La froidure de l’hiver arrivant, il est bon de remettre le nez dans la chaleur de l’été japonais. Et il est bon de remettre le nez dans ses photos tout court, puisque trois mois après le retour aux bercail la sensations de manque a eu le temps de s’insinuer et de me donner le courage de surmonter la peur d’être déçu en consultant attentivement les milliers de photos prises cet été.
Le premier mouvement a été un sentiment pénible devant une confirmation : celle d’avoir une pelletée de photos décevantes au niveau du rendu. Alors heureux possesseur d’une Canon 650d et d’un 18-135mm, j’espérais bien que les nouvelles photos allaient balancer dans les cordes les anciennes, celles prises avec mon vieux Nikon d70. Eh bien pas tant que ça. Au-delà du confort (relatif car ça bouffe une place énorme) d’avoir des fichiers surdimensionnés de 18 millions de pixels, j’ai justement été déçu par le rendu de l’objectif, notamment à cause d’aberrations chromatiques pas vraiment discrètes. Après, peu importe, je suis plus de ceux qui bandent face à l’excitation du moment, celui qui donne la sensation d’avoir réussi à capter quelque chose, plutôt que devant le piqué exceptionnel des zoulies images d’un EOS MARK II. Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse du bruit du shutter à un instant que l’on croit prometteur. Et puis, après tout, je voulais un reflex et un objectif tout terrain avec un budget raisonnable, difficile aussi de cracher dans la soupe.
En fait, le principal problème, au-delà des bavures liées au matériel, concerne surtout mon énorme manque de discernement au niveau des réglages. Et c’est ça qui fait mal, tomber sur des images qui auraient pu être très correctes mais qui sont maintenant médiocres à cause d’un choix stupide au niveau de l’obturation ou de la sensibilité. Du coup je me retrouve avec une flopée d’images cramées par la lumières ou floutées. Après l’aberration chromatique, l’aberration du photographe qui s’achète un réflex, qui au moins n’utilise pas le mode automatique, mais qui dans sa joie de traîner ses galoches dans un pays en oublie un peu certaines bases techniques. Pas très glorieux tout cela.
Bref, je remets donc le nez dans mes photos. Avec un peu d’agacement donc mais aussi un certain plaisir, celui de tomber sur des photos qu’on avait oublié d’avoir prises et qui s’avèrent, malgré les bavures du matos et surtout celles du photographe, exploitables au niveau du développement numérique. Le section « bulles de Japon » de la partie « photographie » du site rouvre ainsi ses portes à partir d’aujourd’hui. Pour les vidéos prises cet été, c’est même pas la peine de me parler de nouveaux montages : si les photos m’ont déçu, les vidéos, d’après le peu que j’ai pu en voir, vont sûrement me terrifier. On verra ça en 2013.
Aujourd’hui, une passante traversant le carrefour principal du centre ville de Miyazaki, à l’heure où l’endroit baigne dans la lumière du soleil couchant qui apparaît alors, pendant quarante minutes, dans la perspective d’une des deux avenues. Sa pose ? Ce n’en est pas une, on pourrait le croire mais elle ne fait que marcher. Quant à son geste, sans doute était-elle en train de lever la main pour y regarder l’heure. A moins que ce ne fût pour regarder si ses ongles délicatement vernis étaient du meilleur effet avec la lumière de 17H30 offerte par la Takachiho dôri. J’inclinerais plutôt pour cette explication.
J’aime comme la lumière découpe cette silhouette. Le flash violent renforce l’impression fugitive.
Le texte qui précède aussi m’interpelle.
Ça fait un moment que je me pose une question, surtout avec tes articles passionnés sur les grands photographes : n’es-tu pas parfois tenté d’utiliser un appareil photo argentique ?
Je me souviens de la vidéo où l’on suivait Daido Moriyama dans les ruelles de Tokyo. Souvent je pense à son travail en voyant tes photos, à cause de cette urgence de capter quelque chose, dont tu parles ci-dessus. Et je me demande à quoi elles ressembleraient avec la texture et la part d’aléatoire de l’argentique.
Numérique et argentique ont chacun des atouts qui en justifient l’utilisation. En conséquent je suis curieux de savoir ce qui motive ton choix (d’un point de vue pratique et esthétique) et si parfois tu utilises l’autre méthode.
