Aya Matsuura sous lumière bleue

The Blue Light
Ao no Honoo – 青の炎
Yukio Ninagawa – 2003

Shûichi, lycéen de 17 ans, mène une vie sans histoire, que ce soit à son lycée ou chez lui en compagnie de sa mère et de sa belle-soeur. Mais voilà, un jour son beau-père, qu’ils croyaient parti pour toujours, revient et le quotidien est subitement rythmé par une spirale d’alcoolisme et de violence. Shûichi prend sur lui mais lorsque le beau-père en vient à faire des avances sexuelles sur sa sœur, le jeune homme songe à régler de lui-même la problème, par la manière forte. Et définitive.

 

Pas inintéressant ce Ao no Hanoo. En observant le pedigree du réalisateur, on s’aperçoit qu’il était (il est décédé en 2016) avant tout acteur et que sa filmographie se résume à quatre films.  A priori pas de quoi sauter au plafond néanmoins on peut recommander Ano no Hanoo comme une entrée en matière satisfaisante dans sa filmographie.

D’abord parce que les amateurs de Jpop auront la bonne surprise de découvrir Aya Matsuura, alors au début de sa carrière, dans son premier rôle au cinéma. Elle y joue une camarade de classe de Shûichi, Noriko, personnage discret et en même temps réceptacle des affres que Shuichi finit par lui confier. Il faut dire que ce beau visage inexpressif est infiniment plus apaisant que la trogne sous shochu du beau-père.

Le genre de voisine de classe qui par sa seule présence t’empêche de bien te concentrer.

Ce dernier a tout du nuisible. Il impose à son ex-femme de lui filer de l’argent, de le fournir en alcool, mais aussi son cul, évidemment par la brutalité. Une scène n’entrera pas dans les détails mais nous donnera à entendre retentir dans la maison des cris féminins sans ambiguité et qui mettront Shûichi au bord de la nausée.

Le beau-père, juste après avoir tenté d’agresser sexuellement sa fille. Je te lui aurai foutu Virginie Despentes au cul, moi !

Du coup, comme la situation est bloquée pour trouver un moyen légal de se débarrasser du type (Shûichi ira jusqu’à faire la démarche de voir un avocat pour se renseigner), type qui en arrive à être dangereux envers sa fille adolescente, Shûichi va employer les grands moyens en cherchant le moyen d’assassiner son beau-père.

Les amateurs de la série Colombo apprécieront sans doute l’effort de Shûichi qui va aller assez loin pour se forger un alibi et trouver un moyen de zigouiller son beau-père. Flanqué de son vélo de course, on le voit le planquer dans un coin sur la plage, aller en cours d’arts plastiques (au passage grosse rigolade que le prof de ce cours), puis repartir pour rechoper son vélo et regagner la maison où se trouve le beau-dabe en train de cuver son saké sans savoir que son beau-fils s’apprête à lui faire subir une Claude François dans son sommeil. La scène est assez terrible et constitue évidemment le tournant du film. Elle n’est d’ailleurs pas sans lui donner un côté « Crime et Châtiment ». Pour Shûichi, pas de remords à avoir, il lui faut protéger sa famille et de tout façon son beau-père n’était qu’un nuisible inutile à sa famille et à la société. Nuisible inutile et dangereux de surcroît.

Mais évidemment tout n’est pas si simple et la deuxième partie du film nous fera découvrir un Shûuichi aux abois devant la ruse de l’inspecteur (autre détail faisant penser à Crime et Châtiment) chargé de l’enquête, et forcément un peu tracassé intérieurement par ce qu’il a fait. L’approche du psronnage, notamment dans ce qui constitue son quotidien, est d’ailleurs plutôt réussie. La « lumière bleue » du titre renvoie au bleu d’une sorte de caisse en plexiglas dans laquelle il aime à se trouver, laissant que supposer que l’extérieur lui est peut-être éprouvant malgré les apparences :

De fait, les séquences où on le voit pédaler à toute vitesse sur son vélo de course pour aller au lycée peuvent aussi bien donner l’impression d’une adolescence insouciante et dynamique que d’une sorte de plonger en apnée dans le monde extérieur qu’il convient d’écourter au maximum. En tout cas, les relations de Shuichi avec l’extérieur n’ont rien d’exceptionnelles, le jeune homme apparaît véritablement naturel et dans son élément lorsqu’il parle avec sa mère ou sa sœur.

Les séquences de pédalage sont d’ailleurs plutôt réussies dans leur dynamisme.

Après, il est surprenant de constater que sa chambre est un bric à brac situé dans le garage dans la maison :

Rabouler Aya Matsuura dans sa piaule, le rêve de plus d’un ado de l’époque.

Comme si, là aussi, il y avait une sorte d’inadaptation, de malaise dans la sphère privée. On imagine alors que la vie a dû être un rien traumatisante avec le beau-père alcoolique et que Shûichi en garde inconsciemment les stigmates. Dans sa boite transparente qui le protège de tout, de la sphère familiale comme de la sphère extérieure, elle répond à un idéal de pureté, idéal qui le jeune homme transposera à travers Noriko qui symboliquement appliquera son visage lors d’une scène derrière la paroi.

Comme elle, son visage est lisse, sans aspérités et, alors que la vie de Shûichi sera alors bourrées de périlleuses aspérités, ce sera exactement ce qu’il faudra au jeune homme pour retrouver un peu de sens à sa vie. Là aussi, il y a un peu de Sonia dostoveskienne, même si le film réservera une fin bien différente de Crime et Châtiment.

Bref, sans être non plus un chef-d’œuvre, The Blue Light est un drame familial bien interprété, bien réalisé, avec en prime une cristalline Aya Matsuura qui sent bon le début des années 2000. Une réserve toutefois : pourquoi diable avoir ouvert et conclu le film avec… Post War Dream de Pink Floyd ? Car je vous l’avouerai, faire un lien entre une chanson anti-Margaret Thatcher et une histoire d’un gosse qui bute son beau-père, c’est un peu chaud. Ça passe si on se contente de la mélodie, mais si on fait attention (ou si on les connait) aux paroles, ça parasite un brin l’ambiance.

7/10

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