(The DC Archives) Poignée dans le coin et foutre dans le turbo


Dans cet article paru le 14 octobre 2010, les amateurs de belles mécaniques, qu’elles soient de métal ou de chair, allaient trouver leur bonheur dans cette petite perle méconnue qu’est Wild Sex Gang de Takayuki Miyagawa (1973). Pas non plus un chef d’oeuvre mais si je vous dis que Miki Sugimoto joue dedans vous avouerez que l’on ne peut non plus imaginer un navet. L’article commence en faisant référence à des bastons entre les lecteurs de DC et, parfois (souvent ?), entre lecteurs et rédacteurs. Oui, c’était l’époque où il ne faisait pas bon de se rendre à la buvette sans sa coquille !

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Je ne sais pas si vous avez remarqué (simple formule oratoire), mais la buvette a été la semaine dernière le théâtre d’une jolie foire d’empoigne. Il est vrai que lorsque j’ai zyeuté de quoi parlait l’article de Megane, j’ai tout de suite pigé  qu’il allait falloir être très prudent dans les commentaires si je ne voulais pas m’engouffrer dans une de ces polémiques qui n’en finissent plus. Ça, je déteste. Par contre, quand c’est les autres qui s’y collent, là pas de problème. J’adore.

Un grand merci donc à Johan et Sakana, nos deux galopins qui ont sorti la boîte à gifles comme au plus beau temps de mes récréations à l’école primaire. À un moment, je me suis vu dans le rôle de l’instituteur, j’ai par exemple hésité à en prendre un pour taper sur l’autre, à leur frotter les oreilles ou encore à les envoyer au piquet à coups de pied au dargif. Et puis bon, comme le spectacle était de qualité, je me suis dit qu’il valait mieux laisser faire. Vraiment, les gars, c’était magnifique, bravo !

On remarquera Megane au 1er plan et la petite Emi en bas à droite.


Puis arriva ce qui devait arriver : nos deux bagarreurs, exténués, les larmes aux yeux et la morve au nez, se retirèrent chez eux pour panser leurs plaies. Bon, j’entendis bien encore fuser quelques « t’vas voir ta gueule demain ! »  et autres « j’vais l’dire à mon père ! » mais cela ne m’inquiéta pas trop. Regardez-les : ils sont là, au fond de la buvette en train de faire une partie de babe endiablée ! Poteaux comme cochons qu’ils sont redevenus nos Sakana et Johan ! Braves petits !

En revanche, pas de nouvelles de Dimsum, notre casseur de lampadaires qui déboula sans crier gare à la buvette pour insulter tout le monde et déverser des arguments comme des paysans peuvent déverser un tombereau de lisier devant une sous-préfecture.


Là aussi, il était hors de question que je m’en mêle, je portais un nouveau smoke, j’allais pas le ruiner à cause d’un grand nerveux. Et puis quoi ! c’est un peu le rôle du boss de parfois dégainer la winch façon Peckinpah ! C’est ce que fit Clacla, patiemment mais aussi sans ménagement. Et la fin fut délicieuse :

Hé Dimsum ! Déconne pas, c’est juste pour rire hein ! Tu peux revenir tu sais.


Tout est donc pour mieux dans la meilleure des buvettes possibles. Tout ? Non, car une poignée d’irréductibles Gaule-ois continuent de répandre une drôle d’ambiance dans votre bar préféré :

 

