Campagne rédemptrice

Where I Belong (Shabondama)
Shinji Azuma – 2017

Izumi est un jeune voleur spécialisé dans l’arrachage des sacs à main. Un jour, ça tourne mal, il balance à une passante un coup de couteau qui fait de lui un meurtrier. Il parvient à s’extraire de la ville, mais est en chemin expulsé par un camionneur qui avait accepté de le prendre à bord. Le voilà seul au beau milieu des montagnes, avant de faire la rencontre de Suma, une grand-mère qui vient de se planter en scooter et qui git sur le bas-côté, le suppliant de lui venir en aide. Il accepte. La rédemption est en marche…

 

Comme je gardais un excellent souvenir de Kento Hayashi dans l’excellent drama de Ruichi Hiroki, Hibana : Spark, constater qu’il était dans le casting de ce film de Higashi m’a donné envie de retrouver son aura calme et douce – même si son personnage est ici bien sûr en proie de quelques éruptions fiévreuses. Associé à la vétérane Etsuko Ishihara dans le rôle de la grand-mère (et tout simplément dans son dernier rôle, puisque l’actrice n’aura pas l’occasion de voir le film à sa sortie), il est parfait, d’abord passif et, se laissant peu à peu gagner par la simplicité et la beauté de cette vie à la campagne, devenant actif, participant à des incursions avec le frère de Suma (Katsuhiko Watabiki, parfait en vieil homme rugueux, mais juste) pour récolter de la nourriture dans la montagne, ou bien à la vie du village pour aider à la tenue d’un matsuri. Le jeune homme apprivoise peu à peu la vie à la campagne, et celle-ci fait de même avec lui.

En fait, le film m’a fait l’effet d’une version moderne des Misérables, ou plutôt du début de celui des Misérables. Il y a du duo Izumi / Suma un peu de celui formé par Valjean / abbé Myriel. La différence est bien sûr qu’ici, Izumi est coupable d’un crime alors que Valjean sort de prison. Mais il y a chez les deux la même tentation du mal, et Izumi qui tombe, dans le frigo de Suma, sur une enveloppe cachée contenant sa fortune (et se demandant s’il ne devrait pas partir en douce en l’embarquant), m’a fortement rappelé Valjean face à l’argenterie de Myriel. Dans les deux cas, il y aura aussi la nécessité de donner un autre tour à sa vie, même si, on s’en doute, le sort d’Izumi l’amènera à faire en sens inverse la trajectoire de Valjean, c’est-à-dire à passer par la case prison, parce que bon, donner un coup de couteau fatal à une femme, ce n’est pas la même chose que de voler un pain sur le marché.

Porté par des acteurs parfaits dans leurs rôles et les magnifiques paysages de la préfecture de Miyazaki, Shabondama, dont le titre signifie « bulle de savon » et évoque métaphoriquement la trajectoire du jeune criminel qui atterri au hasard dans la campagne, propose un rassérénant bol d’air frais. 1H48 qui donnent au spectateur d’être lui-même une bulle voletant au milieu d’une nature et d’une communauté faites pour apaiser l’âme. Et comme pour   avec Mizu no Onna (récemment chroniqué), on ne peut que regretter que Shabondama soit quasi l’unique film de Shinji Azuma. Deux autres films ont été réalisés, mais ils sont sans doute mineurs et impossibles à trouver.

7,5/10

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