant tournés court à chaque fois à cause d’une peur d’importuner. Du coup, plutôt que d’en profiter pendant plusieurs minutes (je ne parle même pas de plusieurs heures), je tâcheronne en shootant durant quelques secondes à tout va. Faudra quand même que je m’essaye à cette manière de shooter de manière plus convaincante. Tiens ! Je vais bientôt passer quelques jours en Pologne, j’essaierai de me trouver un ou deux mafieux dans un boui-boui de Cracovie ! Si BdJ ne reprend pas vie, c’est que l’expérience aura mal tourné !

    Au fait, si jamais tu as une galerie perso qui traîne sur le net, n’hésite pas à partager, surtout s’il y a de la trogne de yak en gros plan à contempler.

  7. Ne t’en fais pas, ton analyse était pertinente/équilibrée ! J’ai juste eu envie de ramener ma fraise. Ca m’arrive.
    Je suis d’accord sur le fait que pour ces guignols, c’est le moyen plus que la fin qui est importante… De l’art spectacle, comme tu l’as dis. J’ai eu l’occasion lors de mes études à Paris de fréquenter ce genre de personnes qui ne sont « artistes » que parce qu’ils peuvent se le permettre. J’entends par là qu’ils n’ont pas de talent particulier et que malgré leur éducation un cran plus élevée que la moyenne leur vocation est au fond très similaire à celle de leur génération, toutes classes confondues : loft story (vivre « jet set », où la célébrité comme une fin en soi). Eux, ils le peuvent parce qu’ils viennent d’un milieu aisé (ou d’une famille d’artistes) et qu’ils sont pas non plus les moins instruits de la planète.

    Mais pour moi c’est là où Gilden est très différent des copies et, pour citer Iam, il a ce petit truc qui fait dire « ça vient de la rue » et qui l’amène à raconter et à montrer plus que les autres. Paradoxalement en photographiant la rue en mode in your face au grand-angle, on dirait que les copies Kimesque cherchent justement à s’acheter une authenticité (alors que, et tu ne l’as pas fait remarquer, c’est facile au Japon de prendre des inconnus dans la rue, mais va faire la même chose à Casa ou à Rio…tu vas te faire péter la gueule au premier cliché…et c’est pourtant là bas, je pense, qu’il y aura les meilleures images à prendre).

    Quand je vois les images de Kirk, ou d’autres, qui essaient de faire dans le pseudo trash punk meufs à poils, j’ai envie de leur dire « vous avez pas les couilles d’un Antoine D’Agata, alors allez joué à la baballe avec vos balloches de ping pong. »

    J’ai aussi envie de citer un autre Japonais dont maintenant au pire moment le nom m’échappe (Araki ???) mais dont le livre « Fuyu no tabi » raconte la mort, et la disparition petit à petit, de sa femme par des photos du quotidien…qui veulent rien dire mais qui font chialer…Putain ça c’est de la photo (et pas simplement de l’image). Sans transition je suis aussi assez fan de Martin Parr.

    Sinon retour à mon petit moi, je demande pas forcément la permission, ça dépend. En fait je m’autorise d’être faible. Le courage dit-on c’est d’être fort quand il est plus facile d’être faible, et moi je suis pas tous les jours courageux…Parfois (souvent) demander et approcher est beaucoup plus difficile. Bref, je demande ou pas, en fonction. Des fois je prends la scène, des fois je veux raconter l’histoire et je demande à prendre « la 1ère photo », histoire de casser la distance. Après, j’en shoote 35 autres pendant l’heure que je passe avec le sujet, sans jamais demander, et j’obtiens du naturel ! J’ai jamais trop accroché au côté « le sujet n’a pas conscience que je suis là », mais c’est sûrement parce que j’ai toujours abordé la photo comme un art de la rencontre. Je préfère perdre une photo à la Bresson (ou à la Steve McCurry) pour gagner une pelloche à la « moi ». Peut-être que je suis le seul…mais je vous emmerde tous !

    Pas de gallerie pour l’instant, je shoote en argentique et j’ai pas scanné de néga depuis que Yodo et Bic m’en ont rayé !!! Les enfoirés ! En plus je suis au pays d’Oz en ce moment, travaillant sur d’autres sujets que les yaks ou les niakwais…AH LA NATURE ! Je reviendrai l’année prochaine au Japon et je poursuivrai mes photos de rue, très certainement. J’espère qu’on se croisera d’ailleurs, y a pas de raison…

    • Tu aimes Parr ? Apparemment Gilden aussi puisqu’il a accepté de lui montrer ses gros seins (la photo est de lui). Ses photos du Japon sont assez réjouissantes à voir, le gars à l’oeil pour repérer le petit truc insolite qui fait mouche, cela me fait penser qu’il faudra que je lui consacre un article.
      Pour le reste, tu as tout dit je crois, notamment pour ce qui est de « s’acheter une authenticité » en faisant des photos à la Gilden. Je connais pas non plus sur le bout des doigts la bio de cet Eric Kim, mais d’après le peu que j’en vois, je sens le mec qui, à défaut d’être engagé chez Magnum, mange à tous les râteliers et utilise parfaitement le net et ses réseaux sociaux pour se donner un statut de Photographe de rue (avec majuscule s’il vous plaît). Je crois même qu’il est (ou a été) sponsorisé par Leica. Le photographe de rue-sandwich, c’est bon ça…

      Du « pseudo trash punk meuf à poils » ? Tiens ! Une petite devinette :
      null
      Cette photo a été prise par :
      A) Daido Moriyama à Shinjuku
      B) Nobuyoshi Araki à Roppongi
      C) Charlie Kirk à Bangkok
      D) Olrik au salon de thé « Verveine de mon coeur », à Miyazaki

      Evidemment, les amateurs de plastique japonaise que sont mes lecteurs savent qu’il y a un piège, on ne la leur fait pas, hein !