Oui, la buvette est en ce moment fréquentée par des types malsains se baladant en strings ! Et là, je plaide coupable ! Je sais, je n’aurais jamais dû enchaîner deux articles sur des films de ce chelou d’Hisayasu Satô, cela nous a attiré comme des mouches à merde tous les déviants de la ville. Homo, hétéro, Polonais, sado, maso, zoo, nécro, omonbato, c’est plus une buvette mais un nid à morbaques (bien pervers, les morbaques). Notez que perso, ça ne me dérange pas plus que ça, j’aime bien quand la réalité semble m’offrir des références cinématographiques. Mais ce n’est pas du goût de tout le monde, certains vont même jusqu’à prendre un coca zéro au Quick d’en face, totalement écoeurés. A.rnaud par exemple. Chaque soir, à la sortie du boulot, on voit sa bobine regarder fugitivement à travers les rideaux pour voir si les vilains bonshommes sont là. On sent que le pauvre est inquiet et qu’il sert instinctivement les fesses. Puis, dépité, voyant bien que sa virginité anale risque d’être menacée, il tourne les talons pour aller s’enquiller en face un menu Royal Burger XXL (sans ketchup par contre).

IL FALLAIT QUE CELA CESSE ! Revenir à des bases plus saines, faire revenir les âmes frileuses (quitte à refourguer plus tard d’autres films fangeux de Satô).

Et pour cela, que rêver de mieux qu’un bon vieux pinky violence, hmm ? Z’êtes prêts ? Allez, c’est parti :

WILD SEX GANG, de Takayuki Miyagawa (1973)


Un rapide coup d’œil sur l’affiche nous révèle plusieurs choses prometteuses. Outre la présence de Miki Sugimoto (toujours appréciable), on remarque qu’il sera question de bikers virils et de scènes olé olé (normal en pleine période de sexploitation, j’ajoute que Norifumi Suzuki étant aux commandes du scénario, il y avait de fortes chances de voir de la combinaison moulante et rebondie comme il faut dans le film). L’image en bas à droite attire sûrement votre attention, commençons par elle si vous le voulez bien puisqu’il s’agit de la scène WTF ? du film, scène qui a la bonne idée d’intervenir dès les cinq premières minutes.

Imaginez, quatre pulpeuses bikeuses roulant la combinaison largement entrouverte devant :

Oui, je sais, ce n’est pas un blu-ray. Faites pas chier.


Mais pourquoi diable font-elles cela ? Tout simplement pour s’exciter, pour sentir le frottement du vent sur les tétons. Quand j’ai vu cette scène, j’ai tout de suite pigé pourquoi je sens une irrépressible envie de voir un film de Satô lorsque je roule la vitre ouverte. Passons.

Nos trois amazones motorisées s’excitent donc. À tel point qu’il leur faut s’arrêter au plus vite afin de passer à la vitesse supérieure (ce qui est totalement contradictoire, je sais). Et c’est alors que…

Séance de lubrification des mécaniques !


Là, tout de suite on se dit que ça va être Zizi RiderBorn to be chaudasse ou encore les Bitées Sauvages (3 calembours in a row, je tiens la forme moi !). De fait, arrivent quatre bikers bien décidés à illustrer la légendaire entraide entre motards :

Un problème ma poulette ? Heureusement que j’ai ma clé de 12 !


Suit alors une pratique que j’avais déjà constatée dans un film de Norifumi Suzuki avec Reiko Ike…

LE BIKE FUCK !


Petite parenthèse ici : dans Girl Boss Blues Queen Bee’s Counterattack, Ike et ses amies s’offrent généreusement à une bande de bikers le temps d’un petit jeu : le premier qui jouit s’arrête. Le gagnant est celui qui va le plus loin.

Étonnant non ?


On retrouve donc cette pratique dans Wild Sex Gang, l’aspect compétition en moins. Les véhicules roulent ici à l’économie, sans perte superflue de carburant, juste pour bien profiter du paysage. Finalement, on se dit que Toyota n’a rien inventé et que ces jeunes Japanisthanais avaient conçu bien avant la firme au taureau le tout premier moteur hybride à deux carburants.

La scène a aussi un petit air de Butch Cassidy et le Kid.


Agréable scène donc que ce ride champêtre dans lequel on voit ces jeunes hommes piloter une japonaise (enfin, deux japonaises pour être exact). Sans doute vous demandez-vous si, avec un tel feu d’artifice dès le début du film, le reste vaut la peine d’être vu. Demandons donc à l’ami Dionnet ce qu’il en pense :

C’est un chef-d’œuvre !