En fait, j’ai possédé autrefois un reflex argentique, un Canon d’entrée de gamme. Mais je ne garde pas un grand souvenir de cette époque pour la simple raison que j’étais alors simple étudiant, c’est-à-dire toujours plus ou moins fauché, et que mon intérêt pour la photo n’était pas assez fort pour justifier des achats de pellicules et des développement à tire-larigot pour progresser. Mon expérience dans le domaine a donc été forcément frustrante. Impression d’un tâtonnement, d’une envie de bien faire constamment avortée juste pour une question de thunes. D’une grande déception au niveau du résultat aussi. Les partisans de l’argentique ont raison de mettre en avant l’excitation au moment où l’on va chez le photographe chercher ses photos fraîchement développées. Dans mon cas, le bonheur a été extrêmement relatif car ce que je découvrais était rarement bon.
Bref, je ne sais pas si je retournerai un jour à l’argentique. Je suis peut-être trop dans l’impatience du moment pour accepter d’attendre plusieurs jours de voir le résultat. Un exemple tout bête : le court instant, les quelques centièmes de secondes entre le moment où l’on appuie sur la petite touche de l’appareil pour visualiser la vue qui vient d’être, prise, et le moment où elle apparaît sur l’écran, suffisent à créer un condensé d’excitation bien équivalent de celui de l’adepte d’argentique, au moment d’ouvrir sa pochette. Du coup, tu vois, je ne me pose pas vraiment de questions sur les avantages comparés du numérique et de l’argentique, et sur ce que ça donne niveau résultat, c’est vraiment juste une question de plairi, et pour avoir connu les deux expériences, y’a pour ainsi dire « pas photo ». Et puis, c’est vrai que le format RAW est un truc assez démentiel et me fait regarder l’argentique avec beaucoup de circonspection. Un spécialiste me dirait qu’avec beaucoup de technique, il n’y a rien que le développement argentique ne puisse reproduire des possibilités du RAW mais justement, je n’ai aucune technique dans ce domaine et ne suis pas sûr d’avoir l’envie d’en acquérir.
Mais dans l’absolu, tu as raison, il faudrait que je retente l’expérience…
Bon, assez parlé de moi et évoquons plutôt ta dernière oeuvre. Pour les lecteurs qui ne suivent pas mes comptes twitter et Tumblr (enfoirés ! Vous ne savez pas ce que vous ratez !), c’est ici que ça se passe :
http://www.youtube.com/watch?v=rA-vwL9-RjY&feature=youtu.be
Là, par rapport à tes précédentes vidéos, t’es passé à la division supérieure ! Franchement, j’ai pas vu passer le quart d’heure et j’ai trouvé que techniquement, il n’y avait rien à y redire. Beaucoup de plans bien composés et qui s’enchaînent avec fluidité. Je me souviens que dans tes précédentes vidéos, ça accrochait parfois au niveau du rythme mais là, impec’. L’enchaînement n’est ni trop lent ni trop rapide, et convient bien à l’ambiance onirique de l’histoire. Bonne musique aussi : les musiques omniprésentes, ça peut être saoulant mais là, le long morceau éthéré ne m’a pas non plus posé de problème.
Bref, j’ai trouvé que toi et tes amis avez réalisé une petite oeuvre pleine de promesses Des choses m’ont fait tiquer (les Dieux qui se bouchent le nez par exemple) mais pas de réserves majeures non plus (excuse le côté Jacques Martin qui balance des notes mais je suppose que t’es à l’affût du moindre retour. Je dis ça en toute sincérité, je me dis qu’à ta place j’aimerais avoir des commentaires, positifs ou négatifs, plutôt qu’un silence radio. D’ailleurs, si des lecteurs veulent s’y mettre, qu’ils se lâchent !).
Tiens, du coup je me suis posé plusieurs questions :
1) D’abord, évidemment, combien de temps de la conception à la réalisation complète ? Moi qui sais combien une minute sur Adobe Premiere peut prendre du temps, là c’est clair que je me dis que je suis forcément petit joueur en comparaison.
