Takara, la nuit où j’ai nagé (Oyogisugita yoru)
Damien Manivel et Kohei Igarashi – 2017
Le père de Takara a l’habitude de se lever en pleine nuit pour se rendre au marché aux poissons où il travaille. Un jour, Takara l’entend et ne parvient pas à se rendormir. Pour s’occuper il joue, puis dessine un poisson. Et le matin, alors qu’il se rend à l’école, il bifurque soudain vers la gare. Son objectif : rejoindre son père pour lui donner son dessin.
Voilà, c’est tout pour l’histoire. Comme Hirobumi Watanabe et son I’m Really Good, on va suivre la journée d’un enfant, avec cependant quelques différences. Noir et Blanc, plans étirés, dialogues et musiques pour I’m Really Good, couleur, plans plus nombreux, et uniquement les bruits du quotidien pour Takara. Surtout, une journée sans histoire pour le film de Watanabe, tandis que celui du duo Damien Manivel / Kohei Igarashi propose finalement une odyssée miniature à hauteur d’enfant. Car précisons ici que nous sommes l’hiver dans la préfecture d’Aomori, à des températures entre 10 et 20°C, et que voir ce clampin de six ans partir seul dans sa quête hasardeuse, au-delà du sourire que l’entreprise suscite au début, finit par inquiéter.
Mais nul effet mélodramatique, le but étant de retrouver la poésie de certains récits d’enfance (I’m Really Good, donc, mais on peut songer aussi au Ballon Rouge, d’Albert Lamorisse. Pourtant pas vraiment de réalisme magique, mais il y a cette illustration du pouvoir de l’imagination chez l’enfant. À quoi songe Takara quand il se dit qu’il n’y a aucun problème pour aller voir son père en prenant tout seul le train ? Ou bien quand il prend en photo ses jouets dans sa chambre et qu’il observe les clichés plus tard dans la journée ? Peu importe. Et l’on n’aura guère besoin de notice pour comprendre les liens entre le garçon, sa sœur et ses parents. Avec juste un art consommé de la suggestion, Manivel et Igarashi offrent au spectateur un autre voyage, celui de se replonger dans les racines muettes du cinéma, à une époque où l’image et le montage suffisaient pour conter une histoire avec brio.
7,5/10