Ce qui, après avoir jeté un coup d’œil à mon dictionnaire français / Dionnet  Dionnet / français signifie : c’est un bon petit film de série B.

L’histoire tourne autour du petit jeu du chat et la souris entre un bosozoku, Junya, et un motard de la police, Hongo. Évidemment, on pouvait craindre le cliché du mauvais garçon au grand cœur contre le méchant flic. Au moins le film nous épargne-t-il cet écueil en nous présentant deux personnages avec leur lot d’ambiguités.

Ainsi Junya apparaît-il assez rapidement comme un sacré bâton merdeux. Qu’il fasse la nique aux policiers en leur montrant son cul…

Ou alors il est sacrément en manque de bike fuck


…lui attire évidemment la sympathie du spectateur. Après, qu’il viole les nanas pour le fun, qu’il les cogne et les manipule, c’est une autre paire de couilles euh, de manches. Junya, c’est le chien fou, le fils à papa sans Dieu ni maître qui a pris au pied de la lettre le Fay ce que voudras de l’abbaye de Thélème (enchaîner le bike fuck avec Rabelais, si ça c’est pas la classe !).

Idem pour le flic. Certes, il course des jeunes zazous qui passent leur temps à baisotter en écoutant du Happy End. Pas cool ça. Mais d’un autre côté, on le voit fréquenter une de ces beatniks, Ayako :

Interprétée par la jolie Hiroko Isayama, que vous avez peut-être vue dans Sayuri la strip-teaseuse, film passé une fois sur Arte


Indéniablement, cette jeune femme l’aime, son Rosco P.Coltrane version pinky violence. Et une scène nous fera comprendre que l’attention de Hongo pour elle dépasse la simple hygiène corporelle.  Mais voilà, entre ce que fantasme Ayako :

A savoir une promenade romantique en moto sous les cerisiers en fleurs


… et la réalité, il y a un gouffre aussi béant qu’entre un film d’Hisayasu Satô et un roman d’Alexandre Jardin. Car notre motard a en fait une autre maîtresse :

Sa motal


Et c’est tout pareil pour Junya : ces deux gars ont apparemment plus de plaisir à mettre la pompe dans le réservoir qu’à mettre la leur dans le moule à pafs. Ce sont des passionnés voyez-vous, des enragés du bitume et de la vitesse. Durant la première partie du film, Junya n’a qu’une obsession : passer de 500cc à 750cc. Et une fois son rêve réalisé, il lui faudra mettre sa bécane à contribution en roulant toujours plus dangereusement tout en faisant la nique à son poursuivant. Et ce ne sont pas les remontrances de ces copains bikers et les pains dans la gueule distribués généreusement par Hongo qui y changeront quoi que ce soit.

« Vire-moi ce putain de sourire ! » (Sergent Hartmann, Full Metal Jacket)


On doute cependant un peu avec l’arrivée d’Hiroko, jeune femme ordinaire jouée par Miki Sugimoto :

Enfin, ordinaire, façon de parler…



Ne rêvez pas, vous ne la verrez pas faisant du bike fuck, son personnage est bien trop classieux pour cela. Un peu comme Ayako, elle incarne une sorte d’ange gardien essayant de détourner leurs diables de bikers du démon de la vitesse.

Une fois ce quatuor de personnages mis en place, Wild Sex Gang prend alors un plaisant rythme de croisière. Pas besoin d’intrigue compliquée, ces relations qui ne cessent de se tendre et se distendre (je sais à quoi vous pensez ici) voire de s’interpénétrer (là aussi) suffisent amplement à rendre ce film très plaisant. Avec à la clé cette épineuse question : ces belles mécaniques de chair arriveront-elles à faire oublier à leurs amants leurs rutilantes rivales ?

Pour y parvenir, Miki n’hésitera pas à le laisser donner un petit coup de pompe à ses pneus avant.