      ***************************

      En parlant d’Araki, il s’agit bien de lui derrière Fuyu no tabi. Très touchant effectivement.

      Sinon tu as bien raison je trouve de croire en ta démarche. Passer une heure avec un sujet pour prendre en sa compagnie une trentaine de clichés, ma foi, quand on a le cran de le demander à quelqu’un, tu aurais bien tort de t’en priver, quel que soit le résultat. « Art de la rencontre ». Je comrpends. Chez moi j’ai l’impression que c’est plutôt « art de la rencontre platonique ». Mais ça a du charme aussi.

      Enfin, pour ce qui est de se croiser au Japon, après quelques expériences, effectivement, y a pas de raison, pour peu que moi et ma tribu fassions un deuxième voyage d’affilée à une année d’intervalle. Ce qui est peut-être moins gagné… Au fait, quel est le nom de l’arme du crime ?

  8. Désolé pour ce délais dans ma réponse ! En fait non, je pouvais pas faire autrement alors je m’excuse pas, enfin un peu quoi.

    La photo est donc signé Olrik je présume 😉 Quelle nullité ce cliché, vaut mieux éviter la couleur, c’est encore plus difficile que le noir et blanc !

    Bon sinon oui j’aime Martin Parr qui a la classe d’arriver à réussir les photos de « Mr Tout le monde » pour en faire de l’art. Ses photos sont géniales, pour plusieurs raisons. On en reparlera dans ton prochain article !

    L’arme du crime ? Je n’ai malheureusement plus l’esprit aussi vif que dans cette lointaine période de sainteté physique et mentale, avant de tout perdre, innocence comprise, dans un quartier de Shibuya.

  9. Merde ! Démasqué ! J’avais pourtant dit à Yoko san (la tenancière du salon de thé, rombière de 40 balais bien conservée) : « De la sensualité mais on évite par dessus tout le pseudo trash punk femme à poils à la Charlie Kirk ! » Mais j’ai tout de suite senti que le shooting était mal barré. Inutile de dire que dans le salon, ça a plus été par la suite en représailles une spanking hour qu’une happy hour.

    Martin Parr est dans mes petits papiers, je lui consacrerai un article. l’homme a tout de même poussé sa visite du Japon jusqu’à Miyazaki, lieu cher à mon coeur, il mérite bien cela.

    Concernant l’arme du crime, j’avoue que tes paroles mystérieuses mériteraient un éclaircissement. J’ai pour ma part été plutôt chanceux de ce côté-là. j’ai fait tomber une fois mon nikon sur le parking d’un Aeon. Heureusement c’est le filtre uv de mon caillou qui a tout pris, pas le moindre impact sur l’objectif, rien. Me sentant béni par le kami de la photographie, je suis devenu depuis un ardent shintoïste pratiquant.

  10. Sans déconner ! Miyazaki ! Le Miyazaki du Kyuushu où j’ai passé 10 jours dans une ferme à couper des asperges ! Ce Miyazaki que j’ai moi aussi adoré ?! Le Miyazaki de Oni no sentaku ? Le monde est petit donc (enfin le Japon quoi).

    Pour l’arme, il faut être un vrai psychopathe monomaniaque, du genre tueur en série d’hollywood, pour s’en contenter d’une ! En tant que criminel de bon aloi, point de maniaquerie ! Seul le résultat compte, et on prend l’outil le plus adapté. Nikon F3 pour une tuerie en règle. Olympus MjuII pour sniper les indésirables, Rolleicord Vb pour dommages collatéraux assurés, et autres…on varie les plaisirs et les drames. Les munitions aussi : Tri X, tête métallisée haute précision bien sûr ou quand je me sens vraiment de faire un carnage, de la Reala…mais c’est rare hein, parce que c’est un peu l’obus radioactif du pauvre et c’est pas toujours beau à voir !

  11. Ce site est d’une certaine manière un panégyrique à Miyazaki. On trouve plein de blogs de touristes s’extasiant de leur « séjour au Japon  » (c’est-à-dire, en gros, Tokyo/Kyoto/Osaka), mais pour ce qui est de vanter les beautés de Miyazaki (essentiellement sur l’asphalte), là, tu peux être sûr que je suis le seul à être dans la niche !

    Sinon très impressionnant ton matos. Golgo 13, à côté, i’ ferait presque débile ! Moi, en tout cas, j’ai l’air en comparaison d’un collectionneur de figurines pokemon avec mes jouets numériques. Impressionnant et une nouvelle fois forcément alléchant. On espère voir des scans un jour sur la toile.

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