2) Dans l’existence de ce studio Sentô vous vous situez où ? dans l’amateurisme passionné ou déjà dans l’amateurisme avec volonté de se (semi) professionnaliser ?
3) D’autres projets à venir ?
Tout d’abord merci pour ta réponse sur la photo numérique. Ça répond bien à mes interrogations.
Et merci également d’avoir partagé notre film sur tes réseaux. On était heureux que tu l’aies suffisamment apprécié pour avoir envie de le diffuser. Tu as raison, nous sommes vraiment à l’attente de retours, même critiques.
Et pour répondre à tes questions :
1) On a eu l’idée en nous promenant dans la forêt du film en avril 2010. Les différents lieux, surtout l’échoppe, étaient si incroyables que des images nous sont tout de suite venues en tête. On a fait plein de photos qu’on a envoyées au scénariste (au Canada). Il a écrit le script très vite et on a commencé à tourner fin mai avec l’aide d’une poignée d’étudiants en cinéma. Le tournage a été très bref (par exemple on n’avait que 5 heures pour l’intégralité de la scène du bar) mais a été interrompu plus d’un mois à cause de la saison des pluies.
Le montage, sur notre ordi portable bas de gamme, a été affreusement long et compliqué. Le logiciel plantait fréquemment à cause de la taille du projet. Cette étape était néanmoins très intéressante et on a pu improviser beaucoup de choses (la transition vers la nuit, par ex) ou en corriger d’autre.
En comptant aussi la correction des couleurs et le travail du son, cette étape finale nous a pris plusieurs mois, étalés sur presque 2 ans : on a encodé le film terminé en juin 2012.
2) Pour la vidéo, on est résolument dans l’amateurisme passionné. Mais l’Atelier Sentô a une visée professionnelle dans notre domaine de prédilection : le dessin. On l’a créé pour servir de structure à un projet bien précis que l’on souhaite commercialiser : the Coral Cave, dont l’histoire se passe sur une petite île d’Okinawa. Ce projet est une toute nouvelle expérience et on n’est pas encore sûr de ce à quoi ça ressemblera…
3) On a plusieurs projets de BD en cours, tous liés au Japon. Dont un album qui se passe pendant un matsuri dans un petit village de campagne et qui est en ce moment sur la table d’un éditeur enthousiaste. On croise les doigts !
Voilà voilà ! Merci encore pour ton avis sur le film. Il est très enthousiaste. Ça nous a fait plaisir !
PS : désolé pour la réponse tardive. On a eu une grosse coupure d’internet cette semaine…
Eh bien merci pour toutes ces précisions.
Deux ans pour faire ce long métrage, ça paraît à la fois long et finalement cohérent si l’on tient compte que c’est un projet collectif réalisé par des amateurs, c’est-à-dire des personnes qui ont une vie privée et d’autres activités à côté. En tout cas, c’est déjà beau d’avoir pu mener le projet à son terme, avec un résultat dans toutes les parties du métrage (je pense notamment au générique de fin bien chiadé).
Tu évoques l’étalonnage, effectivement, c’est quelque chose d’assez réussi et qui contribue bien (sans besoin d’en faire trop) à l’atmosphère onirique du film.
J’attends avec impatience ce projet se passant à Okinawa. Je me souviens d’avoir discuté de Naha avec toi, lieu que j’ai déjà visité et que je retrouve toujours avec plaisir (et okinawa dans son ensemble) dans des oeuvres.
Quant à cet album, prudence. Un éditeur enthousiaste et un livre qui passe le cap de l’édition, ça fait deux. Témoin un de mes potes à qui un éditeur chez Gallimard lui a assuré qu’il allait avoir droit à la collection Blanche. Trois semaines après, il n’y a plus personne au bout du fil. Bon, ça fait un peu oiseau de mauvais augures mais c’est vrai que les choix éditoriaux sont parfois aussi difficile à prédire que le numéro de la bille à la roulette. Je croise les doigt moi aussi pour que vous tiriez le bon numéro.
J’ai aussi eu, avec un éditeur, une expérience semblable à celle que tu relates.
On sera content si ça marche, mais on ne se fait pas d’illusion : on a déjà d’autres projets sur lesquels rebondir.
A suivre !