Notons enfin que Wild Sex Gang se distingue aussi par une autre particularité : les scènes d’action. Le film est bien sûr ponctué de courses poursuites entre les deux personnages. Mais la dernière se distingue par son ambition. Je n’ai pas souvenir d’avoir vu une scène aussi longue dans un pinky violence. En fait, très vite un glorieux modèle s’impose à l’esprit : Bullitt (carrément!). Comme pour le film de Peter Yates, cette scène se distingue par sa volonté de multiplier les points de vue afin de faire en sorte que le spectateur se sente au plus près de l’action. Et c’est plutôt réussi, comme ces plans filmés au ras du bitume qui devaient faire leur effet sur grand écran. Autre point commun : pas de dramatisation supplémentaire avec l’ajout d’une musique. Pendant 8 minutes, on n’a droit qu’au vrombissement des deux moteurs 750cc (Hongo ayant volé une nouvelle monture pour faire jeu égal), difficile de ne pas être emporté par ce bruit et cette fureur. Enfin, la dernière similitude tient dans cette mise en avant de la virtuosité des pilotes. Il ne s’agit pas ici de montrer des accidents spectaculaires à gogo comme dans les Blues Brothers mais de montrer combien les deux pilotes sont au sommet de leur art.


Les amateurs de poursuites apprécieront, les autres seront peut-être sensibles à cette manière de faire évoluer les personnages  vers leur passion. Et ce de manière définitive. Il y a en effet de la damnation dans cette ultime poursuite et le spectateur se dit que tout cela finira mal. L’amour ? Il est soit inconscient de ce qui se trame :

Au plus fort de la bagarre, des images superposées nous montrent une Ayako absorbée par la musique d’un groupe de rock. La page Hongo semble bien tournée pour elle.


… soit indifférent (ATTENTION, SPOIL !). La toute dernière scène n’est ici pas sans évoquer la fin d’Easy Rider. Comme Peter Fonda sur sa Harley, Junya se prend un projectile (le casque de Hongo) et meurt du viandage qui s’ensuit. Hiroko s’arrête, regarde le sang sortir du crâne… puis reprend la route sans verser la moindre larme.


Le cadavre reste sur la route comme le vulgaire cadavre d’un chien (et encore, les carcasses d’animaux sont ramassées, elles). Hiroko poursuit sa vie tandis que les policiers ont mieux à faire : emmener au poste le sieur Hongo, ce canard boiteux qui est sorti des limites du système.

À ce moment, tous les mauvais côté de Junya sont oubliés. Ne reste à l’esprit que ce corps longiline dans sa combinaison blanche et ce drapeau américain (autre citation d’Easy Rider) sur le casque. Corps d’un homme qui n’est ici pas mort à cause du conservatisme de rednecks meurtriers mais tout simplement d’avoir voulu vivre une passion sans aucun frein, poignée dans le coin, comme pour oublier peut-être une condition d’éternel inadapté, de déraciné dans une société dont il n’a cure. À ce titre, la mare de sang circulaire sortant de sa bouche n’est pas sans ironie.


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2 Commentaires

  1. Je l’ai vu il y a quelques jours ! Franchement pas mal. Ça se laisse regarder bien que ça ne casse pas trois pattes à un canard, allez peut-être une ou deux. ‘Tain le « bike fuck », c’est un sacré concept. Ça m’a fait cogiter un long moment sur mon canap’. Sans ça, la séquence de fin est réussie. Quant à ce que tu soulignais dans ton SPOIL, c’est foutrement vrai. Sincèrement cette fin rehausse des p’tites passages à vide et donne tout son sens au film de Takayuki Miyagawa.

  2. Oui, le film se laisse regarder avec plaisir et il y a tout un filon de film de « bikes and girls » à cette époque. Faudrait que je trouve le temps d’explorer tout cela après en avoir fini avec mes Torakku Yarô.

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